Pour la Recherche n° 28
MARS 2001 - La recherche dans les équipes


  • Éditorial, par le Pr P. Mazet
           La recherche en Psychiatrie dans les C.H. de :
  • Caen par S. Dolfus
  • Versailles par MC. Hardy-Baylé
  • A L'Institut Monsouris par M. Corcos, E. Birot et Ph. Jeammet
  • Démarche de trois chercheurs cliniciens : M. Falk-Vairant, R. de Beaurepaire et A. Gauvain-Piquard
  • Compte-rendu du Symposium International sur Internet et Psychiatrie M. et JM. Thurin
  • Communiqué sur Les leucodystrophies par N. Baumann
  • abonnement
  • Comité de Rédaction et remerciements



  • Editorial - Pr Philippe MAZET

    Ce vingt-huitième numéro de "Pour la Recherche" donne la parole à 6 psychiatres dont une partie de l'activité est consacrée à la recherche clinique, en tant que responsables ou membres d'une équipe ou d'un service impliqué dans une activité de recherche. Cinq questions leur ont été posées :

    - Que recouvre pour vous le concept de recherche clinique en psychiatrie ?

    - Comment avez-vous structuré votre équipe et monté votre dispositif ?

    - Quelles difficultés et quels soutiens (collaboration avec d'autres services, administration,...) avez-

    vous rencontré ? ;

    - Qu'aimeriez-vous dire à quelqu'un qui veut faire de la recherche ?

    - Comment voyez-vous la recherche ultérieurement ?

    Cela donne un numéro particulièrement intéressant, stimulant, concret, montrant bien à la fois, outre quelques-uns des thèmes de recherches actuels, l'intérêt et l'apport de l'activité de recherche dans la pratique du psychiatre ou d'un service de psychiatrie, mais aussi les difficultés de tous ordres et les déceptions que cela peut engendrer.

    L'expérience de nos 6 collègues, M. Corcos et Ph. Jeammet, S. Dollfus, M. Falk-Vairant, A. Gauvain-Piquard, M.C. Hardy-Baylé, R. de Beaurepaire, est rapportée de manière très riche et très vivante. D'une certaine manière, elle rejoint tout à fait la mienne, ayant eu la chance d'abord à Bobigny, puis maintenant à la Salpêtrière, de pouvoir consacrer une partie de mon temps à la recherche clinique, tant par exemple dans le domaine des troubles des interactions précoces et de leur évolution ultérieure, des troubles des apprentissages dans l'enfance, que dans bien d'autres aspects du développement de l'enfant, depuis la grossesse jusqu'à l'adolescence, en collaboration avec d'autres équipes cliniques ou de recherche dite fondamentale. Cette distinction est, soit dit au passage, particulièrement artificielle, comme le souligne, très récemment Ch. Brechot, le nouveau Directeur Général de l'INSERM. Dans son message aux équipes de chercheurs de l'INSERM, il dit très clairement que: "La distinction entre recherche fondamentale et clinique est le plus souvent artificielle ; la recherche doit être vue comme un continuum et l'INSERM doit poursuivre une recherche d'amont nécessaire au développement des connaissances, et aux conséquences de nouvelles techniques diagnostiques et de nouvelles approches thérapeutiques...".

    Sans doute peut-on en 2001 répondre de manière positive mais nuancée à la question posée par J.M. Thurin dans l'avant-dernier numéro de "Pour la Recherche" : "Y a-t-il un nouveau rapport du psychiatre clinicien à la recherche ?". Sans doute oui, et le contenu de ce numéro nous le montre bien. Nous pouvons tout à fait suivre M.C. Hardy-Baylé lorsqu'elle rappelle que la recherche est plus un état d'esprit, par exemple savoir mettre en question ses convictions, ses intuitions, ce que l'on croit être son savoir, qu'une compétence au sens le plus étroit du terme, et qu'elle n'est autre que l'art de se poser des questions et de trouver de manière adaptée les moyens de tenter d'y répondre. La plupart des cliniciens possèdent bien cette qualité mais ne la mettent en pratique que dans leur exercice quotidien avec leurs patients.

    Cependant, se poser des questions ne suffit pas à "faire de la recherche". La méthodologie de la recherche assure une plus grande pertinence aux réponses apportées et nous prémunit contre des positions plus proches de l'idéologie que du savoir. Mais au fond, la recherche de la méthodologie adaptée à l'objet de la recherche et à la question posée est une affaire, certes nécessaire, mais secondaire. Sa nécessité peut au plus imposer de collaborer avec des spécialistes en méthodologie, mais une "méthodologie rigoureuse appliquée sans discernement ne conduit jamais à mener une politique de "recherche appliquée" telle que se doit d'être la recherche clinique".

    Sur un autre plan, je serais tenté de dire que l'activité de recherche peut refléter chez le clinicien quelque chose de sa capacité à la fois créative et ludique dont parle D.W. Winnicott ; n'apporte-t-elle pas parfois une part de rêve en contrepoids des difficultés de la pratique quotidienne ?


    Sommaire

    La recherche en Psychiatrie dans le C.H.U. de Caen

    Sonia Dollfus*

    Que recouvre pour vous le concept de recherche en psychiatrie ?

    Il s'agit avant tout de recherches cliniques impliquant des patients et aussi des sujets témoins. Elles recouvrent des domaines variés et nécessitent le recours à des outils méthodologiques très différents. Nous prendrons deux exemples, la recherche physiopathologique et la recherche thérapeutique. Cependant, il est aussi impératif de poursuivre les travaux sur les descriptions sémiologiques et nosologiques des troubles mentaux sans se contenter des classifications internationales extrêmement réductrices (DSM IV et CIM 10) car les définitions cliniques fines des maladies mentales sont un préalable indispensable à la recherche en psychiatrie.

    La recherche physiopathologique vise à expliquer les mécanismes qui sous-tendent tel ou tel trouble psychiatrique. Parmi les différentes méthodologies utilisables, les récentes techniques d'imagerie cérébrale pourraient ouvrir de nouvelles perspectives (Dollfus, 1999). La tomographie par émission de positrons (TEP) permet d'étudier l'état (nombre, affinité) des récepteurs centraux des neurotransmetteurs impliqués dans de nombreuses affections et le profil pharmacologique de certains psychotropes. La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) permet d'évaluer in vivo les concentrations de certains métabolites centraux comme le N-acetyl-aspartate, marqueur de viabilité et/ou de densité neuronale (Delamillieure et al. 2000). Une autre méthode, l'imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf), plus accessible aux équipes de recherche et moins onéreuse que la TEP et de plus non invasive et inoffensive, semble déjà très prometteuse ; elle permettra probablement d'élucider l'implication des circuits neuronaux et des interconnexions défaillantes dans certains troubles psychiatriques. Une technique encore plus récente, la magnéto-encéphalographie, qui présente une excellente résolution temporelle, permettra, associée à l'IRMf, de décortiquer les composantes des opérations cognitives en analysant, à la milliseconde près, les zones d'activité cérébrales qui les sous-tendent.

    La recherche thérapeutique repose sur le développement et l'évaluation de nouvelles thérapeutiques, d'ordre psychothérapique et chimiothérapique. Les premières ont fait l'objet d'un numéro spécial de cette même revue (cf. n° 25 juin 2000). Concernant le développement de nouveaux psychotropes et leurs évaluations, les chercheurs cliniciens ont un rôle essentiel dans l'élaboration de protocoles portant en particulier sur certaines affections peu accessibles à l'heure actuelle aux chimiothérapies comme par exemple les formes négatives des schizophrénies. Ces recherches thérapeutiques doivent répondre à des critères méthodologiques rigoureux qui sont le double insu et la randomisation.

    Quels que soient le type ou la méthode de recherche, la recherche clinique ne peut se concevoir qu'en partenariat avec les patients et dans le respect des lois éthiques. Cela sous-entend qu'une information claire soit délivrée. Le recueil du consentement libre (c'est-à-dire qu'il peut être retiré à tout moment), éclairé (c'est-à-dire après une information préalable présentée par écrit) et exprès (c'est à dire exprimé par écrit) prévu par la loi Huriet (20 décembre 1988) est une obligation. D'autres préalables à la réalisation d'une recherche clinique sont prévus par la loi et doivent être appliqués sous peine de sanctions pénales (cf. revue Prescrire mai 1990, tome 10 p. 204).

    Comment avez-vous structuré votre équipe et monté votre dispositif ?

    L'équipe de recherche que nous dirigeons actuellement est insérée dans une Unité Mixte de Recherche 6095, CNRS / CEA / Université de Caen / Université de Paris V, créée le 1er janvier 2000 et composée elle-même de 6 équipes.

    Cette équipe de recherche en psychiatrie est composée de psychiatres (1 directeur, 1 post-doc, 3 doctorants), d'un doctorant en sciences et d'un psychologue. La thématique de recherche centrale porte sur les dysfonctionnements neuro-cognitifs des schizophrénies avec comme méthodes d'investigation, l'IRM fonctionnelle et la neuropsychologie. Elle accueille en permanence des étudiants en maîtrise, en DEA ou en thèse de sciences, d'horizons variés.

    La constitution de cette équipe et surtout son insertion dans un grand organisme de recherche sont le fruit d'une histoire et d'un travail de recherche axé sur les schizophrénies depuis plus de 10 ans. En 1996, nous avons créé avec Michel Petit une Unité Propre de Recherche et d'Enseignement Supérieur (JE2014) en réseau Caen-Rouen à partir de la fusion de deux groupes de recherche localisés d'une part à Caen et d'autre part à Rouen. Ce nouveau groupe de recherche a poursuivi ses travaux en les recentrant sur une seule thématique : la schizophrénie déficitaire. Nos travaux, utilisant des méthodes d'évaluation diverses (imagerie cérébrale, neurophysiologie, génétique, neuropsychologie), ont permis de conforter notre hypothèse selon laquelle la schizophrénie déficitaire est sous-tendue par un processus physiopathologique distinct de celui de la schizophrénie non déficitaire (Dollfus et Petit, 2000). Au terme de ces quatre années, ces deux équipes caennaise et rouennaise constituant le groupe JE2014 ont voulu recentrer encore davantage leurs travaux en utilisant chacune un type d'investigation. C'est ainsi que notre équipe caennaise a fusionné avec le groupe d'imagerie neurofonctionnelle composé essentiellement de chercheurs fondamentalistes experts en imagerie cérébrale. De telles fusions ne sont envisageables et ne sont durables que si les équipes de recherche clinique et fondamentale poursuivent des travaux entrant en résonance les uns avec les autres et si une interaction scientifique réelle existe entre les chercheurs.

    Quelles difficultés et quels soutiens (collaborations avec d'autres services, administrations,...) avez-vous rencontrés ?

    Globalement, on peut dire que les difficultés et les obstacles sont croissants et l'emportent malheureusement largement sur les soutiens.

    Les soutiens se résument à la reconnaissance scientifique des travaux de recherche soit par la communauté scientifique nationale et internationale, soit localement par l'élaboration et la réalisation de protocoles de recherche avec des chercheurs fondamentalistes, soit par le Ministère de la Recherche et les grands organismes de recherche qui délivrent les labellisations.

    Si l'intégration de notre équipe au sein d'un grand organisme de recherche favorise sa reconnaissance et apporte un soutien moral d'une grande importance, elle ne permet pas de lever les obstacles et difficultés qui existent en amont, en cours et en aval de la réalisation de la recherche.

    Obstacles et difficultés en amont de la réalisation de la recherche

    Ils sont nombreux essentiellement d'ordre financier et administratif.

    Les obstacles financiers : Obtenir des soutiens financiers est la préoccupation principale de toute équipe. Même en appartenant à un grand organisme de recherche, l'aide financière apportée ne suffit pas pour développer des protocoles s'appuyant sur des techniques sophistiquées comme l'IRMf. Aussi tout protocole de recherche doit­il s'accompagner d'un financement qui lui est propre. La concurrence étant de plus en plus importante, il devient rare de décrocher le financement nécessaire lors d'une première réponse à un appel d'offres. Plusieurs réponses à différents appels d'offre, qui ne peuvent pas être simultanées, sont parfois nécessaires, ce qui est source évidemment de retard dans la mise en route de la recherche en question.

    Il est important de souligner que la mise en place des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) par le Ministère de la Santé a apporté un véritable ballon d'oxygène aux équipes de recherche hospitalières. De plus, les fonds versés aux hôpitaux sont gérés par l'administration de l'hôpital, ce qui peut être une aide très importante pour les équipes peu formées à la gestion d'un budget de fonctionnement et d'équipement. On ne peut qu'encourager la mise en place et le développement de tels programmes dévolus, en particulier, aux équipes hospitalières de recherche clinique.

    Les obstacles administratifs sont nombreux et ne cessent de croître, tant et si bien qu'un directeur de recherche passe actuellement un temps non négligeable à régler des problèmes administratifs.

    Toute recherche biomédicale pratiquée sur l'être humain nécessite le respect de règles éthiques dont la plupart d'ordre administratif figurent dans la loi Huriet (voir pour revue, « législation en santé mentale », 1993).

    La première règle pour mener des recherches sans bénéfice individuel direct, comme les recherches physiopathologiques, est l'obtention d'une autorisation d'un lieu de recherches biomédicales délivrée par le Ministère de la Santé. Cette autorisation ne peut être délivrée qu'après visite de médecins inspecteurs de la DDASS, ce qui peut nécessiter des mois.

    La deuxième règle est d'avoir un promoteur de la recherche. Lorsque les recherches cliniques s'effectuent au sein des services hospitaliers, le Directeur Général de l'hôpital se porte le plus souvent promoteur. Fonctions de la bonne volonté et des circuits administratifs, les délais de réponse peuvent être très variables.

    La troisième règle est l'obtention de l'avis du Comité Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale (CCPPRB) (décret du 27 décembre 1990). Ce comité émet un avis et non une décision. Cet avis peut être : favorable, demande motivée d'information complémentaire ou de modification substantielle, ou défavorable. Dans tous les cas, l'avis est transmis au Ministre de la Santé qui a deux mois pour statuer. Il est important d'insister sur le fait que seul le Ministre peut prendre une décision visant à interdire ou à autoriser une expérimentation. Certains CCPPRB peuvent prendre des positions dogmatiques qui outrepassent leur mission de protection des personnes. Récemment, un CCPPRB a exigé que le diagnostic de schizophrénie figure sur le formulaire d'information et de consentement destiné au patient alors que les termes « troubles neuropsychiatriques » ou « troubles psychotiques » étaient proposés. Deux objections peuvent être avancées à cette exigence. La première est que délivrer un diagnostic aussi précis à tout patient schizophrène est loin d'être systématique en pratique quotidienne (Ferreri et al, 2000). La deuxième est que seul le psychiatre traitant est habilité à délivrer au mieux cette information qui doit tenir compte de l'état psychique et environnemental du patient. Malgré ces objections, ce CCPPRB a émis un avis défavorable. Cet exemple illustre parfaitement le fait que la recherche ne doit pas amener à modifier les pratiques cliniques et qu'un CCPPRB doit se prononcer sur la recherche avec le souci de protéger les personnes et non sur les pratiques cliniques. Cet avis défavorable du CCPPRB a contraint le promoteur à faire un recours lors de sa déclaration d'intention auprès du Ministre de la Santé. Celui-ci a autorisé la recherche sans exiger que le diagnostic de schizophrénie figure sur le formulaire d'information et de consentement destiné au patient. Ainsi, si ce CCPPRB ne revenait pas sur son avis, le formulaire devrait mentionner à la fois son avis défavorable, comme la loi l'exige, et l'autorisation du Ministre de réaliser la recherche.

    Une autre condition est l'accord de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) qui doit être obtenu lorsque les données recueillies sont saisies sur support informatique et qu'elles sont nominatives ou permettent l'identification d'une personne. Les dossiers sont d'une complexité telle qu'ils incitent les chercheurs à ne recueillir que des données biographiques minimales et non nominatives.

    Obstacles et difficultés en cours de réalisation de la recherche.

    Une fois ces obstacles administratifs surmontés, d'autres se surajoutent sur le terrain qui rendent la recherche faisable ou non. Deux critères de faisabilité doivent être systématiquement évalués avant d'entreprendre une recherche : le recrutement possible des patients et le temps que doivent consacrer les chercheurs à sa réalisation.

    Le recrutement des patients peut être difficile en raison de critères d'inclusion et d'exclusion restrictifs. Il nécessite de plus l'implication et la participation active des psychiatres cliniciens. Aussi, une interaction forte entre une équipe de recherche et un service de psychiatrie est-elle indispensable. En ce qui concerne notre équipe, cette interaction est largement facilitée par la présence, au sein de l'équipe de recherche, de personnes qui ont la double compétence, de psychiatre et de chercheur, par l'implication active dans la recherche des psychiatres cliniciens du Centre Esquirol et par l'implantation physique de l'équipe de recherche au sein du service de psychiatrie.

    Le manque de chercheurs est un réel problème auquel sont confrontées toutes les équipes qui effectuent de la recherche clinique en psychiatrie. Les services hospitaliers doivent faire face à des demandes de soins de plus en plus importantes alors que les effectifs médicaux restent stationnaires, voire même diminuent. La pénurie de psychiatres qui touche de nombreuses régions, dont la Basse Normandie, associée à l'absence d'un statut de chercheur-clinicien, rendent la réalisation des recherches très difficile au sein de ces services. Le statut d'assistant de recherche clinique (ARC) n'est pas reconnu dans les hôpitaux. Pourtant les ARCs au sein des équipes de recherche pourraient rendre de nombreux services comme par exemple participer au monitoring des cahiers d'observation, au recrutement et à la gestion des sujets témoins.

    Obstacles et difficultés en aval de la réalisation de la recherche

    Arrivé à ce stade, il reste au chercheur à franchir les obstacles liés à la publication et à la diffusion de ses travaux. La compétition internationale est telle que l'accessibilité aux revues les plus prestigieuses est très difficile. Les articles soumis dans des revues à haut facteur d'impact sont analysés par 2 à 4 reviewers. Les délais de réponse sont souvent de plusieurs mois et une acceptation pour publication est exceptionnellement obtenue dès la première soumission si bien qu'un an peut s'écouler entre la soumission de l'article et son acceptation pour publication. Ces obstacles à la publication découragent souvent les plus jeunes. Et pourtant, toute recherche, même si elle débouche sur des résultats négatifs, devrait être publiée. La publication ne doit pas être uniquement une satisfaction personnelle ; elle est indispensable car elle vise à faire progresser la discipline.

    Qu'aimeriez-vous dire à quelqu'un qui veut faire de la recherche ?

    Je ne pourrais que l'encourager car la recherche en psychiatrie est un domaine passionnant, d'une extrême richesse et en pleine expansion. Cependant, faire de la recherche est un métier qui ne s'improvise pas mais nécessite plusieurs années de formation (1 an de maîtrise, 1 an de DEA et 3 ans minimum de thèse de Sciences). Le premier conseil est que la personne doit s'intégrer dans une équipe. Il est actuellement inconcevable de faire de la recherche seul, ne serait-ce qu'en raison des difficultés et obstacles énumérés précédemment. Le deuxième conseil est que la personne doit très rapidement se focaliser sur un thème de recherche. Seul un travail de recherche mené sur une thématique pendant plusieurs années est susceptible d'aboutir à un niveau scientifique d'excellence. Un tel choix et une telle constance sont difficilement acceptés par les plus jeunes. Le troisième conseil que je donnerais spécifiquement à un psychiatre qui veut faire de la recherche est de ne jamais abandonner son activité clinique. A mon sens, une interaction d'une grande richesse existe entre la recherche en psychiatrie et la pratique clinique. La formation de clinicien incite le chercheur à se questionner sur la compréhension des troubles psychiatriques et sur les moyens de les améliorer. Une formation de chercheur donne au clinicien la méthodologie nécessaire pour tenter de répondre à ses interrogations.

    Comment voyez-vous la recherche ultérieurement ?

    Il est impératif que la recherche en psychiatrie continue de se développer en France. Un certain nombre de facteurs y contribueront :

    * Offrir des moyens financiers aux équipes de recherche en psychiatrie.

    * Diminuer les contraintes administratives et les délais de toutes les procédures.

    * Initier à la recherche tous les étudiants en médecine soit au cours de leur cursus (ce qui se fait dans certains pays européens comme la Hollande où un stage de 3 mois plein temps dans un laboratoire de recherche est obligatoire), soit au cours du troisième cycle.

    * Favoriser l'accession des jeunes internes à une année recherche au cours de leur formation de psychiatre.

    * Favoriser le développement des interactions entre chercheurs fondamentalistes et cliniciens en créant des centres de recherche en psychiatrie où se côtoieraient chercheurs, cliniciens, universitaires. Pour ce faire, il est impératif que des postes statutairement reconnus, puissent être crées offrant la possibilité d'exercer une double fonction de chercheur et de psychiatre au sein des services hospitaliers.

    Bibliographie

    * Albernhe T., Tyrode Y., (1993). Législation en santé mentale, pratique médico-hospitalière, tome II. Ed Duphar-Upjohn. 408 p.

    * Delamillieure P., Fernandez J., Constans J.M., Brazo P., Benali K., Abadie P., Vasse T., Thibaut F., Courthéoux P., Petit M. and Dollfus S. (2000). Proton magnetic resonance spectroscopy of the medial prefrontal cortex in patients with deficit schizophrenia : preliminary report. American Journal of Psychiatry, 157:641-643.

    * Dollfus S. (1999). Imagerie médicale et psychiatrie. L'exploration du cerveau humain vivant. Recherche et Santé, 77:18-21.

    * Dollfus S., Petit M. et le groupe du PHRC (2000). Etudes et recherches cliniques sur le syndrome déficitaire. Chapitre XI du livre : « Schizophrénies en France : données actuelles», Dr Vidon, Ed. Frison-Roche, 209-222.

    * Ferreri M., Rouillon F., Nuss P., Bazin N., Farah S., Djaballah K. and Gérard D. (2000) De quelles informations les patients souffrant de schizophrénie disposent-ils sur leur maladie et leur traitement ? L'Encéphale, XXVI (5):30-38

    *Groupe d'Imagerie Neurofonctionnelle, Unité Mixte de Recherche 6095 CNRS/CEA/Universités de Caen et Paris V, Centre Cycéron et Centre Esquirol, CHU, Caen 14000


    Sommaire

    La recherche clinique dans le service de psychiatrie du Centre Hospitalier de Versailles

    Marie-Christine Hardy-Baylé

    Il y a mille et une façon d'organiser une recherche mais plus qu'une méthodologie, c'est un état d'esprit qui permet de « faire de la recherche ».... et de structurer une équipe.

    L'équipe de recherche de Versailles s'est structurée autour d'un état d'esprit commun et selon certains principes d'organisation de l'activité de recherche clinique qu'elle mène.

    1. Une certaine conception de la recherche clinique

    La recherche, pour l'équipe de Versailles, est, avant tout, l'art de se poser des questions et de trouver une manière adaptée de tenter d'y répondre. La plupart des cliniciens possèdent cette qualité mais ne la mettent en pratique que de manière « naturelle » dans leur exercice quotidien avec leurs patients. Ainsi, plus souvent qu'il n'est dit, un chercheur sommeille dans chaque praticien. Cependant, se poser des questions ne suffit pas à « faire de la recherche ». La méthodologie de la recherche assure une plus grande pertinence aux réponses apportées et nous prémunit contre des positions plus proches de l'idéologie que du savoir. Mais cela aussi procède de l'état d'esprit : celui de savoir mettre en question ses convictions, ses intuitions, ce que l'on croit être son savoir. La recherche de la méthodologie adaptée à l'objet de la recherche et à la question posée est une affaire nécessaire mais, au fond, secondaire. Sa nécessité peut au plus imposer de collaborer avec des spécialistes en méthodologie. Mais une méthodologie rigoureuse appliquée sans discernement ne conduit jamais à mener une politique de recherche « appliquée » telle que se doit d'être la recherche clinique. Car, avant tout, la recherche clinique est une recherche appliquée, c'est-à-dire partant de la clinique pour y retourner et prenant pour guide à son déroulement sa pertinence par rapport au champ clinique. L'état d'esprit du chercheur doit venir alimenter la connaissance clinique qui, seule, assure l'inscription de la recherche dans le champ qui est le sien. Le statut de clinicien ­ chercheur est la matérialisation de cette nécessaire co-existence.

    2. L'organisation de l'activité de recherche de l'équipe de Versailles

    L'organisation de la recherche à Versailles découle des principes décrits ci-dessus. Par ailleurs, cette organisation tente d'assurer le dynamisme de l'équipe, c'est-à-dire la stimulation des personnes y participant. Pour ce faire, certaines « règles » implicites de fonctionnement font partie de la « culture » de l'équipe : responsabiliser, encadrer, et valoriser. Ces règles conduisent, concrètement, à une pratique particulière de l'activité de recherche.

    L'équipe de Versailles constitue un exemple parmi d'autres d'une dynamique de recherche. C'est pourquoi les propos qui suivent ne peuvent prétendre constituer des modèles à la structuration d'une équipe de recherche. Ils ne sont que l'expression des principes qui guident notre équipe.

    2.1. Le choix des thèmes

    * Le choix d'un thème « prioritaire »

    Le choix d'une thématique « principale » est fondé sur l'intérêt de chacun des cliniciens, des opportunités scientifiques et des moyens que l'équipe accepte de développer pour y faire face.

    Le choix de l'équipe de Versailles, fortement influencé à l'origine par le Professeur D. Widlocher, a été de s'intéresser aux troubles schizophréniques en utilisant l' « outil » cognitif pour répondre à des questions d'ordre clinique. Cette approche a permis de poser les questions autrement, d'aborder la question difficile de l'explication des troubles, de leur clinique et de l'efficacité des mesures thérapeutiques.

    * De nécessaires collaborations

    L'application d'un modèle du normal à la clinique des troubles mentaux rend possible la collaboration avec des psychologues et des neuroscientifiques en charge de l'élaboration de ces modèles du normal. Cette collaboration entre des professionnels aux modes de pensée différents impose à l'équipe clinique de marquer sa spécificité, celle de « garant » de la pertinence de l'application de telle ou telle démarche de recherche à leur champ.

    Le choix de l'équipe de Versailles a toujours été de travailler en collaboration avec des chercheurs d'une autre discipline plutôt que de s'approprier leur logique au risque de dénaturer celle des cliniciens que nous sommes et que nous devons rester. Par exemple, sur l'axe de recherche des troubles schizophréniques, la collaboration avec des neuroscientifiques a permis l'utilisation de l'imagerie cérébrale fonctionnelle pour la validation de nos propres hypothèses. La collaboration avec des électrophysiologistes a permis l'exploration des activités électrophysiologiques en rapport avec les traitements cognitifs que nous postulions altérés chez les schizophrènes. La collaboration avec des psychologues du développement nous a permis de développer une réflexion autour de la théorie de l'esprit chez les patients schizophrènes et de nous enrichir, à partir d'une méthodologie commune, des données issues de l'étude des enfants.

    * L'intérêt d'avoir un thème « prioritaire »

    L'intérêt d'avoir un thème prioritaire est de pouvoir dérouler un véritable programme de recherche et de lier une équipe autour d'une problématique commune. Les données acquises permettent une accumulation de connaissances offrant une consistance à la ligne de recherche et une valorisation nécessaire de l'équipe par les publications qu'elle permet.

    Par ailleurs, un tel programme permet de renforcer les liens entre les membres de l'équipe et d'introduire une dynamique véritable par le simple fait que les données obtenues par les uns sont sources de stimulation pour les autres.

    Cette responsabilité mutuelle ne peut se développer que si chacun des membres de l'équipe est en charge d'un champ spécifique de questions en lien avec le thème. Ainsi, dans le modèle développé par l'équipe de Versailles sur les troubles schizophréniques, trois axes de développement viennent s'enrichir mutuellement : l'altération des traitements contextuels pris en charge par un clinicien chercheur, l'altération de la théorie de l'esprit pris en charge par un clinicien différent, la clinique des troubles pris en charge par un troisième. Chacun de ces champs trouve dans le développement des autres, matière à se penser et à s'alimenter.

    * Une ouverture possible vers d'autres thèmes

    Le développement d'une thématique principale ne doit cependant pas devenir une contrainte pour les cliniciens qui s'y consacrent. Le choix de l'objet de la recherche doit respecter les « intentions » de recherche des cliniciens qui y participent.

    Ce respect s'applique déjà aux plus jeunes dans la recherche, comme les étudiants en quête de « sujet » de DEA. Le choix initial de l'objet de leur recherche doit déjà répondre à une curiosité pour un champ ou l'autre de la clinique. Le mettre en question est l'affaire d'un directeur de recherche qui doit imposer la rigueur méthodologique nécessaire à l'aboutissement de la recherche, à commencer par la formulation de la question qui permettra d'y répondre et l'incitation à la lecture de la littérature qui permettra d'éviter la naïveté de certaines hypothèses.

    Mais ce respect s'applique encore davantage aux cliniciens expérimentés. Les chercheurs de l'équipe de Versailles sont des cliniciens et les questions qu'ils se posent évoluent au cours du temps en grande partie du fait des nouveaux champs cliniques qu'ils explorent. Un changement de pratique clinique s'accompagne régulièrement de l'émergence de questions cliniques nouvelles qui imposent une nouvelle recherche.

    Ainsi, la responsabilité nouvelle de la filière de soins des patients suicidants a amené l'un des praticiens à s'intéresser à cette question et à ouvrir un nouvel axe de recherche sur les modalités de prévention du suicide.

    De même, l'implication du service dans une nouvelle organisation des soins en réseau a conduit l'équipe à s'intéresser à des questions de Santé Publique et lui a imposé de s'initier à la démarche épidémiologique. Pour cela, de nouvelles collaborations ont été nécessaires avec des professionnels en santé publique et des épidémiologistes. Elles ont contraint l'équipe à s'initier à d'autres méthodologies que celles que nécessitent les travaux de psychologie expérimentale.

    De même, notre modèle « unitaire » des troubles de l'humeur et la rencontre avec une équipe de généticiens (Genset) nous ont amené à réaliser une vaste étude génétique de nature à tenter de valider notre modèle clinique. Des praticiens, jusqu'alors responsables de la ligne de recherche en neuropsychologie cognitive, ont accepté de mener cette étude et la société de génétique a accepté de financer un clinicien durant un an afin de permettre d'assurer le recrutement et l'évaluation clinique des patients.

    2.2. L'importance de la stimulation de l'équipe

    La création, le développement et même simplement la continuité d'un travail de recherche ne sont possibles que par une motivation et des sources de stimulation constantes.

    En effet, la pratique de la recherche est une pratique difficile même si elle comporte de nombreuses satisfactions.

    L'intégration dans une équipe est essentielle pour tout praticien qui souhaite poursuivre une activité de recherche. Or, l'activité de recherche pour un clinicien exerçant dans un service sans équipe de recherche peut devenir à un moment donné de son exercice un souhait, une nécessité devant certains problèmes cliniques qu'il se pose, une opportunité du fait de certaines rencontres...Tout praticien devrait pouvoir s'investir à un moment ou à un autre de sa carrière dans une activité de recherche.

    Pour cela, sa première source de stimulation sera le service dans lequel il exerce. En l'absence d'une ouverture de ce service à « l'esprit » de la recherche, il est peu probable que cela soit possible. C'est aussi pour cette raison qu'il est essentiel que l'activité de recherche soit reconnue au sein de l'activité de tout service de psychiatrie, non comme une activité « annexe » mais comme une activité « naturelle » de notre discipline. En retour, cette ouverture à la recherche peut largement venir enrichir la réflexion clinique et la diffusion des connaissances. La présence d'un clinicien chercheur, ou simplement d'une recherche menée par un praticien dans une équipe clinique, permet souvent d'introduire une source de stimulation et une rigueur dans la réflexion autour des connaissances les plus actuelles nécessaires à la mise en question et à l'évolution des pratiques.

    L'activité de recherche, à Versailles, fait partie intégrante de l'activité générale du service et des réunions hebdomadaires permettent à l'ensemble des cliniciens de se retrouver autour des problématiques de recherche. Les cliniciens qui se sont éloignés un temps de la recherche restent, malgré tout, impliqués dans cette réflexion.

    2.3. La nécessité d'une formation à la recherche

    Cependant la recherche clinique n'est pas l'objet d'un enseignement initial. Or, l'acquisition d'une méthodologie à la recherche est nécessaire pour prétendre mener une recherche. En l'absence de formation initiale, un praticien doit pouvoir faire la preuve de sa capacité à "faire de la recherche". En l'absence d'équipe sur le lieu d'exercice de ce praticien, il est nécessaire que celui-ci puisse participer aux activités d'une équipe de recherche constituée, et ainsi, bénéficier des contacts utiles pour la poursuite de son étude. Cette participation est, par ailleurs, indispensable pour l'acquisition de l'état d'esprit de la recherche, de cet « en commun » qui seul permet de s'approprier l'esprit du travail de recherche. En l'absence de cette « immersion », le clinicien peut avoir le « sentiment » de faire de la recherche parce qu'il est de loin en loin en contact avec un directeur de recherche, mais il aura le plus grand mal à acquérir, réellement, la logique de la recherche. Il ne suffit pas de mener une recherche pour faire de la recherche.

    2.4. La question de l'appartenance à un organisme de recherche

    L'appartenance à un organisme de recherche peut avoir des avantages. Cependant, les contraintes inhérentes à cette appartenance, adaptées à des chercheurs statutaires peuvent être sources d'inhibition pour une équipe de cliniciens. La recherche clinique n'est pas la recherche fondamentale. Le choix de constituer une équipe de chercheurs ayant une activité clinique modifie les contraintes que l'on peut imposer à ces cliniciens. Le temps qu'un clinicien peut accorder à la recherche n'est pas celui qu'un chercheur peut y consacrer. C'est aussi pourquoi il peut être précieux de s'entourer de personnes pouvant accorder beaucoup de temps à une recherche : DEA, cliniciens détachés pour un temps d'une grande partie de leurs activités cliniques, psychologues chercheurs. La possibilité de le faire est réelle ; elle est fonction des opportunités.

    Pour toutes ces raisons, l'équipe de Versailles a choisi de rester une équipe clinique, un laboratoire universitaire de recherche sans appartenance à un organisme de recherche. La légitimité des travaux ne repose alors que sur la seule production de l'équipe. Cela peut être source de stimulation.

    Quant aux sources de financement, elles peuvent être multiples : Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC), bourses, organismes de recherche proposant des financements à des équipes cliniques à partir d' « appels d'offre », contrats avec des sociétés privées pour mener une recherche dont le service reste promoteur (industrie pharmaceutique, par exemple)...

    A titre d'exemple, l'équipe de Versailles a obtenu de nombreux financements par le biais de contrats de recherche avec le CNRS, entre autres grâce aux fonds « Cognitique » CNRS, par le biais des programmes de recherche clinique (PHRC), ou par des contrats de recherche avec l'industrie pharmaceutique ou d'autres sociétés (comme la société de génétique Genset) pour lesquels notre équipe de recherche restait promoteur et décidait des termes et du déroulement du projet financé.

    3. Perspectives pour la recherche

    3.1. La recherche clinique : une nécessité

    La recherche ne doit pas être un terrain sur lequel les cliniciens s'opposent. Comme toute discipline, la psychiatrie doit se doter des moyens de faire de la recherche. L'exercice clinique ne peut se passer d'une ouverture à la recherche. Il paraît légitime que les services de psychiatrie possèdent tous les possibilités de le faire, c'est à dire qu'ils soient ouverts à cet état d'esprit qui permet de s'inscrire dans les débats actuels de la psychiatrie, en connaissance de cause, et en se donnant la possibilité d'y apporter sa réflexion. Or, une démarche de recherche est le meilleur outil de diffusion des connaissances. La diabolisation ou l'idéalisation de certaines positions sont souvent le témoin d'une absence de connaissance et d'une certaine naïveté. L'état d'esprit que permet la recherche devrait prémunir contre ces deux obstacles à l'évolution des idées et des pratiques.

    3.2.La recherche clinique : des moyens permettant d'assurer l'environnement stimulant, la reconnaissance et les financements nécessaires

    La recherche ne doit donc pas être une activité annexe des services de psychiatrie mais être reconnue comme une activité essentielle à la contribution que tout clinicien doit apporter à sa discipline. A ce titre, des moyens doivent être accordés aux services qui font l'effort de contribuer à cette réflexion. Outre une reconnaissance de cette activité par les tutelles, l'aide d'un service voisin doté d'une activité de recherche peut fournir les informations nécessaires à l'obtention de financements. Ces financements ne peuvent être accordés sur de simples « intentions » de recherche. Des garanties quant à la pertinence théorique et méthodologique du projet sont indispensables. Plus largement, un accompagnement à la recherche, par une équipe habilitée à le faire, peut permettre d'apporter à un praticien « novice » les moyens d'initier, dans son service, une activité de recherche. Les services hospitalo-universitaires devraient tout naturellement être requis pour se mettre au service des praticiens intéressés.

    L'avenir de la recherche en psychiatrie est, en partie, une affaire de masse critique. La recherche ne peut rester dans les mains de quelques uns. Elle doit devenir l'affaire de tous.

    M.C. H-B.

    Bibliographie

     

    * Bazin N., Perruchet P., Hardy-Baylé M.C., Féline A., Traitement d'un contexte sémantique et schizophrénie. L'encéphale, Sp 1998, 102-103

    * Brunet E., Sarfati Y., Hardy-Baylé M.C., and Decety J., A PET investigation of the attribution of intentions with a non-verbal task. NeuroImage 2000, 11,157-166.

    * Olivier V., Hardy-Baylé M.C., Lancrenon S., Fermanian J., Sarfati Y., Passerieux C., Chevalier J.F., Rating scale for assessment of communication disorders in schizophrenics. European Psychiatry, 1997, 12 : 352-361

    * Passerieux C., Iakimova G., Laurent J.P., Hardy-Baylé M.C., Metaphor comprehension in patients with schizophrenia : An event-related potential study. 10 th Biennal Winter Workshop on Schizophrenia. Schizophrenia Research, fev 2000.

    * Sarfati Y., Hardy-Baylé M.C., How do people whith schizophrenia explain behaviour of others : A study of theory of mind and its relationship to thought and speech disorganization in schizophrenia. Psycholocical Medecine, 1999, 29, 613-620

    * Sarfati Y., Passerieux C., Hardy-Baylé M.C., Can Verbalisation Remedy Theory of Mind Deficit in Schizophrenia ? Psychopathology, 2000, 45,93-101


    Sommaire

    La recherche en Psychiatrie à l'Institut Mutualiste Montsouris

    M. Corcos (1), E. Birot (2), Ph. Jeammet (3)

    I - Le concept de recherche clinique en psychiatrie

    Le service de psychiatrie de l'adolescent et de l'adulte jeune du Professeur Ph. Jeammet à l'Institut Mutualiste Montsouris a pour vocation naturelle de s'interroger spécifiquement sur le développement physiologique, affectif, cognitif et social de l'enfant et de l'adolescent. Cette singularité liée à sa clientèle explique les particularités de ses travaux de recherche.

    Avant d'évoquer le concept de « recherche clinique », il nous semble nécessaire de rappeler que la recherche tant épidémiologique que psychopathologique en santé mentale de l'enfant et de l'adolescent reste peu développée en France. La prise de conscience des pouvoirs publics de l'importance du dépistage, de l'évaluation et de la prise en charge des problèmes de santé mentale de l'enfant et de l'adolescent se développe si l'on en croit les priorités de santé identifiées par les conférences nationales de santé et l'affirmation que « l'Education Nationale a son rôle à jouer dans la promotion de la santé mentale » (janvier 2001). On peut dès lors espérer que les organismes de recherche et les services spécialisés puissent bénéficier de financements conséquents, et que l'Education Nationale s'ouvre aux enquêtes nationales de dépistage en santé mentale. Le dernier rapport d'importance sur le sujet aux USA (surgeon general conference on children's mental health, sept. 2000) va dans le même sens d'une priorité accordée aux recherches sur ce sujet, en termes de retombées attendues en santé publique. Cette opportunité est à saisir, mais exige une plus grande attention et rigueur dans les études à promouvoir. Quelles approches favoriser ? Comment faciliter leur articulation et surtout quelles sont celles qui envisagent puis proposent dans leurs études des moyens d'action efficaces ?

    Sur ce point nous considérons que le nombre relativement faible de publications françaises standardisées, répondant en particulier aux exigences critériologiques internationales, ne doit pas être la seule référence des activités de recherche et éluder les publications dites « non scientifiques » exposant des approches compréhensives des troubles, argumentées par l'expérience clinique et les études de cas qui sont, elles, nombreuses. Ces deux types d'investigation cliniques et d'élaboration de stratégies thérapeutiques doivent pouvoir avoir leur place, voire se confronter. Quoiqu'il en soit, il faut promouvoir la recherche en pédopsychiatrie et, en particulier, offrir aux services spécialisés les moyens d'une réflexion, d'une action et d'un encadrement dans le domaine. En d'autres termes reconnaître son statut de service public. Tout ceci vise à favoriser l'engagement des jeunes psychiatres (qui sont de moins en moins nombreux chaque année), à se former à la recherche en pédopsychiatrie très tôt dans leur cursus, s'ils en ont le goût. Les besoins sontimportants et les moyens alloués devraient évoluer dans un sens favorable.

    Ce préambule est important pour l'équipe de recherche de l'Institut Mutualiste Montsouris puisque nous avons tout particulièrement organisé des recherches en réseaux multicentriques formalisés par des contrats de recherche externe Inserm (sur le suicide, la boulimie et les conduites de dépendance) pour allier des études scientifiquement rigoureuses, en référence aux critères internationaux (métrologie fiable, thèmes de référence avec catégorisation diagnostique DSM IV et CIM 10, entretiens semi structurés,...) et des études abordant des dimensions sociologiques et psychopathologiques, ces différentes approches d'un même thème se nourrissant et se complétant.

    Il s'agit pour nous de faire part d'un état d'esprit de la recherche qui tire son origine de la réalité de notre expérience clinique quotidienne et qui structure une solidarité entre les différents intervenants, donnant ainsi un cadre singulier à l'organisation des activités de recherche.

    Pour résumer, nous dirions que l'élaboration d'un diagnostic à l'adolescence devrait pouvoir tenir compte de trois dimensions : symptomatique, développementale, relationnelle et être inscrite dans une perspective intégrant le continuum normal-pathologique. En pratique, nos recherches utilisent à la fois le diagnostic catégoriel et des classifications dimensionnelles qui évaluent les adolescents sur des continuum émotionnels et comportementaux, allant du normal au pathologique. Certaines d'entre elles sont basées sur des échelles d'évaluation d'inspiration psychanalytique, construites dans le service (suicide) ou traduites (depressive experience questionnaire). D'autres utilisent les catégorisations nosographiques classiques. D'autres enfin allient les deux approches.

    Nous avons explicité cet état d'esprit dans toutes les collaborations que nous avons pu proposer et avons pu travailler avec les équipes qui le partageaient ainsi qu'avec des équipes spécialisées en méthodologie qui nous ont aidé à affiner notre questionnement et à obtenir des réponses fiables. De plus, nos projets de recherche sont particulièrement ciblés sur toutes les problématiques où les connaissances sont insuffisantes ou contradictoires avec l'ambition que notre approche plurifocale puisse être bénéfique tant pour éclairer l'étiopathogénie de ces problématiques, que pour éviter leur élimination par des thèses réductrices aux conséquences majeures en terme de santé. En d'autres termes, les hypothèses théoriques de nos recherches émanent de notre travail clinique et des interrogations qu'il suscite, et sont ultérieurement mis à l'épreuve dans notre activité quotidienne.

    Enfin, il est clair que les internes DEA et thésards qui nous sollicitent le font en connaissance de cause et recherchent une résonance entre le centre de gravité de notre approche et leurs interrogations professionnelles.

    II - Pour une recherche clinique composite

    Pour pouvoir manier conjointement les modèles psychopathologiques et épidémiologiques, il faut donc toujours garder à la conscience qu'ils sont hétérogènes et que, s'ils ont le même sujet d'étude, ils n'ont pas le même objet.

    Il faut se rappeler aussi qu'ils n'ont, l'un et l'autre, qu'une valeur d'objectivation limitée puisqu'ils reposent en partie sur la projection d'une image inconsciente de l'individu.

    C'est précisément ici que la double approche prend tout son intérêt : il nous semble en effet que chacun des systèmes sert de miroir à l'autre, qui peut s'y projeter et s'y reconnaître.

    La projection d'une évaluation psychopathologique sur un modèle statistique nous permet de saisir notre façon implicite d'évaluer le fonctionnement mental, de poser un diagnostic, de voir que nous apportions par exemple plus de valeur, plus d'importance à certains aspects.

    Si le repérage sur la quantification statistique a valeur d'objectivation, ce n'est pas par ce qu'il représente de "vérité scientifique" mais parce qu'il met en évidence certaines lignes de forces intangibles du fonctionnement mental.

    La confrontation des deux approches peut s'avérer riche de potentialités.

    Ainsi lorsqu'il analyse la construction d'une grille épidémiologique sous le regard de la clinique, l'épidémiologue peut saisir quelle a été sa participation subjective dans la construction de son outil.

    De même, l'intérêt pour le clinicien du détour par la cotation et le quantitatif semble multiple. Il offre pour l'essentiel une possibilité de décondensation de la démarche interprétative. La cotation est à la fois discriminative, en faisant obligation de considérer chaque item au détriment d'une vision plus globale, objectivante dans l'inventaire explicite de paramètres jugés signifiants, mais souvent pris en compte plus implicitement ; comparative, enfin, dans la mesure où elle permet une confrontation interjuge.

     

    III - Structure de l'équipe ; choix des thèmes ; collaborations ; financement

    L'équipe est structurée de la façon suivante :

    * Un coordonnateur de la recherche assisté d'une secrétaire de recherche : il nous semble particulièrement important de désigner un animateur de la recherche. Ce responsable en charge de la coordination de l'ensemble des études effectuées dans le service doit pouvoir bénéficier d'un mi-temps pour cette activité (l'autre mi-temps est clinique). Son rôle essentiel est d'organiser les activités communes : élaboration des projets (originalité, utilité et retombées attendues, aspects méthodologiques, sécurité, applicabilité dans le service en référence à l'activité clinique et à la disponibilité des patients et des soignants ; recherche de financements ; présentation des recherches aux différentes instances et lors des présentations d'activité multiservices ; recherche de collaboration et formation de réseaux, organisation dans chaque recherche de protocoles d'évaluations de dimensions communes).

    C'est lui qui anime les débats dans les réunions de bibliographie internationale, fait état de l'actualité des travaux apparentés à ceux de l'équipe, des appels d'offres et des programmes incitatifs en cours, propose les orientations futures potentielles et réfléchit sur les recherches ultérieures en fonction de « la clientèle spécifique » du service (TCA, suicide,...).

    C'est lui enfin qui a en charge la gestion importante de la répartition des thèmes et du choix des priorités en terme d'investissement des moyens humains, techniques et financiers et de l'organisation contractuelle des publications en veillant à la cohésion de l'équipe soumise aux contre attitudes des différents chercheurs, certains pouvant se sentir lésés et d'autres privilégiés. (Ces contre attitudes portent le risque de conflits larvés). Ces contre attitudes sont à évaluer aussi chez les soignants non impliqués dans la recherche (médecins, infirmiers, psychologues) et qui peuvent mal vivre les investigations psychopathologiques et biologiques opérées chez leurs patients. Ainsi, dans le service de Psychiatrie de l'IMM, les activités de recherche sont explicitées et clarifiées régulièrement à l'ensemble des soignants. De plus, les patients et leur famille sont informés du caractère singulier de ce travail dans un service universitaire, et de la non perméabilité entre les soins et la recherche.

    * Six cliniciens temps plein impliqués pour des temps variables dans la recherche dans le service.

    * Des chercheurs collaborateurs associés appartenant à d'autres services de psychiatrie infanto-juvénile ne disposant pas d'unités recherche.

    * Des internes, DEA, psychologues, thésards 3e cycle, étudiants étrangers qui collaborent dans le cadre de l'élaboration de thèses de médecine, mémoires de psychiatrie, DEA et thèses de science et de psychanalyse, mémoires de psychologie.

    * Des collaborations se font avec les organismes de recherche : Inserm et CNRS

    * avec des biostaticiens expérimentés qui peuvent superviser des étudiants en statistique pour leur mémoire de fin d'étude.

    * avec d'autres équipes de recherche en psychiatrie (Bobigny, Kremlin Bicêtre, Hôpital Georges Pompidou), unités INSERM (contrats de recherche) et de recherche médicale (Broussais, Institut Pasteur, Unité Inserm cytokines).

    Le choix des thèmes de recherche dans un service spécialisé comme celui de l'Institut Mutualiste Montsouris dépend de plusieurs facteurs :

    A. L'importance de prises en charges spécifiques élaborées dans le service et favorisant des recrutements importants (TCA, dépression et suicide, toxicomanie).

    B. L'approche compréhensive prévalente dans le service quant aux problématiques adolescentes, en l'occurrence l'approche psychopathologique, ce qui n'exclut nullement les autres approches comme en témoignent les résultas des réseaux de recherche passés et actuels : réseau psychoneuro-endocrino-immunologique dans les TCA ; pertinence du concept d'addiction (dimensions psychologiques, biologiques et cognitives) ; dimension familiale dans les TCA et la PMD. Cela signifie en particulier que, pour tous ces thèmes, des collaborations ont été activement recherchées et ont été source d'enrichissement mutuel. Sur des thèmes privilégiés comme les TCA, la dépression ou le suicide, il nous importe d'utiliser toutes les approches qui peuvent répondre à notre questionnement et enrichir notre pratique clinique et thérapeutique (facteurs de risque, évolution de l'incidence et de la prévalence, groupes à risque, rôle des dimensions génétiques et de l'environnement familial et social, données neurophysiologiques, données cognitives, complications somatiques, apport des nouvelles techniques d'imagerie, signes d'appel pour un dépistage précoce, construction des outils de dépistage). A titre d'exemple, pour les TCA, nous poursuivons de façon concomitante au sein de plusieurs collaborations, des études généticobiologiques (Sérotonine, rythme circadiens, cytokines, données de l'IRM...), cognitives et psychopathologiques (réseau dépendance : dimensions pychopathologiques communes aux addictions).

    C. L'ouverture à d'autres thèmes par déplacements successifs autour des thèmes privilégiés, en fonction des apports extérieurs (étude de la littérature, collaboration avec d'autres équipes ; intérêts spécifiques des jeunes chercheurs nous sollicitant).

    Les difficultés essentielles que nous rencontrons sont le financement des recherches et de la formation. Nos financements actuels proviennent des PHRC de l'AP HP (programmes hospitaliers de recherche clinique), Contrats de recherche INSERM et INRA, de bourses, contrats avec sociétés privées sur appel d'offres.

    I V - Préconisation aux futurs chercheurs

     

    Elles tiennent en quatre points :

    * Bonne formation à la clinique et à la psychopathologie.

    * Formation à la recherche, au sein d'équipes expérimentées.

    * Collaborations ponctuelles à l'étranger.

    * Persévérance.

     

    Bibliographie

     

    * Corcos M., "Une passion taxinomique". In perspectives psychiatriques. Vol. 35 n° 4. Oct-Nov.1996, pp 264 à 273

    * Jeammet Ph., Birot E., Suicide et conduites suicidaires. PUF., 1995.

    * Pedinielli J.L. (1996), Les théories étiologiques des malades. Psychol. Française 41-2, 137-45.

    * Flament M., Jeammet Ph. et collaborateurs, La boulimie, réalités et perspectives. Masson, 2000.

    * Corcos M., Flament M., Jeammet Ph., Venisse J. L., Loas G., Pellet J., Halfon O., Bizouard P., Perez-Diaz F., Individualisation de dimensions psychopathologiques communes dans les conduites de dépendance : Réseau dépendance 1994-1999. Protocole et premiers résultats. Revue de Neuropsychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (à paraitre).

    1 Assistant, 2 Psychologue clinicienne, 3 Chef de service

    IMM 42, Bd Jourdan 75014 Paris

     


    Sommaire

    La démarche de trois cliniciens chercheurs : M. Falk-Vairant, R. de Beaurepaire et A. Gauvain-Piquard

    1 - Mes premiers pas par Muriel Falk-Vairant

    Praticien hospitalier depuis 12 ans dans un Centre Hospitalier Spécialisé j'ai souhaité, avec quelques collègues du service, participer à une recherche en réseau sur la schizophrénie, pilotée par un Professeur de C.H.U. Cette étude a commencé il y a 18 mois environ et c'est dans ce cadre que je commente mon expérience.

    En temps que praticien intéressé par la recherche mais sans formation spécifique de chercheur, la recherche clinique en psychiatrie m'apparaît comme une branche des sciences humaines où la non reproductibilité est flagrante. Il me semble pourtant que la recherche clinique peut se diviser en deux grandes catégories :

    - l'une s'apparente aux recherches sur le langage (à cette classe appartiendrait la psychanalyse et la phénoménologie de l'esprit) ;

    - l'autre se rapporte à des études plus protocolaires, catégorie où l'on trouve par exemple les recherches neuropsychiatriques, épidémiologiques ou pharmacologiques. De toute façon, quel que soit le domaine envisagé, les chances de succès pour un apport valable à la connaissance de la psychiatrie dépendent essentiellement de la méthodologie définie en amont et de l'analyse statistique en aval.

    Dans notre cas particulier, les débuts de l'entreprise ont été difficiles : de l'obtention légale de l'autorisation d'un lieu de recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct pour le service au fonctionnement des logiciels, en passant par les relations humaines, il a fallu tout apprendre, comprendre et prendre. La recherche à laquelle nous participons est répartie entre 10 groupes : 9 appartenant à des C.H.U, bien structurés pour la recherche et le nôtre, seul et inexpérimenté.

    Dans notre service, nous nous sommes réunis (médecins et psychologues) pour discuter de l'intérêt de notre démarche et des moyens de la réaliser.

    Nous avons demandé à une psychologue expérimentée, extérieure à l'hôpital, de nous introduire dans les concepts et dans les méthodologies appliquées aux domaines relatifs à cette recherche. Il est peut-être utile pour de futurs candidats de décrire les contacts et les comportements des différents acteurs que nous avons rencontrés dans nos démarches :

    * La Direction de l'hôpital a répondu favorablement aux demandes que nous avons formulées et nous pensons qu'elle est prête, dans la mesure de ses moyens, à soutenir une activité de recherche clinique au sein de l'hôpital.

    * Le Ministère et l'INSERM, où nous avons recherché des renseignements ou de l'aide, nous ont réservé un accueil froid et négatif.

    * Les C.H.U. auxquels nous avons eu affaire nous ont accueillis avec bienveillance, parfois avec condescendance.

    Dans notre C.H.S., la grande majorité des médecins n'a pas été motivée par notre invitation à s'intéresser à la recherche clinique. Les raisons de ce désintérêt sont certainement multiples. Celles qui me paraissent évidentes sont, par exemple :

    * la charge du travail quotidien, souvent pratiqué en précipitation ;

    * le manque de connaissance des instruments logistiques ;

    * le manque de temps et de possibilités pour se former à la pratique de la recherche. Enfin, peut-être existe-t-il chez certains, ayant une solide formation analytique, une difficulté à aborder le patient sous l'angle d'un « objet d'étude » au détriment d'une position subjective interpersonnelle.

    Il n'en reste pas moins que tous les échanges qui ont eu lieu autour de ces questions ont créé des liens. Dans notre recherche actuelle, nous avons bien conscience que nous ne faisons qu'appliquer un protocole déjà établi sur un échantillon de patients que nous avons sélectionnés. Nous intervenons dans la phase pratique de l'application du protocole, sans avoir participé à ce que je pourrais appeler la partie « noble » de la recherche, ce qui est évidemment frustrant et regrettable, c'est-à-dire la réflexion sur le sujet lui-même et sur sa mise en application. Alors comment pourrait-on améliorer les conditions de travail pour que les médecins de C.H.S. ne restent pas pour toujours « les petites mains de la Grande Couture » ?

    La première condition qui me paraît fondamentale consiste à libérer pendant un certain temps les médecins s'engageant dans une recherche de toutes ou parties de leurs tâches quotidiennes à seule fin qu'ils puissent rejoindre un groupe extérieur déjà rodé et apprendre le métier de chercheur. Ces allégements de service, conditions sine qua non pour permettre d'entreprendre une recherche à part entière, impliquent l'obtention de vacations pour remplacer ces absences, qui peuvent dans certains cas atteindre une année entière. La deuxième condition est évidemment l'accès des praticiens à une formation générale à la recherche. La troisième condition qui me semble très souhaitable serait qu'une équipe généreuse d'un C.H.U. accepte de créer un lien actif et continu avec les médecins du C.H.S. désireux de s'engager dans une recherche clinique. Ce lien créerait petit à petit un microclimat de recherche dans l'établissement, microclimat qui serait certainement bénéfique à certains PH ; et peut-être à la recherche clinique elle-même. M. F-V.

    2 - Divertimento o disperato par Renaud de Beaurepaire

    J'ai pris mes fonctions à l'hôpital Paul Guiraud en septembre 1997. Avec le projet d'y développer des recherches, on m'avait un peu nommé pour ça. Dans l'ensemble, les collègues de l'hôpital n'étaient pas très intéressés par la recherche. Mais pas hostiles non plus. J'ai élaboré une sorte de plan. Pour la clinique, commencer par demander une autorisation de lieu de recherches, pour le laboratoire ne pas perdre le technicien qui y travaille. Les idées de recherche, ce n'est pas ce qui manque.

    Ce qui manque, ce sont les chercheurs. Il y a le service (la plus grosse file active de l'hôpital), il y a le secteur (dur, Vitry sur Seine), il y a les lits (très insuffisants, des matelas de malades posés par terre dans les couloirs, dans les bureaux médicaux, dans les salles de réunion), il y a les soignants (insuffisants aussi, et chaque année on vous en supprime 2 ou 3), il y a les structures extrahospitalières (nombreuses, pas désagréables), il n'y a pas d'interne, il y a les luttes quotidiennes épuisantes pour que le service ne s'effondre pas, il y a les luttes épuisantes avec l'administration pour réclamer des lits et du personnel, pour rien, désespérément pour rien. Et il y a la recherche, toujours la recherche, allez savoir pourquoi. Une obsession, une drogue, une paranoïa bizarre. On écrit de belles lettres adressées aux universitaires, Cher Collègue, vous n'auriez pas quelques étudiants, quelques DEA, quelques internes, quelques etc.? Non. Au moins, c'est clair.

    Pour l'autorisation de lieu de recherches, on peut dire que c'est un hallucinant parcours du combattant. Vous voulez une autorisation de lieu de recherche, mais pour quoi faire, vous n'êtes même pas universitaire, et dans un asile en plus, vous n'êtes pas bien, et faire de la recherche, mais chercher quoi, les fous sont des fous, qu'est-ce que vous leur voulez à ces pauvres misères, laissez les tranquilles, vous êtes dangereux, et vous me dites qu'il n'y a même pas de service de réanimation dans votre asile ? Il a fallu un an et demi. Mais ça y est, l'autorisation de lieu est bien là (je remercie au passage certains universitaires de Bicêtre, et une certaine personne au Ministère, ils se reconnaîtront s'il lisent ce divertissement, vraiment merci).

    Ensuite faire un projet. On le voit modeste, convivial, travaillé, adapté à la situation de l'hôpital. On réunit un Comité pour la recherche tous les deux ou trois mois, on évalue ce qui pourrait fédérer tout le monde, à la fois clinique et biologique, qui concerne les psychoses chroniques (le plus gros du recrutement), et la toxicomanie (une orientation de l'hôpital). Et la machine est enclenchée, ça devient une obsession. Le projet : on va systématiquement rechercher une consommation de toxiques (alcool, drogue, tabac) chez tous les entrants consécutivement admis à l'hôpital, sans exclure personne. On va corréler ça à un certain nombre de données (diagnostic, personnalité, BPRS, situation socio-professionnelle, maladies somatiques, etc.). Cela permet de réaliser une véritable épidémiologie des toxicomanies chez les malades mentaux (qui n'existe pas en France, et bien peu ailleurs) et de faire des corrélations avec toutes sortes de choses aussi simples qu'intéressantes.

    Le Laboratoire de l'hôpital s'emploie à mettre au point les techniques de dosage, à faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire de prélever plus de sang que pour un bilan habituel, et à rassembler tous les résultats en les anonymisant ; la Pharmacie trouve des étudiants pour relever les données socio-professionnelles et remplir les questionnaires de consommation de toxiques ; les médecins acceptent de se former à la BPRS et aux diagnostics de personnalité. L'éthique, ensuite, soumission au CCPPRB, la réponse est claire : "Entendu que l'étude est totalement anonymisée ... qu'elle n'impose aucun geste invasif supplémentaire et qu'elle s'inscrit dans un bilan systématique ... le Comité pense qu'elle ne relève pas de la loi Huriet" ; j'insiste la dessus, pour la suite. Le financement. Dossier PHRC d'abord ; on attend, au bout de 10 mois, on téléphone : vous n'avez pas reçu de réponse, c'est que votre projet a été refusé. Bien. La MILDT ensuite : la réponse vient plus vite : le projet est refusé pour cause de médiocrité extrême ; il est classé 1 sur une échelle de 1 à 6, c'est-à-dire comme exceptionnellement inintéressant. La Ligue contre le cancer, ensuite. Eux sont intéressés par la consommation de tabac. La réponse arrive aussi assez vite : ils acceptent de financer le projet. Soulagement. Et puis c'est la chute : la convention de subvention avec la Ligue doit être approuvée par la CME de l'hôpital, et là, le Président de la CME, pour des raisons toujours mystérieuses, assassine le projet. Motif invoqué : l'étude ne serait pas éthique. Il n'explique rien, je suis montré du doigt. J'essaie de défendre le projet, mais je me rends rapidement compte que c'est inutile.

    L'avis d'un CCPPRB ne vaut rien, dit le Président de la CME, péremptoire. L'administration, les infirmiers (mais pas tous les médecins), comme une traînée de poudre, on félicite le Président de la CME pour avoir été aussi vigilant. Il n'y a rien à faire, le projet est mort. L'utilisation politique et sectaire de l'éthique pour exercer une relation d'emprise sur des personnes naïves a un bel avenir. Ç'est infaillible.

    Retrouver une autre idée qui pourrait fédérer tout les services de l'hôpital apparaît difficile. Plus aucun médecin ne vient au Comité pour la recherche. Je reprends une vieille idée (qui date du temps où je faisais des greffes cérébrales de médullosurrénales dans des modèles animaux de Parkinson, c'était il y a très longtemps, mais l'idée est restée) qui est que le cortisol est toxique pour le cerveau, et encore plus pour le cerveau en développement (les greffes ne poussent jamais si on laisse ne serait-ce qu'un dixième de millimètre cube de corticosurrénale). Donc le stress pendant la grossesse, ou les traitements par des corticoïdes, ou tout autre événement qui a pour effet d'augmenter les taux sanguins de corticoïdes, devrait produire des troubles du développement du cerveau. Est-ce qu'une telle toxicité pourrait créer une forme de vulnérabilité aux psychoses ? La méthodologie : interroger des mères, comparer ce qui s'est passé pendant la grossesse des enfants qui sont devenus schizophrènes à ce qui s'est passé pour les frères et sœurs qui n'ont pas de trouble psychiatrique. Progressivement, j'arrive à recruter cinquante familles. L'UNAFAM m'a aidé à en recruter quinze, les autres, ce sont les familles de patients que j'ai personnellement suivis. Allez, publier maintenant.

    On peut aussi avoir de la chance. Madame Albe-Fessard vient travailler à l'hôpital et relance la recherche. On ne présente pas Madame Albe-Fessard. Elle monte un laboratoire de potentiels évoqués dans le service (merci l'autorisation de lieu). On écrit un projet. Comparer les potentiels évoqués de patients sous divers traitements neuroleptiques, et, si c'est possible, sans neuroleptique. Avec toute une batterie de tests cognitifs (une collaboration avec la Faculté de Jussieu). On va de nouveau solliciter un CCPPRB, et chercher le moyen de trouver une Assurance pour l'étude. De nouvelles difficultés en perspective, mais c'est reparti.

    Madame Albe-Fessard met aussi au point un appareillage d'électrophysiologie au laboratoire, pour étudier les neurones chez le rat. On avait déjà le matériel pour étudier le sommeil et l'épilepsie. L'administration de l'hôpital fait de vrais efforts pour soutenir le laboratoire. On travaille sur des modèles peptidergiques de dépression. Hormones, cytokines, CRF, anatomie fonctionnelle cérébrale, réactivité des neurones sérotoninergiques, effets des antidépresseurs. Le technicien arrive en courant avec un article du dernier numéro de Molecular Brain Research : ce sont des Japonais, avec la biologie moléculaire ils trouvent la même chose que nous sur le comportement, ils citent tous nos articles, tout ce qu'on a trouvé correspond à l'expression anatomique du transporteur de la sérotonine. L'hypothèse est bonne, alors, l'hypothèse calcitoninergique de la dépression que l'on défend depuis 15 ans. Bien sûr qu'elle est bonne. Le technicien s'agite, pourquoi on ne nous donne pas les moyens, pourquoi on n'a pas d'étudiants, pourquoi les universitaires nous refusent toujours tout. Je ne sais pas, je n'ai jamais su, je ne saurai probablement jamais. R de B.

    3 - Enseigner la méthodologie par Annie Gauvain-Piquard

    D'après ma modeste expérience de recherche clinique sur l'évaluation de diverses variables subjectives, recherche clinique menée au sein d'un centre anti-cancéreux, je voudrais insister sur 3 points :

    * il est dommage qu'en France, il n'y ait pas à proprement parler d'enseignement en méthodologie de la recherche. Historiquement, ce sont les statisticiens qui se sont appropriés ce domaine. C'est ignorer que les statistiques ne sont qu'un aspect de la méthodologie, un outil certes, en lui-même structurant en partie la méthode, mais n'en recouvrant pas tout le champ. Cela, associé à la disparition de l'enseignement de la logique dans le champ scientifique, a entrainé des lacunes intellectuelles sévères. Je crois avoir perçu que, dans les pays anglo-saxons, la méthodologie fait l'objet d'un enseignement spécifique, situé très tôt dans les études universitaires. Il n'y a qu'à parcourir les rayons de la recherche en psycho dans l'une des grandes librairies londoniennes, et constater le nombre et la variété des ouvrages sur cette question pour se convaincre que nous trainons là un important déficit ! De plus, la formation française des statisticiens les tient éloignés de la psychométrie, berceau mondial de la statistique : c'est ainsi que de graves erreurs de compréhension de concepts basiques (comme celui de « construct ») ont pu être répétées et enseignées pendant plusieurs décennies, interdisant, ipso-facto, aux jeunes chercheurs tout accès à la compréhension de champs entiers de la recherche ;

    * il est indispensable, pour se lancer dans un champ de recherche, d'en comprendre les concepts et les « constructs ». Cela n'est pas toujours aisé : il se crée, au fur et à mesure, un « langage » spécifique, certains mots acquérant un sens spécifique différent de celui des dictionnaires ; avec le barrage de la langue, c'est parfois avec un retard de plusieurs mois que le chercheur français va le comprendre...

    * la réussite d'un projet de recherche tient, en lui-même, du miracle : il nécessite, en effet, une coordination temporelle complexe entre :

    i) disposer des compétences intellectuelles nécessaires et les faire collaborer ; ces compétences, aujourd'hui, sont multiples (spécialiste de pathologie, d'évaluation, méthodologiste, statisticien...), certaines internes à la structure, d'autres externes ;

    ii) arriver à la concrétisation du projet de recherche (protocole mature), avant de pouvoir chercher les fonds ;

    iii) disposer des crédits nécessaires au moment où l'on dispose des ressources humaines....;

    iiii) disposer alors d'un bon état de collaboration avec le terrain de recueil de données. La probabilité de réussite, de ce point de vue, est plus importante dans une équipe structurée que pour une petite équipe isolée. La notion de « masse critique » nécessaire à la recherche trouve ici l'une de ses justifications. A. G-P.

    Ce nouveau recueil d'expériences apporte des éléments concrets importants qui éclairent la situation actuelle de la recherche clinique en psychiatrie et constituent des orientations d'actions précises.

     

    Nous souhaitons bien entendu que d'autres équipes et personnes s'expriment sur ce sujet, complètent ce tableau. Les colonnes de Pour la Recherche et le cyber-espace de Psydoc-France leur sont ouverts.

     

    Ce tableau, qui fait bien apparaître à quel point le décloisonnement est devenu une réalité en psychiatrie, est destiné à vous informer, mais également à être le point d'appui d'initiatives individuelles, professionnelles et émanant des organismes compétents. La Recherche en psychiatrie en France n'est plus loin d'atteindre cette «masse critique» qui, avec des moyens humains et structurels (Réseaux, Instituts) lui permettraient d'utiliser pleinement ses potentialités. J.M. Thurin


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    International

    Les 5 et 6 avril 2001, s'est tenu à Munich le "Premier Symposium International sur "Psychiatrie et Internet : bénéfices, risque et perspectives". Nous y étions.

    Dans la célèbre clinique universitaire où ont excercé et enseigné Kraepelin et Alzheimer, une quinzaine d'orateurs se sont succédés pour présenter l'état actuel de cette question en Europe et aux USA.

    - Urlich Hegerl qui nous a chaleureusement accueillis avec ses collaborateurs, Patrick Bussfeld et Oliver Seemann, a ouvert le symposium sur la prise de conscience accrue, ces dernières années, des possibilités et des risques d'Internet pour les patients, les professionnels de santé et les systèmes de soin.

    Un accès simple à Internet et une offre large concernant des thèmes psychiatriques variés a soutenu une culture vivante d'échanges d'information entre les patients et les professionnels. Comme exemple de bénéfice pour les patients, un meilleur accès aux informations concernant des troubles spécifiques et leur traitement, une meilleure orientation dans les systèmes de soin ou la possibilité d'interactions directes médecin-patient "Interrogez le docteur via Internet". Comme conséquence, la position des patients, de leurs familles et de leurs groupes de soutien va se renforcer dans le futur.

    Les exemples de risques concernent les dangers d'une information peu sérieuse, les problèmes de confidentialité et les formes pathologiques d'usage d'Internet ("Internet addiction"), ou les possibles influences négatives de la relation médecin-patient en utilisant Internet comme le seul moyen de communication.

    Internet va acquérir un intérêt particulier pour les psychiatres car les bénéfices et les risques peuvent être plus prononcés dans cette spécialité que dans les autres champs de la médecine. A cause de la stigmatisation des troubles psychiatriques, beaucoup de patients et leurs proches utilisent Internet comme le premier pas pour obtenir une information ou même pour engager un premier contact avec un médecin. De plus, les problèmes de communication interpersonnelle qui sont souvent associés à des troubles psychiatriques peuvent causer des difficultés pour le patient de trouver un avis médical. Pour ce groupe de patients, la communication via Internet peut devenir un solide support. L'évaluation scientifique du développement actuel est nécessaire pour assurer la qualité scientifique de l'information médicale en s'appuyant sur les critères de l'Evidence based medecine et en évaluant les nouveaux outils potentiels de diagnostic et de traitement offerts par Internet. Il faudra également étudier l'impact de l'usage intensif d'Internet sur la santé mentale des utilisateurs.

    http://www.med.uni-muenchen.de/psywifo

    http://www.kompetenznetz-depression.de

     

    - Robert Kennedy (USA) a d'abord présenté l'évolution des échanges scientifiques. Avant Internet, ils utilisaient les livres, les journaux, les congrès et les conférences. Les possibilités de collaboration étaient souvent limitées par la possibilité de voyager et de communiquer au-delà des distances. Tout en restant utiles aujourd'hui, ces méthodes d'information et d'échanges se trouvent complètement transformées par la capacité d'immédiateté et de perspective globale d'Internet. Dans le monde de la santé, et particulièrement en médecine et en psychiatrie, la prolifération de l'information en ligne a transformé la façon dont les médecins et les professionnels de la santé l'utilisent. La possibilité d'une information complète en ligne est une force dynamique qui va se renforcer. L'édition des journaux est en pleine transformation et les possibilités d'Internet (rapidité, facilité d'emploi, nouvelles modalités de combiner l'information) constituent des enjeux pour les éditeurs traditionnels. Les relations entre le patient et son médecin se modifient à partir de cette information disponible en ligne jusqu'à une apparence d'inversion au savoir (des patients viennent en consultation avec les pages qu'ils ont imprimées à partir d'Internet concernant leur affection). La fin de son Intervention a été consacrée à la présentation de son site Medscape Conçu sur les mêmes bases que Psydoc-France, mais avec un budget sans commune mesure, Medscape offre un large éventail d'informations relevant de la psychiatrie : publications, forums, collaborations avec d'autres professionnels, etc. Cette "On-line Information in Psychiatry and Healthcare" constitue un important vecteur de la culture américaine mais également un moyen d'évaluation de notre propre culture (différence et ressemblance).

    http://psychiatry.medscape.com

    - Jean-Michel Thurin a ensuite présenté "La psychiatrie française sur Internet" à partir de Psydoc-France. Après un rappel des objectifs initiaux : faciliter l'accès aux différentes publications françaises et réduire le cloisonnement entre les différents exercices et approches ; engager un mouvement pour la recherche clinique ; promouvoir la culture psychiatrique française sur Internet, il a présenté les nouveaux enjeux qui se sont exprimés au cours des trois dernières années : formation médicale continue, organisation d'un champ de la santé mentale allant largement au delà de celui de la psychiatrie et impliquant davantage les médecins généralistes et le champ médico-social, renforcement du rôle des usagers et des familles, intervention croissante de la santé publique et de la gestion économique du système de soin. A l'interface entre pratique clinique, données et documentation professionnelles, recherche et publications, santé publique, recherche d'information et d'échanges des usagers, s'est constitué un nouvel espace virtuel mais bien réel, où se cherche et s'inscrit un système de santé en pleine mouvance. La façon (associative, dynamique et "régionalisée") dont le site est organisée, ses contenus et réalisations, l'analyse de son usage (6000 recherches individuelles chaque jour !), ainsi que les notions très importantes de validité et d'accessibilité de l'information étaient bien entendu au coeur de son intervention.

    http://psydoc-fr.broca.inserm.fr.

    - Hans-Bernd Brosius (LMU München) a présenté les aspects méthodologiques d'études sur internet à partir de plusieurs exemples. Les questionnaires sur Internet sont simples à envoyer, bon marché et peuvent bénéficier des avantages d'une présentation multi média des questions. L'introduction des données et leur analyse sont également simples. Cependant il reste des difficultés concernant la qualité des méthodes d'échantillonnage, le nombre des retours et la qualité de leur réponse.

    http://www.ifkw.uni-muenchen.de

    - Bernd-Rüdiger Kern (Faculté de Droit - University of Leipzig) a traité des questions juridiques les plus importantes concernant l'avis médical ou psychologique via internet. En premier lieu, la loi allemande concernant les professionnels médecins ne permet pas de telles sortes d'avis. Des questions concernant les traitements médicaux standards sont en étroite relation avec ce sujet. De là, on peut se demander si ces conseils doivent être reconnus par les assureurs, si les données sont suffisamment protégés et si les secrets de la personne demandant un avis sont respectés.

    http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/Colloques/cr/Munich/Kern.htm

    - Roland Hartig (Lichtblick-Online - Germany) a construit un site en s'appuyant sur l'expérience d'un journal destiné aux patients et à leur entourage qui recherchent de l'aide pour faire face à la vie de tous les jours. Il existe aujourd'hui un nouvel espace favorable à des initiatives contre la stigmatisation. Cette opportunité ne doit pas faire sous estimer les campagnes contre la psychiatrie sur Internet qui doivent être sérieusement prises en compte pour situer l'impact d'une information spécifique sur ce vecteur.

    http://www.lichtblick-newsletter.de

    - Lucian Alexandrescu (Romania) est intervenu sur le passé, le présent et le futur de l'ordinateur et d'internet dans les pays de l'Est. Au début des années 70, l'informatique a connu en Roumanie son "âge d'or". Les meilleurs élèves des lycées venaient à la faculté d'informatique. Un programme ambitieux d'informatisation de l'économie nationale fut engagé (avec des fonds d'Etat). Au début des années 80, les fonds du programme d'informatisation furent interrompus et l'explosion des PC dans le monde développé manquée. Environ 600 000 personnes (sur 30 000000 habitants) ont un accès à internet. De façon générale, les principaux problèmes des psychiatres (et des médecins) en Roumanie sont : le coût de l'accès téléphonique à Internet, le contenu des sites psychiatriques roumains, le manque général de spécificités des sites psychiatriques, le peu d'intérêt des psychiatres pour des approches réputées techniques ou mathématiques.

    - David S. Jago (UK) a présenté le site du Royal College of Psychiatrists, créé depuis mars 1996. En constant développement, il propose de multiples domaines et vise à être accessible à la fois par les professionnels et les usagers. Les problèmes à résoudre pour développer une présentation et une approche satisfaisantes sont considérables. Il vient de subir une reconstruction complète à partir des besoins et des attentes exprimés par les usagers plutôt que des préoccupations des professionnels.

    http://www.rcpsych.ac.uk

    - Michaël Stein (Germany) a parlé des premières expériences d'"Aide sur Internet". Partant du fait que beaucoup de patients déprimés recherchent sur internet des expériences similaires à la leur, il leur est proposé un modèle "info-community" sous la forme d'un espace virtuel où les personnes déprimées peuvent trouver des informations autour de la dépression, parler de leur histoire, discuter de leurs problèmes et poser des questions à des experts.

    http://www.netdoktor.de

    - Bernhard Otupal (Home Office, Government Austria) a posé le problème l'évaluation du risque et de la prévention du suicide sur Internet. En effet, il existe des sites présentant sous un jour favorable le suicide et donnant les moyens d'y parvenir. Dans certains cas même, des petites annonces proposent des suicides collectifs. Des confessions-appels dans des listes de diffusion posent la question de la possibilité d'une intervention préventive et de ses modalités. Un service du Ministère de l'intérieur autrichien s'occupe de ces questions et a présenté quelques interventions réussies mais également beaucoup de difficultés rencontrées.

    - Oliver Seemann (LMU München) a présenté une intéressante recherche à propos de la réalité de l'usage pathologique d'Internet, question très débattue ces derniers temps. Cette étude fait apparaître que l'"internet-addiction" ne peut être considérée comme un syndrome spécifique. La fréquentation assidue d'Internet s'inscrit plutôt comme un symptôme qui se rencontre dans toutes les pathologies psychiatriques majeures allant des troubles anxio-dépressifs à la schizophrénie, en passant par les TOC. La visite des sites concernant le traitement des addictions internet pose la question de leur crédibilité. D'autres études sont attendues.

    http://www.kompetenznetz-depression.de

    http://www.psychiater.org

    - Gunther Eysenbach (University of Heidelberg - Germany) est intervenu sur la qualité de l'information médicale sur Internet. Celle-ci est extrêmement variable, allant de l'information qualifiée (l'information basée sur l'évidence), à l'information frauduleuse, mal équilibrée ou mensongère. Pour les patients et les usagers, et même pour les professionnels de santé, il est difficile de juger de la validité de l'information électronique. Quelques exemples concernant la qualité de l'information de santé sur le web ont introduit la présentation du projet européen "MedCERTAIN". Celui-ci devrait permettre aux utilisateurs de sélectionner leur information parmi des promoteurs de confiance et/ou évaluée par des experts appartenant à un tiers indépendant. http://www.medcertain.org

    - Christoph Wölk (University of Osnabrük - Germany) a présenté un programme de traitement en ligne de troubles obsessionnels compulsifs. Le patient est invité à choisir son trouble puis à contrôler le temps qui s'écoule entre le premier acte compulsif, le second, etc. Un traitement comportemental qui, à la limite, ne nécessiterait pas de thérapeute !

    http://www.psycho.uni-osnabrueck.de/

    - Alfred Lange (University of Amsterdam - Netherlands) propose lui aussi un protocole de traitement en ligne des troubles post-traumatiques. Psychologue comportemental également, il propose un outil d'écriture avec évaluation, par questionnaires sur site, de l'indication et des résultats. http://www.interapy.nl

    Au total, 10 grands thèmes auront été abordés durant ces deux journées : Information et documentation des professionnels ; Formation continue ; Information des usagers et Education à la santé ; Aide en ligne ; Traitements en ligne ; Études et recherches sur Internet ; Réglementations ; Qualité de l'information ;Situations en Europe et aux USA ; Bénéfices et risques.

    De nouvelles collaborations sont dès à présent prévues.

    Monique et Jean-Michel THURIN


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    Communiqué

     

    Les leucodystrophies sont des atteintes de la substance blanche du système nerveux central (SNC) liées souvent à des troubles du métabolisme des lipides, en particulier de la dégradation de lipides complexes qui sont des constituants très importants du SNC. Les anomalies du catabolisme ou du transport de ces lipides peuvent être dues à des anomalies génétiques. Longtemps considérées comme des maladies de l'enfance, elles peuvent ne se manifester qu'à l'âge adulte. C'est le cas de deux maladies en particulier : l'adrenoleucodystrophie (qui touche la dégradation d'acides gras à très longue chaîne, constituants de ces lipides complexes) et surtout de la leucodystrophie métachromatique (qui touche à la dégradation des sulfatides).

     

    Certaines se manifestent d'emblée par des troubles neurologiques. Dans certains cas, les manifestations cliniques peuvent n'être que psychiatriques pendant de nombreuses années. Ces leucodystrophies sont considérées alors comme des schizophrénies.

    Si certains cas de schizophrénies vous paraissent bizarres ou réagissant mal au traitement, nous serions très désireux de rechercher une éventuelle leucodystrophie et de diagnostiquer éventuellement ces affections par des dosages enzymatiques ou chromatographiques.

     

    Pour de plus amples renseignements, contacter Nicole Baumann : baumann@ccr.jussieu.fr


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