Pour la Recherche n° 14, Septembre 1997 : Economie et Santé mentale


A propos des statistiques en psychiatrie
 

Delphine Antoine*

Le rapport du Haut comité de santé publique sur la santé en france paru en 1995 présentait trois principales limites du système d'information de santé qui peuvent être reprises pour la psychiatrie :
 
u un système éclaté : l'absence de conception d'ensemble sur les objectifs et la structure du système d'information entraîne une multiplicité des intervenants et des logiques. On peut difficilement parler d'un système d'informations en psychiatrie. On est plutôt en présence d'un certain nombre de sources de données dont les objectifs, le champ, les définitions et concepts différent : approche sectorielle ou par établissement, regroupement de l'activité par notion de structure ou de type d'activité, etc.
u des données peu médicalisées : en matière de troubles mentaux, l'état de santé est mal connu et les motifs de soins sont peu appréhendés même si récemment des enquêtes de morbidité menées par la DGS et l'INSERM en 1993 et 1996 sur les secteurs de psychiatrie ont apporté certains éléments dans ce domaine.
u une valorisation insuffisante des données disponibles. Il existe un nombre important d'informations et de moyens centrés plus sur la production d'informations que sur des études ou des synthèses.
 
Il existe des informations sur la psychiatrie et en même temps une absence d'informations dans des domaines importants en matière d'évaluation économique tels que les coûts financiers ou les filières de soins. La psychiatrie ne dispose pas non plus d'indicateurs sur l'ensemble des activités qu'elle produit. On peut également noter que les informations disponibles portent plus sur le système de prestations de soins et de santé que sur l'état de santé de la population, les déterminants individuels et sociaux de cet état de santé.
 
Il y a un peu plus de 10 ans, des recueils d'informations mis en place dans les secteurs de psychiatrie ont permis de montrer que plus de la moitié des adultes, suivis en psychiatrie de secteur, le sont exclusivement en extra hospitalier. Or depuis, la description statistique des activités de psychiatrie n'a quasiment pas évolué. Comment faire aujourd'hui pour que la psychiatrie puisse élaborer les instruments de sa description ? Trois acteurs sont ici concernés : le psychiatre (et tous les intervenants du domaine), le décideur et le statisticien.
 
Le travail du statisticien consiste à passer de l'histoire singulière à la vision d'ensemble puis à défaire cette unité pour refaire de la diversité. Pour cela, il faut un vocabulaire et des concepts communs. C'est ce à quoi répond la mise en place de nomenclatures et de définitions. Un certain nombre de difficultés dans l'utilisation des informations actuellement disponibles résident dans l'inadéquation de certaines définitions, soit parce que celles ci sont peu applicables à la psychiatrie soit parce qu'elles ne sont pas assez spécifiques. Enfin le champ de la psychiatrie a développé des définitions qui lui sont propres et qui parfois ont du mal a s'intégrer dans les outils ou les régles de découpage actuellement utilisées. Comment prendre en compte la diversité des pratiques en psychiatrie ? Comment définir ces pratiques ? Qu'est qu'un patient en psychiatrie ? Comment définir le secteur de psychiatrie : est-ce un service hospitalier (au sens rattaché à un hôpital) ou est-ce les missions de service public en psychiatrie desservies à une population donnée dans le cadre d'une aire géographique ? Les nomenclatures et les définitions qui permettent le mise en place d'un recueil d'informations sont en général issues de représentations sociales ou administratives sur un domaine. Est-ce l'absence ou une multitude de représentations qui est en cause en psychiatrie ?
Des travaux en cours permettront peut être d'améliorer les informations produites sur la psychiatrie. Mais l'amélioration de la description des activités de psychiatrie ne se fera pas uniquement par des solutions techniques mais également par des idées. Car, dans l'élaboration des statistiques, l'idée précède toujours le chiffre.
 
* Statisticienne (SESI)
 

 



Dernière mise à jour : 7 juin 99

Monique Thurin




                   
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n° 14