Facteurs de risque et vulnérabilité......
vulnérabilité et facteurs de risque

   Editorial - M. Falk-Vairant
   Risques, vulnérabilité et suicide. G. Darcourt
   Risque pour l’individu et risque pour la population. F. Chapireau
   Facteurs de risque, de vulnérabilité et addiction(s). D. Velea
   Etat de stress post traumatique : facteurs de risque, de vulnérabilité et de protection. JM. Thurin
  3ème symposium Internet et Psychiatrie
   Projets retenus sur programme sciences biomédicales, santé, société
   2ème Colloque "Stress et Immunité
   Abonnement
   Comité de Rédaction et remerciements




Editorial - Dr Muriel Falk-Vairant -

La pratique médicale est un art qui relève de la science. C’est le paradoxe du savoir et du savoir-faire. Peser le pour et le contre, élaborer une stratégie, cibler les enjeux d’une décision constituent le quotidien de la pratique courante. La prise en compte des facteurs de risque et du concept de vulnérabilité font partie intégrante de cette démarche médicale. Le risque est une notion probabiliste. L’expression facteurs de risque est empruntée à la terminologie épidémiologique et résulte également d’un traitement statistique de données. La notion de vulnérabilité est intriquée à celles de facteurs de risque et entre dans le cadre d’une recherche étiologique des maladies. Depuis un certain nombre d’années plusieurs modèles ont été proposés pour tenter de mieux comprendre l’apparition et l’évolution des maladies mentales. Parmi ceux-ci, on retrouve des modèles intitulés « modèles de vulnérabilité ». Introduisant une autre manière de penser la psychose et par extension les autres maladies mentales, ce sont des modèles qui tentent d’articuler les facteurs génético-biologiques et les facteurs psychosociaux.

Ces modèles offrent un grand intérêt pour définir les attitudes thérapeutiques à prendre en fonction d’une multitude de facteurs évolutifs selon la vie du patient et le cours de sa maladie. Le médecin, en pratique courante, intègre toutes ces manières de penser, toutes les données d’ordre général pour les adapter au cas particulier de son patient en procédant à une recombinaison personnelle en fonction de ses connaissances et de son expérience.

Les prises de décision reflétées dans la rédaction des certificats d’hospitalisation sous contrainte sont souvent le résultat de cette recombinaison, sorte d’alchimie procédant d’une logique que l’on pourrait qualifier de floue, mais qui n’en est pas moins pragmatique. Dans un certificat, on pourrait lire par exemple : « compte tenu de la vulnérabilité psychique de ce patient, nous préconisons le renouvellement d’une sortie d’essai dans le cadre de l’hospitalisation d’office »... Une telle décision, exprimée d’une façon formelle, résulte de la synthèse de données cliniques, génétiques, biologiques, cognitives, contextuelles et psychodynamiques dans lesquelles les facteurs de risque et la notion de vulnérabilité prennent une place importante.

Si l’expérience clinique, l’intuitif et la logique floue jouent un rôle prépondérant dans la pratique quotidienne, la progression dans la connaissance des maladies mentales nécessite une démarche scientifique. L’effort d’objectivation de cette démarche ne doit pas méconnaître la pratique. Cet aller-retour constant entre cliniciens et chercheurs fait la richesse de notre discipline et la réflexion sur les notions de facteurs de risque et de vulnérabilité en est une illustration supplémentaire.


Risques, vulnérabilité et suicide
Pr Guy DARCOURT

On pense parfois que le concept de facteur de risque est du domaine de l’épidémiologie et non de celui de la psychiatrie. On parle en effet de facteur de risque lorsque, dans une population, on constate une corrélation entre un phénomène et la fréquence d’un trouble. Sa valeur prédictive concerne la population et ne vaut pas pour tel ou tel individu.
En réalité, les psychiatres utilisent en permanence la même notion mais d’une manière différente. Le terme vulnérabilité leur est familier, mais il a pour eux davantage le sens d’une fragilité de la personnalité que de la conséquence des facteurs de risque. Quant aux facteurs de risque proprement dits, les praticiens emploient souvent une autre terminologie pour les désigner. Dans leur vocabulaire clinique, ils appellent les facteurs primaires soit antécédents (les troubles psychiatriques, les tentatives de suicide antérieures, l’existence de suicides dans la famille, etc.), soit prodromes (la crise pré-suicidaire). Et surtout, ils ne se placent pas dans une visée prospective mais dans une visée rétrospective. Ils ne cherchent pas la valeur prédictive de ces facteurs mais, face à un patient qui présente des troubles peu spécifiques, ils recherchent si l’histoire du sujet comporte de tels facteurs de risque. Leur présence et leurs associations donnent alors un sens au tableau clinique. Chez un sujet en difficulté psychique, la présence de facteurs de risque secondaires (les pertes parentales précoces, les difficultés familiales, professionnelles ou sociales, les ruptures, les séparations, les pertes) fera craindre un passage à l’acte suicidaire. Et selon les facteurs tertiaires (âge, sexe) le risque variera : par exemple, si le patient est un homme très âgé, il y aura lieu d’être plus vigilant que s’il s’agit d’une jeune femme.

La conférence de consensus sur « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge » , organisée par la Fédération Française de Psychiatrie en octobre 2000 [1] a mis en évidence, avec une insistance particulière, la valeur diagnostique de ces facteurs de risque. Dans ses recommandations, le jury rappelle que la crise suicidaire a souvent un caractère non spécifique : il s’agit de signes dépressifs légers souvent masqués par des symptômes d’allure somatique ou de changements de comportement banaux. Ce qui mettra sur la voie d’un risque suicidaire, ce sera d’une part la présence d’idées suicidaires (dont la signification est trop souvent sousestimée) et d’autre part l’existence de facteurs de risque. Le jury a signalé l’intérêt de s’aider de listes comme celle que l’OMS [2] a établie pour le risque de suicide. Elle comporte des facteurs individuels (antécédents suicidaires, problèmes de santé mentale, pauvreté de l’estime de soi, impulsivité...), des facteurs familiaux (violences et abus physiques, conflits, pertes et abandons précoces, pathologie mentale des parents...) et des facteurs psychosociaux (isolement, pertes, deuils, difficultés socio-économiques...). Cette liste n’est pas une échelle d’évaluation quantifiée, elle est équivalente à une liste de symptômes dans la tradition clinique classique. Les psychiatres ont parfois une autre difficulté avec les facteurs de risque. Ils estiment qu’il ne leur est pas possible de faire des recherches sur eux. Cela n’est que partiellement vrai. Ils n’ont évidemment pas les moyens de mener des enquêtes prospectives en population générale, mais ils peuvent réaliser des études rétrospectives. Un grand nombre de connaissances ont été acquises par cette méthode. Le schéma général des protocoles est la plupart du temps le suivant : 1. élaboration d’une hypothèse concernant un possible facteur de risque ; 2. choix d’une méthodologie pour l’identifier le plus objectivement possible ; 3. constitution de deux groupes, celui des patients ayant fait une tentative de suicide et groupe témoin ; 4. comparaison entre la fréquence de ce facteur de risque dans chacun des deux groupes ; 5. vérification statistique que cette différence est significative. En voici quelques exemples parmi ceux rapportés par un expert de la conférence, A. Batt ([1] p :45-65) :
- Borg et Stahl [3] - 1. hypothèse : dans la population psychiatrique, un grand nombre d’événements de vie, répertoriés au moment de la première consultation, est un facteur favorisant le suicide ; 2. méthode : étude rétrospective des dossiers où étaient notés systématiquement à l’admission les événements de vie des deux années précédentes ; 3. constitution de deux groupes, celui de patients morts par suicide au nombre de 34 et regroupement de 34 dossiers de patients appariés sur l’âge, le sexe, le diagnostic et le statut hospitalier et n’ayant pas fait de tentatives de suicide ; 4. résultat : il y a 26% d’événements de vie importants chez les suicidés versus 6% chez les témoins ; 5. significativité : les résultats vont dans le sens attendu mais la différence n’est pas statistiquement significative.

- Fernando et Storm [4] - 1. hypothèse : les pertes, maladies ou décès d’un parent au premier degré ou d’un ami proche dans l’année écoulée sont des facteurs précipitant pour le suicide ; 2. méthode : étude des dossiers ; 3. constitution de deux groupes, celui des patients suicidés au nombre de 22 et regroupement de 22 témoins, appariés sur l’âge, le sexe, la date et les conditions d’admission, le traitement, l’équipe thérapeutique ; 4. résultat : pertes chez 55% des suicidés versus 18% des témoins ; 5. différence statistiquement significative.

- Murphy et al [5] - 1. hypothèse : vivre seul est un facteur de risque pour le suicide chez les alcooliques ; 2. méthode : reprise des dossiers ; 3. constitution de deux groupes, celui d’alcooliques suicidés au nombre de 67 et celui de 106 alcooliques vivants ; 4. résultat : les suicidés vivaient plus souvent seuls que les autres (45% versus 17%) ; 5. différence statistiquement significative.

Je citerai aussi un travail fait au Centre d’Accueil Psychiatrique de Nice par M. Benoit et M. Jaubert [6] avec une méthodologie assez proche. L’objectif était d’établir les différences entre les profils psychologiques des sujets faisant une première tentative de suicide et des sujets récidivants pour dégager les facteurs de risque de rechute. Les auteurs ont examiné systématiquement 200 cas successifs d’hospitalisation pour tentative de suicide qu’ils ont répartis en deux groupes, celui des primo-suicidants (77) et celui des récidivants (une ou plusieurs fois) au nombre de 123. Tous ont été examinés selon un entretien codifié comportant un questionnaire détaillé et des échelles psychologiques. Pour chacun des paramètres, les auteurs ont comparé les deux groupes et ont calculé la significativité des différences (que j’indiquerai entre parenthèse). Voici quelques unes de leurs constatations. Par rapport aux primo-suicidants, les récidivants sont plus souvent en arrêt pour maladie (P=0,016), plus souvent des inactifs (P=0,002), ils ont plus souvent des antécédents psychiatriques (P<0,0001) et dépressifs (p<0,0001), ils ont eu plus souvent des sévices pendant l’enfance (p=0,008), ils sont plus impulsifs (avec l’échelle irs de lecrubier et braconnier p=0,002, avec l’auto-questionnaire d’impulsivité de barrat p=0,001).

On voit que la vulnérabilité et les facteurs de risque pour le suicide constituent un domaine de recherche largement ouvert aux psychiatres.

Références

- 1. Conférence de consensus « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge » (Paris, 19 et 20 octobre 2000) FFP et John-Libbey ed. Paris, 2001

- 2. Organisation Mondiale de la Santé. Bulletin de l’Organisation Mondiale de la Santé. Genève, 2000

- 3. Borg SE, Stahl M. Prediction of suicide. A prospective study of suicides and controls among psychiatric patients. Acta Psychiatr. Scand. 1982 ; 65 : 221-232

- 4. Fernando S, Storm W. Suicide among psychiatric patients of a district general hospital. Psychol. Med. 1984 ; 14 : 661-72

- 5. Murphy GE, Werzel RD, Robins E, McEvoy L. Multiple risk factors predict suicide in alcoholism. Arch. Gen. Psychiatry. 1992 ; 49 : 459-63

- 6. Jaubert M. Facteurs de risque des tentatives de suicide et de leurs récidives ; étude épidémiologique et clinique dans un service d’urgence. Thèse de Médecine, Nice Sophia-Antipolis, 1999

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Qu’entend-t-on par “signification statistique“ ? Comment déterminer ce qui n’est pas “statistiquement significatif“ ?

Dans l’exemple 1 ci-dessus (Borg et Stahl), la moyenne des événements de vie des patients suicidants est plus importante que celle des témoins (26%>6%). Pour que cette différence soit significative, il faut que si l’on répartissait au hasard l’ensemble des 68 patients, on ne risque pas d’aboutir à une distribution analogue en % du nombre des événements, au sein des 2 groupes (26%, 6%), dans laquelle la variable suicide n’interviendrait pas. Ce risque est particulièrement important sur de petites populations. Une signification de P < 0,015 équivaut à 95% de chance que la différence ne soit pas dûe au hasard.

Un élément important va intervenir, celui de l’homogénéité de l’échantillon. On peut imaginer que l’on va trouver chez un suicidant 2 événements de vie et chez un autre 18. La moyenne sera 2 + 18 / 2 = 9 événements, ce qui n’a évidemment pas la même valeur que si l’un en a déclaré 8 et l’autre 10, alors que l’on en trouvera 3 en moyenne dans le groupe témoin.

Ce facteur est mesuré par la “déviation standard“ ou “erreur standard“ qui reflète la dispersion ou l’étendue des scores dans une distribution. Cette déviation se calcule de la façon suivante :

- l’écart est la différence entre le score le plus haut et le plus faible dans la distribution (ici, 18 - 2 = 10). Cette approche est très visible, mais son inconvénient est qu’elle n’est basée que sur 2 mesures, la plus élevée et la plus basse.

- La variance est égale au carré des différences par rapport à la moyenne, divisé par le nombre de mesures (Figure 1, ci-dessous). La variance sera égale à 0 si tous les scores sont de même valeur. Elle s’élèvera avec la disparité des scores par rapport à la moyenne.

- La déviation standard est la racine carrée de la variance.Elle prend en compte tous les scores et est sensible aux extrêmes. J.M. T.


Risque pour l’individu et risque pour la population

Dans un article de 1985 [1], l’épidémiologiste britannique Geoffrey Rose s’attache à poser les limites respectives de l’approche individuelle des maladies, et de l’approche par population. Il construit son explication à partir de la notion de risque : le risque individuel ne se définit pas de la même manière que le risque pour un groupe donné. Le risque individuel est une notion familière aux médecins. Un patient sera considéré « à haut risque » s’il présente certains caractères qui rendent la probabilité d’un événement (une maladie, une complication de la maladie, etc.) notablement plus élevée pour ce patient particulier que pour les autres. Le risque pour la population est une notion qui peut paraître plus abstraite. Nous savons toutefois que l’hypertension artérielle, par exemple, est plus fréquente dans certains pays qu’ailleurs. Dans tous les pays, le patient « à haut risque » pourra être défini par les mêmes caractères ; mais le risque pour la population ne sera pas le même d’un pays à l’autre, et surtout, il ne relèvera pas des mêmes causes. De ce fait, les actions pour diminuer ce risque ne seront pas les mêmes en Finlande et au Japon, par exemple.

Quelles relations y a-t-il entre le risque pour l’individu et le risque pour la population ? Pour Geoffrey Rose, il est d’autant plus important de bien séparer les deux risques que les relations entre eux sont mal connues. Il prend la peine de rédiger un long développement pour montrer que les personnes qui souffrent effectivement d’une maladie relevaient souvent de la catégorie « à faible risque » avant l’apparition de la pathologie. C’est que les personnes de cette catégorie sont beaucoup plus nombreuses. La fréquence de l’événement considéré est plus faible dans leur groupe, mais leur grand effectif conduit à un nombre élevé de cas. Réciproquement, le fait de s’intéresser en priorité aux patients « à haut risque » est très logique dans l’intérêt de ces patients, mais ne conduit à aucune action en faveur du grand nombre qui souffrira tout de même de l’événement considéré, sans avoir présenté au préalable les caractères d’un risque individuel élevé.

Tout l’article de Geoffrey Rose a pour objectif d’améliorer la compréhension de la notion de risque pour la population. Cette compréhension est nécessaire pour chercher à diminuer les risques individuels faibles mais concernant un grand nombre de personnes. Il a conscience de la difficulté de son entreprise : le point de vue individuel vient plus spontanément que le point de vue collectif. La motivation pour l’action collective est plus faible que pour l’action individuelle. Une personne qui aujourd’hui ne met pas sa ceinture de sécurité augmente très faiblement son risque personnel de poly-traumatisme par accident de la route. Pourtant, si 1 000 personnes font la même omission, un certain nombre va en souffrir gravement. Là où le risque individuel peut être considéré comme négligeable, le risque pour la population ne l’est certes pas.

Geoffrey Rose réfute l’idée selon laquelle il conviendrait de traiter tout le monde en faisant comme si chacun était à haut risque individuel. Il réfute cette idée d’abord pour des raisons pratiques faciles à comprendre, mais surtout parce qu’il s’agit de deux problèmes distincts. Il explique longuement que, le plus souvent, le risque pour une personne donnée n’est pas de même nature que le risque pour l’ensemble d’une population (à la différence de l’exemple de la ceinture de sécurité, choisi pour sa simplicité). En pratique, les risques pour les populations ont été beaucoup moins étudiés que les risques pour les cas individuels. Ils sont moins bien connus, ce qui ne signifie pas qu’ils soient inconnaissables. Pourquoi les pathologies coronaires sont-elles nombreuses (incidence élevée) en Finlande, et rares (incidence faible) au Japon ? Quelles actions entreprendre pour réduire l’incidence globale de ces pathologies ? L’épidémiologie et sa parente, la santé publique, sont des disciplines d’avenir. (F. Chapireau)

1. Geoffrey Rose (1985) Sick individuals and sick populations. International Journal of Epidemiology, 1985 ; 14, 1 : 32-38


Facteurs de risque, de vulnér abilité et addiction(s)
Dr Dan VELEA

L’addiction est définie comme une conduite caractérisée par la perte de contrôle, le besoin compulsif de recourir à l’objet - physique ou symbolique - de la dépendance. Ce besoin persiste malgré la notion de risque, l’abandon d’activités sociales et familiales. Elle s’exprime aussi par des signes physiques caractéristiques de la tolérance et du syndrome de sevrage. Pour certains auteurs, l’addiction apparaît comme un processus de régulation de l’équilibre psychique du sujet et comme un moyen d’échapper à un inconfort interne. Les anglosaxons décrivent souvent l’addiction comme une excellente manière de coping (en traduction littérale « faire face ») devant des situations difficiles. Comme le soulignent M. Corcos et Ph. Jeammet [2], « un moyen d’assurer un certain équilibre de l’appareil psychique qui ne peut être obtenu par les moyens habituels, en particulier de régulation par les ressources internes du sujet ». Pour M. Valleur [9], « l’addiction peut-être perçue comme une forme paradoxale de résilience », étant ainsi le meilleur compromis possible face à des situations difficiles.

Pour BK. Alexander [1] la désorganisation sociale apparaît comme un précurseur de l'addiction. Alexander avance cette hypothèse en partant du concept d'intégration psychosociale (EH. Erikson) [4], concept qui fait référence aux interactions entre les expériences individuelles et de groupe, et la réaction du groupe (acceptation, rejet) face aux individus. Une désorganisation oblige les personnes à lutter pour la restauration de l'intégration psychosociale ; dans certaines situations cette restauration semble impossible et nécessite la création de conduites d'adaptation, conduites qui représentent des substituts de modes de vie (addiction, marginalité, criminalité, repli sur soi, tentative de suicide).

C. Olivenstein [7] insiste sur le modèle trivarié de la toxicomanie : la rencontre entre l’individu et le produit à un certain moment sociol-culturel. Ainsi, la compréhension des problématiques addictives nécessite une approche pluridisciplinaire, couvrant les domaines socio-culturel, neurobiologique et psychopathologique.

Dans le débat actuel sur les toxicomanies, la connaissance des facteurs imputables dans le déterminisme et l’entretien des conduites addictives occupe une place importante. Voici une présentation des grandes classes de facteurs de vulnérabilité et de risque avec l’objectif de mieux situer leur rôle et d’éviter la confusion souvent rencontrée dans la présentation de ces éléments. Les facteurs impliqués dans l’apparition des conduites addictives sont variés, complexes et le plus souvent intriqués.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque d’une conduite addictive peuvent être rangés en plusieurs catégories.

1. Facteurs de risque individuels

Ils peuvent être distingués suivant leur spécificité. Ainsi, on rencontre des facteurs hautemement spécifiques tels que :
- Dépendance par rapport à l’environnement et dépendan ce affective ;
- Angoisse de séparation ;
- Intolérance à la frustration ;
- Incapacité d’auto-contrôle ;
- Recherche de comportements nouveaux ;
- Goût prononcé pour la transgression ;
- Difficulté de verbaliser les affects négatifs ;
- Difficulté de gestion des tensions internes

Parmi les facteurs non spécifiques, on cite :
- Discontinuité dans la vie relationnelle ;
- Simplicité des relations affectives ;
- Dévalorisation de soi, perception négative de son corps et de ses compétences ;
- Agressivité ;
- Incapacité d’adaptation aux stress sociaux et aux difficul tés de la vie courante ;
- Incapacité d’établir des relations satisfaisantes avec son entourage.

La plupart des toxicomanes présentent aussi des troubles du sommeil, des passages à l’actes (vol, violences, dégradations et vandalisme, des fugues, voire dans certaines situations des automutilations - de type scarifications rituelles - ou des tentatives de suicide).

2. Facteurs de risques familiaux

On retrouve le plus souvent des dysfonctionnements familiaux - ruptures, séparations, violences conjugales -, des com - portements de consommation de substances psychoactives (médicaments psychotropes chez les mères et alcool chez les pères), une perte de valeurs identitaires consécutive à un phénomène d’acculturation et à l’immigration, des dysfonctionnements entre le jeune et sa famille (tension, manque d’attache et de compréhension) et souvent des deuils impossibles.

3. Facteurs de risque environnementaux

La perte de repères sociaux apparaît souvent comme facteur de risque dans le développement des addictions. Il s’agit des conséquences de l’immigration et du phénomène d’acculturation, mais aussi le chômage, les échecs scolaires à répétition et l’exclusion socio-professionnelle qui résulte, une détresse économique, les mauvaises fréquentations - entourage exposé, présence du trafic à côté de son habitation. Pourtant, dans de nombreux cas, le toxicomane a été épargné dans sa jeunesse d’un tel environnement. Il s’agit là de l’exemple des jeunes toxicomanes de « bonne famille », qui trouvent dans la consommation de substances psychoactives le refuge et l’échappatoire d’une existence quotidienne jugée trop monotone et trop linéaire (la dimension de recherche de sensation mentionnée plus bas). Un autre cas de figure est celui des professions exposées au stress engendré par le travail, situations dans lesquelles on trouve la consommation de substances psychoactives comme un gage de la performance au travail.

Facteurs de vulnérabilité

Ils sont représentés par les facteurs génétiques, neurobiologiques et les facteurs de personnalité.
Le modèle neurobiologique le plus courant de l’addiction est celui du système de récompense dopaminergique (SRD). Les spécialistes s’accordent sur le rôle primordial de la dopamine dans le développement des addictions, et ce d’autant plus que les neurones sérotoninergiques, opioïdes, cannabinoïdes et autres interagissent avec les neurones dopaminergiques. Les discussions sur la génétique sont sujettes à de multiples débats, les études actuelles ayant déterminé que des modifications au niveau du gène des récepteurs dopaminergiques D4 et D2 en serait significatives [8]. Ces modifications dans le génotype seraient en corrélation avec la recherche de sensations. A l’heure actuelle on décrit un « syndrome de déficience de la récompense », susceptible d’être compensé par les patients par une consommation excessive de certaines substances psychoactives, voire certains comportements.

Tous les auteurs s’accordent sur l’importance du fait qu’il n’existe pas une mais plusieurs personnalités rencontrées chez les toxicomanes. Pourtant, aucune étude ne peut préciser avec certitude que la présence d’un trouble de la personnalité serait un marqueur fiable du développement d’une conduite addictive et de sa persistance. Les troubles de la personnalité les plus rencontrés chez des toxicomanes sont la personnalité antisociale (surtout chez des hommes) et la personnalité hystérique (chez les femmes).

La question des comorbidités entre troubles psychiatriques et toxicomanies est d’actualité. On sait pertinemment que les troubles de l’humeur et les troubles anxieux sont au premier plan. Mais il faut avoir toujours à l’esprit la possibilité de se trouver face à un trouble anxio-dépressif secondaire à la prise de produit, situation qui impose une anamnèse détaillée et un certain recul dans la prescription d’un traitement antidépresseur ou anxiolytique.

Un des facteurs impliqué dans la vulnérabilité est le tempérament. Le tempérament est biologiquement déterminé, contrairement à la personnalité qui est définie surtout en rapport avec les facteurs sociaux, et qui se développe à travers les mécanismes de l’apprentissage. Selon H J . E y s e n c k [ 5 ] , quatre dimensions du tempérament se trouvent incriminées dans la prise de risque : extraversion, tendances antisociales, impulsivité et anxiété. Ces dimensions du tempérament se retrouvent dans les typologies d’alcoolodépendants, étudiées par CR. Cloninger [3, 6].

Un autre facteur important est l’existence d’un score élevé de recherche de sensation. Les recherches effectuées par M. Zuckerman [10] dans les années soixante-dix, essaient d’établir un lien entre les phénomènes d’activation psychique et la recherche de sensations. Celle-ci correspond au besoin d’expériences nouvelles, complexes, intenses et variées et à la volonté de prendre des risques physiques et sociaux dans le but d’obtenir et de maintenir un niveau optimal élevé d’activation cérébrale. L’échelle de recherche de sensations - Sensation Seeker Scale (SSS) - comporte quatre facteurs qui définissent ce phénomène :

1. recherche de danger/aventure - attrait pour les sports et les conduites à risques, impliquant vitesse et danger.

2. recherche d’expérience - attrait pour des activités intellec - tuelles ou sensorielles.

3. désinhibition - attrait pour la boisson, l’alcool, les excès sexuels.

4. susceptibilité à l’ennui.

Les personnes qui présentent un score élevé, sont fréquemment retrouvées parmi les grands pharmacodépendants, les grands consommateurs d’alcool, les grands fumeurs, les auteurs des conduites à risques. Il existe une relation étroite - mais non-spécifique et non-exclusive - entre addictions et recherche de sensations.

Le stress apparaît comme un important facteur vulnérabilisant dans la toxicomanie. Un aspect important est le fait que le processus de sensibilisation peut être initié mais aussi entretenu par l’usage de substances psychoactives et/ou par les facteurs stressants. Ainsi, l’alcool et certaines drogues (cocaïne, LSD, ecstasy), peuvent accélérer le processus de sensibilisation. Dans cette situation, ces consommations créent un cercle vicieux dans lequel la consommation initiale ayant comme objectif l’apaisement d’un état de tension interne, entraîne finalement d’autres consommations (de la même substance ou de substances réputées calmantes) qui cherchent à réduire le nouvel état de stress.

En conclusion, il faut insister sur l’importance du modèle trivarié de la toxicomanie qui souligne l’importance de la rencontre entre l’individu et le produit, à un moment socio-culturel donné. Les auteurs s’accordent sur le fait que les seuls troubles de la personnalité ne peuvent pas expliquer la vulnérabilité aux substances. On rencontre souvent dans notre pratique des individus qui arrivent à contrôler la consommation de substances psychoactives réputées très toxicomanogènes, et d’autres qui peuvent devenir rapidement dépendants, même après des consommations brèves et occasionnelles. L’analyse du terrain et les explications génétiques et biologiques doivent toujours compléter l’examen d’un pharmacodépendant. La complexité des interactions entre les différents facteurs nécessite une analyse approfondie de tous les éléments en jeu.

Références

- 1. Alexander BK. The Globalization of Addiction. A d d i c t i o n Research 2000 ; 8, 6 : 501-526

- 2. Corcos M, Jeammet P. Conduites de dépendance à l’adolescence. Aspects étiopathogéniques et cliniques. Encycl. Méd. Chir. (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris) Psychiatrie, 2000 ; 37-216-G-30, 6p

- 3. Cloninger CR, Svrakic DM, Pryzbeck TR. A psychobiological model of temperament and character. Arch Gen Psychiatry 1993 ; 50 : 975-990

- 4. Erikson EH. Childhood and Society. 2nd Ed, New York, Norton, 1963

- 5. Eysenck HJ. Neurotic conditions, in Tarter (ed) The child and psychiatric risk. New-York, Oxford University Press 1983 ; 245-85

- 6. Limosin F, Gorwood P, Ades J. Dimensions de personnalité et facteurs de vulnérabilité à l’alcoolo-dépendance, Alcoologie et Addictologie 2002 ; 24 (2) : 105-109

- 7. Olivenstein C. Clinique du toxicomane. PUF, 1987

- 8. Vanyukov A MM, Tarter RE. Genetic studies of substance abuse. Drug and Alcohol Dependance 2000 ; 59 : 101-123

- 9. Valleur M, Matysiak JC. Les addictions. Dépendance, toxicoma - nie : repenser la souffrance psychique. éd. Armand Colin, 2002

- 10. Zuckerman M. Sensation seeking: beyond the optimal level of arousal. New York : Erlbaum Hillsdale, 1979


11 et 12 avril 2003
3ème Séminaire International sur « Internet, Psychiatrie et Santé Mentale »

Paris - Carré des Sciences

Les deux premiers symposia* qui se sont tenus à Munich en 2001 et 2002, ont jeté les bases d’une réflexion et d’un partage d’expériences sur une question centrale de l’e-santé : Quels sont les béné - fices et les risques d’internet pour les patients et les professionnels dans le système de soin en santé mentale ?

C’est de nouveau sur ce thème que seront conviés à intervenir des orateurs de différents pays avec cette année 5 grands chapitres :

1. Internet en développement : ce qui existe et se crée, satisfactions et problèmes rencontrés ; recherche d’information, possibilités et limites ;

2. Internet en action : informations et éducation en santé ; formation médicale continue pour les psychiatres et les professionnels de santé mentale ; thérapeutique ;

3. Internet en évaluation : l’existant et son évaluation ;

4. Internet en question : aspects éthiques, rumeurs, sectes, accès à l’information et fracture numérique, argent et édition ;

5. Internet en innovation : champs émergents ; recherche et innovation technologiques.

* Compte-rendus affichés sur psydoc-france
Renseignements : Fédération Française de Psychiatrie - 9, rue Brantôme - 75003 Paris mthurin@internet-medical.com


Etat de stress post traumatique : facteurs de risque, vulnérabilité et de protection
Dr Jean-Michel THURIN

Selon l’Oxford dictionnary, 1996, un facteur de risque est « un attribut, une habitude ou une exposition à un événement de l’environnement qui conduit l’individu concerné à avoir une plus grande probabilité de développer une maladie ». Selon cette définition, le facteur de risque précède donc la manifestation ou la pathologie associée et inclut la vulnérabilité individuelle qui précède la rencontre du risque. La distinction est souvent difficile, tant l’intrication est grande entre vulnérabilité et risque. Néanmoins, cette distinction est importante en clinique, car si l’on ne peut pas toujours réduire le risque, le travail psychothérapique peut souvent réduire au moins partiellement la vulnérabilité psychique d’une personne, à tel point que ce critère est utilisé dans les études évaluatives de résultats.

La majorité des individus qui font l’expérience d’un traumatisme, même le plus extrême, ne développent pas un Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT). Après un événement important, tel que ceux identifiés dans le DSM IV, 1/4 seulement des personnes développent un ESPT.
Ce trouble n’est donc pas une réponse normale à une expérience anormale. Rarement isolé, l’ESPT n’est qu’un des troubles qui peuvent se produire, impliquant au delà le rôle d’une matrice de facteurs de risque et de vulnérabilité qui déterminent les différentes issues.

Quels sont donc les facteurs qui vont faire qu’un événement traumatique ou une situation de stress va déterminer ou non des conséquences pathologiques chez une personne, que ces conséquences soient psychiques, somatiques ou associées ?

Trois types de facteurs ont été étudiés

1. Ceux qui concernent l’événement

Sévérité de la menace vitale, importance de la blessure, des pertes de vie et de propriété sont des éléments importants. Néanmoins, l’impact n’est pas seulement lié à la réalité physique de la catastrophe. Ainsi, le viol et la torture sont associés à une prévalence plus importance d’ESPT que les désastres naturels (tremblement de terre, incendie de forêt, cyclone) ou que les accidents de voiture. Un cas encore plus particulier concerne la négligence et l’abus physique durant l’enfance qui vont produire une vulnérabilité ultérieure très importante. Dans le cas de la négligence, cette vunérabilité est consécutive non pas à un excès mais à un défaut de manifestations et d’interactions affectives. Certains événements peuvent être par ailleurs durables ou répétés. Ainsi, il a été montré qu’il existait une relation entre le nombre de combats auxquels des militaires avaient été exposés et la sévérité de l’état de stress posttraumatique dont ils souffraient.

Beaucoup d’autres facteurs interviennent, tels que l’expérience antérieure, l’entraînement, le contexte social immédiat, le comportement des autres, la qualité des secours, etc. qui vont agir comme facteurs de protection.

2. Ceux qui concernent l’individu

Tous les individus ne répondent pas de la même façon à un événement identique, aussi dramatique soit-il. De façon générale, les femmes y réagissent davantage que les hommes. D’autre part, la perception subjective n’est pas la même chez chaque personne. Elle va dépendre pour une part de l’effet que cette perception aura produit sur elle, et pour une autre (souvent négligée, mais essentielle) de la façon dont elle y aura réagi.
Les facteurs individuels impliqués (à partir des résultats des recherches actuelles) sont les suivants :

- Génétiques (études de jumeaux monozygotes et dizygotes). La réponse n’est pas globale. Certains symptômes auraient une héritabilité génétique de 30% (ré expérience, évitement), alors qu’elle n’est que de 10% pour d’autres (souvenirs douloureux). D’autre part, la recherche de sensation, l’impulsivité et l’extraversion seraient fortement influencés par les facteurs génétiques. De fait, les personnes peuvent dans ces cas contribuer à leur propre environnement, en même temps que d’autres facteurs génétiques vont les rendre plus vulnérables au déclenchement de certains symptômes ;

- Biographiques : à la négligence et au stress précoce, il faut ajouter la violence familiale, l’exposition traumatique antérieure (en particulier l’abus sexuel, mais aussi les deuils et l’émigration), ainsi que l’histoire psychopathologique familiale (suicide, toxicomanie d’un proche, ...) ;

- Sociaux : le niveau de revenus, d’études, le soutien psychologique et social après le traumatisme sont impliqués ;

- Familiaux : concernant ce facteur, rien de très convaincant n’apparaît dans les études actuelles. Il existe un risque accru de développement d’un ESPT chez les sujets qui ont un membre de leur famille qui, soit présente lui-même un ESPT, soit souffre d’une dépression ou d’un trouble anxieux. La vulnérabilité dépressive de la famille est plus importante que la vulnérabilité anxieuse. Cette question peut être abordée comme une vulnérabilité acquise, ou sous un angle génétique, notamment comme une anomalie de la synthèse de la sérotonine.
Une importante recherche sur cette question a été réalisée par l’équipe de R. Yehuda, à propos des enfants des victimes de l’holocauste (voir encadré).

- Neurocognitifs et intellectuels : le niveau éducation est un facteur de protection, le QI serait un facteur de vulnérabilité. En fait, il n’est pas spécifique et pose des problèmes de relation entre émotion et performance intellectuelle.

- Psychopathologiques : une comorbidité psychiatrique est retrouvée chez environ 80% des personnes souffrant d’ESPT. Cette comorbidité peut apparaître dans certains cas comme une autre forme de conséquence du trauma ;

- Personnalité : introvertie qui va réduire la recherche de soutien, extravertie qui peut conduire à s’exposer au risque ;

- Epidémiologiques : facteurs démographiques et environnementaux (facteurs cumulatifs qui peuvent renforcer le risque d’être confronté à des événements stressants et leur impact sur la personne).

3. Ceux qui concernent la réaction au moment de l’événément

Si certains événements produisent immédiatement et à court terme des effets semblables chez la majorité des individus, seuls certains d’entre eux vont présenter encore certains signes quelques mois ou années plus tard. La réponse peut être plus ou moins durable. Les facteurs permettant une récupération rapide semblent être déterminants. Il existe en effet une période critique durant laquelle les processus neurobiologiques qui conduisent au ESPT sont opérants.
Cette réaction s’exprime par des signes physiologiques et psychologiques.

- Physiologiques : élévation du rythme cardiaque associée à une réaction d’éveil. Le taux de cortisol immédiatement après le traumatisme aurait une valeur prédictive : cortisol bas, risque d’ESPT, cortisol haut, risque de dépression.

- Psychologiques : dissociation traumatique, anxiété, dépression, labilité de l’humeur, amnésie narrative, clivage des souvenirs traumatiques de la conscience, interruption de la mémoire narrative explicite, désorganisation, intrusion, évitement, hyper vigilance, mutisme, stupeur, sentiment de manque d’aide et d’impuissance.
Parmi ces signes, on considère comme facteurs de risque :

- la dissociation psychique, l’absence de réduction de l’anxiété 2 semaines après le traumatisme, l’interruption de la mémoire narrative de l’événement, la réapparition du traumatisme sous la forme d’expériences somato-sensorielles (flashback) visuelles, olfactives, affectives, auditives ou somesthésiques.

Seront considérés comme facteurs de protection :

- l’expression de l’affectivité par rapport à l’événement ;

- la capacité de réaction : maintien du sens de la difficulté personnelle, conservation de la capacité de recherche des contacts sociaux, capacité de réunir les moyens nécessaires ;

- le comportement : selon les cas, comportement passif s’il n’y a pas de possibilité d’action sur la cause de stress ou au contraire comportement actif si une action est possible.

A cette réaction « primaire », il faut associer comme facteur secondaire le traumatisme psychologique associé au fait luimême. Les flash-back peuvent être pour certains patients plus terribles que la première expérience traumatique. Une exposition à des évocations peut causer une exacerbation majeure des symptômes.

En résumé :

- L’événement et la prédisposition sont l’un et l’autre nécessaires pour que la maladie se développe.

- L’interaction entre le risque de maladie et le stress ne peut être conçue selon un mode linéaire : plus le stress est intense, plus l’effet est grand. L’aspect «qualitatif » apparaît plus important que l’aspect quantitatif en terme de choc subi. Certains types d’événements produisent plus d’effet que d’autres, et cet effet va intervenir sur le processus lui-même. Ainsi, l’état affectif associé (peur, honte...) intervient à la fois comme une manifestation psychique, mais aussi comme un élément majeur du traitement de l’information et des réactions somatiques d’ajustement. La signification donnée à l’événement peut se situer à différents niveaux : signal (analogique procédural) - signe (interprétation) et impliquer ainsi des systèmes psychobiologiques très différents.

- En définitive, il apparaît que les distinctions liées à la personne et à son entourage sont plus importantes que celles qui concernent l’événement lui-même.

Bibliographie

- Yehuda R (ed). Psychological trauma. Washington, American Psychiatric Press, 1998, 218 p

- Yehuda R (ed). Risk fac tors for Posttraumatic stress discorder. . Washington, American Psychiatric Press, 1999, 250 p

- Thurin JM. Une vie sans soi. Clinique et interprétation des maladies psychosomatiques. Paris, Frison Roche, 1996, 240 p

- site sur "risque et vulnérabilité". Rapport canadien http://www.hc-sc.gc.ca/hppb/sante-mentale/pubs/risque/chap1_f.htm

*****

Recherche de l’équipe de R. Yehuda sur les enfants de victimes de l’holocauste

La connaissance des conséquences sur les enfants du traumatisme subi par leurs parents est passée par plusieurs étapes :

1. Repérage clinique des différents symptômes : hyper vigilance, tristesse, anxiété, désespoir et analyse rétrospective de l’histoire affective de ces enfants, en particulier du côté de la négligence, de la violence, voire de l’abus sexuel. Une partie de ces enfants est traumatisée même si elle n’a subi aucun traumatisme.

2. Elaboration de questions : qu’est-ce qui ne va pas dans la descendance des survivants de l’holocauste ? Pourquoi présentent-ils des symptômes ?

3. Analyse de la littérature
i. Qui permet de retrouver des anecdotes cliniques et des descriptions
ii. Fait apparaître des résultats discordants
    - d’un côté, des descriptions montrent les effets néfastes de l’holocauste dans la seconde génération ;
    - d’un autre, il est difficile de retrouver ces effets ailleurs
iii. Recherche de biais de sélection (on n’a observé que ceux qui présentent des problèmes de santé)
iv. Presque toutes les études n’ont pas respecté les critères méthodologiques de sélection des sujets et présentent d’autres biais expérimentaux.

Nouvelles études concernant la vulnérabilité de cette descendance dans des conditions particulières (guerre) et la prévalence de troubles mentaux retrouvés chez les enfants de survivants de l’holocauste versusles enfants de ceux qui n’y ont pas survécu.


Projets retenus sur Programme Sciences biomédicales, Santé, Société (MiRE) Thème 1 - 2002 Santé mentale

- Les recours volontaires en urgence à la psychiatrie : un marqueur des problèmes de prise en charge de la souffrance physique dans le système français de santé mentale. Le système des urgences en santé mentale sur la région Ile de France.
Responsable scientifique : JOUBERT Michel ; Unité : CESAMES CNRS/Université Paris V. ; directeur : EHRENBERG Alain ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 43 800 ; financeur : MIRE

- Représentations de la santé mentale et de la souffrance psychique par les médecins généralistes (Finistère et Cotes d'Armor).
Responsable scientifique : HAXAIRE Claudie ; Unité : CESAMES CNRS/Université Paris V, directeur : EHRENBERG Alain ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 21 600 ; financeur : MIRE

- Les personnes suivies pour troubles mentaux graves : modes de vie et itinéraires de prise en charge. Recherche sur un secteur parisien.
Responsable scientifique : VELPRY Livia ; Unité : CESAMES CNRS/Université Paris V ; directeur : EHRENBERG Alain ; Durée : 18 mois ; euros attribués HT : 20 000 ; financeur : CNRS

- Evaluation de l'efficacité d'une prise en charge en réseau pour les soins des patients déprimés des Yvelines Sud.
Responsable scientifique : YOUNES Nadia ; Unité : Centre hospitalier de Versailles - Service hospitalo-universitaire de psychiatrie ; direc - teur : HARDY-BAYLE Marie Christine Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 25 000 ; financeur : MIRE

- Les transformations de la place des usagers des services de santé mentale.
Responsable scientifique : DODIER Nicolas ; Unité : CERMES ; direc - teur : BUNGENER Martine ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 70 000 ; financeur : CNRS

- Connaissances et représentations de la schizophrénie en médecine générale et scolaire.
Responsable scientifique : VERDOUX Hélène ; Unité : U 330 INSERM ; directeur : SALAMON Roger ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 50 000 ; financeur : MIRE

- Déterminants de l'hétérogénéité des pratiques de prise en charge des problèmes de santé mentale en médecine de ville : étude des prescriptions d'antidépresseurs dans le cadre d'un panel représentatif de médecins généralistes libéraux de la région Paca.
Responsable scientifique : MOATTI Jean-Paul ; Unité : U 379 INSER ; directeur : MOATTI Jean-Paul ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 40 000 ; financeur : INSERM

- Les usages sociaux du traumatisme psychique. Enjeux d'une catégorie réinventée de la santé mentale.
Responsable scientifique : FASSIN Didier ; Unité : CRESP - Université Paris XIII / INSERM ; directeur : FASSIN Didier ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 35 000 ; financeur : MIRE

- Les modes de coordination entre professionnels dans le champ de la prise en charge dees troubles psychiques.
Responsable scientifique : DEMAILLY Lise ; Unité : IFRESI - CLER ; directeur : DUPREZ Dominique ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 28 000 ; financeur : MIRE

- Innovations organisationnelles et impératifs gestionnaires dans la sectorisation psychiatrique : l'organisation sociale de la psychiatrie dans un département français.
Responsable scientifique : HENCKES Nicolas ; Unité :CERMES ; directeur : BUNGENER Martine ; Durée : 24 mois ; euros attribués HT : 15 000 ; financeur : MIRE


STRESS ET IMMUNITÉ
De la physiologie (intégrée) à la pathologie. Nouvelles voies de recherche

2 et 3 décembre 2002 au Carré des Sciences à Paris

Réunion organisée par les Comités d’Interface INSERM Anesthésie et Réanimation, Cardiologie, Dermatologie, Endocrinologie-Diabète, Gastroentérologie-Hépatologie, Médecine interne, Neurosciences, Orthopédie-Rhumatologie, Pathologie Infectieuse, Psychiatrie Objectif : Réunir chercheurs et cliniciens de disciplines différentes afin de préparer ensemble des projets de recherche

Programme et Inscription sur Psydoc-France

Contacts : Jean-Michel. THURIN : Paris, Mel : jmthurin@internet-medical.com - Lise DRAY : Inserm, Département Animation et Partenariats Scientifiques, Paris Tel : 01.44.23.61.31 - Mel : dray@tolbiac.inserm.fr


Dernière mise à jour : jeudi 7 novembre 2002 14:58:34

Monique Thurin


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