Pour la Recherche n° 41

Evidence-Based Medicine ou Médecine factuelle

Editorial - Comité de rédaction
Historique et définition de l'EBM. M Thurin
Difficultés et limites de l'EBM. X Briffault
Les études d'efficacité en psychanalyse sont-elles justifiées. La réponse de P Fonagy ? JM Thurin
Bioéthique : les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses : une entorse à l'éthique ? H Allain
Et les patients ? L'information en e-santé. JM Thurin
Présentation d'un mémoire de DEA sur la question éthique. X Briffault
La démarche EBM en psychiatrie et santé mentale. JM Thurin
EBM et psychothérapie. JM Thurin
Vient de paraître : ouvrage
Liens bibliographiques
"Pour les sceptiques de l'EBM". Sept initiatives proposées par D Isaacs et D Fitzgerald
Abonnement
Comité de Rédaction et remerciements


Editorial - Pour la recherche -

Ce numéro est une première approche d'une question difficile : l'Evidence-based medicine (EBM).
L'expertise collective de l'Inserm sur les psychothérapies a souligné brutalement l'importance qui peut être attribuée à ce modèle pour déterminer ce que serait la vérité scientifique et les conséquences potentielles d'un tel choix sur les pratiques. Le sujet s'imposait et pour le traiter nous avons suivi à la lettre ce qui constitue la charte éditoriale de PLR et de Psydoc-France : informer aussi largement et objectivement que possible les acteurs de notre discipline (et au delà) pour qu'ils se fassent une idée personnelle de la question.

Nous avons ainsi réuni une bibliographie très importante et avons tenté de l'analyser. Vous trouverez les éléments qui émergent tout au long de ce numéro qui ne se veut pas exhaustif mais qui apporte un début de compréhension.

Dans un premier article, nous présentons les définitions et l'historique de l'EBM, les bases sur lesquelles elle s'est construite et les objectifs qu'elle poursuit, tant dans le domaine de l'enseignement, que de l'approche médicale.

Nous abordons ensuite ses difficultés et ses limites, puis la question éthique.

Quelques remarques sont formulées à partir d'articles traitant de la démarche EBM en psychiatrie et santé mentale. Elles portent évidemment sur l'attention qu'il faut prêter aux « détails » méthodologiques car ils sont susceptibles de biaiser les résultats malgré une forme d'apparence excellente. Elles portent également sur les bénéfices réels que le patient peut attendre de cette méthode. Une analyse plus approfondie est consacrée à son application à la psychothérapie où elle a suscité - et suscite encore - un débat intense qui s'exprime dans de nombreuses publications.

Pour finir, accompagnés d'une note d'humour, vous trouverez des liens bibliographiques accessibles sur Internet. Ils portent sur des aspects spécifiques (accès direct aux études répondant aux critères de l'EBM et éventuellement centrées sur les aspects économiques), ainsi qu'une sélection de glossaires dont l'intérêt va bien au delà du strict champ de l'EBM.

Au stade actuel de l'analyse, quelques pistes de réflexion peuvent être proposées :
3 si l'EBM a l'avantage de maintenir une tension sur les bases de la connaissance médicale, la démarche qu'elle propose ne risque-t-elle pas, sans attention particulière, de devenir « simplifiée » et « dirigée » ? L'individuel ne risque-t-il pas d'être sacrifié au profit du « générique » ?

3 l'ambition de la méthode n'est-elle pas située si haut que le bouleversement culturel qu'elle instaure ne sera intégré que par une fraction des cliniciens, avec le risque de ruptures dans les connaissances et les savoir-faire dont les risques ne seraient pas maîtrisés ?

3 comment vont s'inscrire, dans la réalité, l'expérience clinique et les attentes des patients qui sont conçues dans l'esprit même des promoteurs de l'EBM comme les deux autres piliers essentiels de l'approche ?

Nous vous souhaitons une bonne lecture et espérons de multiples réactions à ce numéro.


Historique et définitions de l'EBM

Les différents auteurs français s'accordent pour dire que la traduction du terme anglais « Evidence » dans « Evidence-Based Medicine » n'a pas d'équivalent satisfaisant. Certains utilisent « médecine fondée sur la preuve ». On verra plus loin qu'il serait alors plus juste d'utiliser « les niveaux de preuve » ; d'autres utilisent « médecine fondée sur les faits », mais le terme est ambigu (ou si l'on veut polysémique). Beaucoup adoptent la traduction de « médecine factuelle ». Il suffit d'en convenir.

Les objectifs de l'EBM : Mieux enseigner ? Mieux soigner ?

Inscrite dans une approche pédagogique dès sa naissance, vers les années 1970, au sein de la faculté de médecine McMaster en Ontario (Canada), l'Evidence-Based Medicine a évolué dans les années 1990 vers la pratique médicale [1].
L'évolution du concept s'est surtout manifestée dans les pays anglosaxons où les uns vantaient les bénéfices de l'EBM et les autres ses limites, voire ses dangers (cf. articles dans ce numéro).

Cette méthode, initialement utilisée pour la formation des étudiants est, en effet, prometteuse puisqu'elle forme le jeune médecin à la recherche des données les plus récentes, à partir des sources bibliographiques disponibles, susceptibles de répondre au problème posé pour un cas clinique. Sa formation devrait donc l'inciter positivement dans sa pratique future à avoir la même démarche et à être ainsi toujours à la pointe des meilleurs outils pour soigner ses patients.
Des études ont été faites qui prouvaient en effet que les étudiants ainsi formés avaient une meilleure connaissance des recommandations bien après leur formation initiale [2]. Cependant, l'attente de cet objectif ne représente qu'un aspect de la pratique médicale si l'on se réfère aux résultats de l'analyse menée en 1998 [3] par Henk G Schmidt, professeur de psychologie et d'éducation en santé (Netherlands) à partir de l'enseignement proposé dans ce cadre aux étudiants en médecine :

- ces étudiants deviennent-ils de meilleurs médecins ?

Peu d'études comparatives permettent de répondre à cette question et, dans celles qui ont été réalisées, le score plus élevé pour la compétence des étudiants pouvait être lié au programme d'études proprement dit. Par ailleurs, l'admission sélective des étudiants dans ce type d'études peut être un facteur supplémentaire ;

- ces étudiants restent-ils toute leur vie des étudiants ?

Cette formation aiderait les médecins à tenir à jour leurs connaissances mais ils ne participent pas plus que les autres à des activités de formation continue ;

- ont-ils une pratique différente ?

Il semble que ces étudiants ont plus de facilité à choisir leur carrière et que leur pratique est plus proche de l'enseignement reçu que les autres étudiants ;

- y a-t-il des différences dans leur connaissance médicale ?

Des études aux US relatent que ces étudiants ont peut-être un peu moins de connaissances en sciences de base mais qu'ils les compensent par une meilleure approche clinique ;

- leur compétence diagnostique est-elle meilleure ?

Des études ont montré que ces étudiants pouvaient avoir une démarche sur les causes plus étendue, mais qu'ils n'étaient pas meilleurs pour poser un diagnostic. Certaines études ont montré qu'ils faisaient plutôt plus d'erreurs, d'autres qu'ils faisaient peu d'erreurs.

Revenons à l'historique de l'EBM.

Une définition s'est alors imposée (1996), venant pour les promoteurs contrecarer les arguments de leurs adversaires.
Evidence based medicine is the conscientious, explicit, and judicious use of current best evidence in making decisions about the care of individual patients. The practice of evidence based medicine means integrating individual clinical expertise with the best available external clinical evidence from systematic research [4].
[L'EBM est l'utilisation consciencieuse, explicite, et judicieuse des meilleures preuves actuelles existantes dans la prise de décision concernant le soin du patient individuel. La pratique de EBM intégre l'expertise clinique individuelle avec la meilleure preuve clinique externe disponible de la recherche systématique].

Deux années plus tard (1998) Sackett avec Strauss [5] illustrent l'utilisation de l'EBM en médecine :
The practice of evidence based medicine is a process of lifelong self directed learning in which caring for patients creates a need for clinically important information about diagnoses, prognoses, treatment, and other healthcare issues.
[La pratique de la médecine basée sur la preuve est un processus permanent d'auto apprentissage dans lequel soigner des patients crée un besoin pour des informations cliniques importantes sur le diagnostic, le pronostic, le traitement et autres problèmes de santé].

Les auteurs listent cinq étapes nécessaires à l'EBM :

1. Convert the need for information into clinically relevant, answerable questions ;

2. Find, in the most efficient way, the best evidence with which to answer these questions (whether this evidence comes from clinical examination, laboratory tests, published research, or other sources) ;

3. Critically appraise the evidence for its validity (closeness to the truth) and usefulness (clinical applicability) ;

4. Integrate the appraisal with clinical expertise and apply the results to clinical practice ;

5. Evaluate your performance.

[1. Convertissez le besoin d'information médicale en questions appropriées susceptibles d'obtenir une réponse.

2. Trouvez par la voie la plus efficace, la meilleure preuve avec laquelle vous obtenez la réponse à ces questions. (que cette preuve vienne de l'examen clinique, des essais en laboratoire, de la recherche publiée, ou d'autres sources).

3. Evaluez de façon critique la preuve pour sa validité (proximité de la vérité) et l'utilité (application clinique).

4. Intégrez l'évaluation à l'expertise clinique et appliquez les résultats à votre pratique clinique.

5. Evaluez votre résultat].

L'EBM : une nouvelle approche médicale ?

La recherche du meilleur soin fondé sur des données pertinentes au niveau de leur efficacité n'est pas nouvelle et le mouvement amorcé par l'EBM s'inscrit largement sur les développements antérieurs de l'épidémiologie clinique comme on peut en avoir un exemple dans le travail produit par Archibald Leman Cochrane (1909-1988) [6].

Le développement de la médecine factuelle a pris une ampleur considérable en quelques années et a gagné notre pays.
Pour maints auteurs cet engouement est dû à la profusion de la littérature médicale, l'accélération des connaissances, la multiplicité des approches diagnostiques ainsi que les différentes possibilités de traitement.

La démarche consiste donc en différentes étapes comme nous l'avons vu plus haut avec Strauss et Sackett : le praticien s'interroge sur un problème posé en clinique où il doit prendre une décision avec son patient. Son premier problème sera de poser la bonne question afin de pouvoir aller chercher une réponse appropriée ; il consultera alors la littérature scientifique et évaluera celle dont les études sont valides. La résolution du problème ainsi effectuée sera réintroduite dans la pratique et pourra être utilisée pour un prochain patient.

Pour effectuer cette démarche plusieurs outils supposés aider le praticien sont proposés. Il existe des guides qui informent sur les bonnes questions à se poser à propos de chaque article qui sera soumis au médecin lors de sa recherche bibliographique, des formulaires pour faire l'analyse critique d'un article qui répondent aux questions de validité de l'étude, d'identification des résultats et de l'aide réel qu'ils peuvent lui apporter, ainsi que des glossaires.

Pour résoudre les problèmes posés par la clinique et étudier le foisonnement de la littérature scientifique, en extraire les articles valides pouvant être utilisés pour résoudre ces problèmes, une solide formation parait donc indispensable. Lire un article scientifique afin d'en évaluer sa validité, sa fiabilité n'est pas simple. Les biais et les limites doivent être relevés si on ne veut pas dire n'importe quoi et appliquer n'importe quoi.

On voit ainsi comment peut se retourner une méthode inventée pour trouver dans le foisonnement de la littérature « les preuves » qui vont servir à trouver les moyens de la meilleure façon de traiter un patient. Le risque est d'aboutir, en fin de compte, à une réduction puisque ce n'est pas le clinicien qui sera vraiment capable (problème de formation, mais aussi tout simplement de temps) de trouver lui-même la résolution du problème qu'il s'est posé en recevant un patient. Il va donc aller voir dans des documents qui font autorité, proposés par des experts : désignés selon quels critères ? Avec quels objectifs ? Ce sont là deux questions, dont les réponses peuvent orienter de façon complètement différente la pertinence des résultats obtenus.

Il n'est pas étonnant que le développement de l'EBM se soit tourné vers « des recommandations pour la pratique clinique » ou « guidelines » où ce travail est proposé directement au praticien qui n'a plus qu'à ouvrir le document où toutes ses questions sont sensées être posées et avoir la meilleure réponse.

L'EBM et les niveaux de preuve

Pour établir ses critères de qualité, l'EBM a classé les articles référencés suivant différents niveaux de preuves :

Niveau I : étude/essai clinique randomisé contrôlé (ou revue systématique d'essais cliniques randomisés contrôlés).

Essai contrôlé randomisé « randomized controlled trial » : Étude expérimentale, où les patients sélectionnés pour une intervention thérapeutique sont répartis de manière aléatoire en 2 groupes : le premier groupe reçoit le traitement, tandis que le second reçoit généralement un placebo [7].
Niveau II : étude contrôlée mais non randomisée.

Niveau III : étude de cohorte prospective.

Étude de suivi ou de cohorte « cohort studies » or « follow-up studies » : Étude d'observation, le plus souvent prospective, dans laquelle un groupe de sujets, exposé à des facteurs de risque d'une maladie ou à un traitement particulier, est suivi pendant une période déterminée et comparé à un groupe contrôle non exposé. Les sujets sont sélectionnés en fonction de l'exposition et non pas de l'issue [7].

Niveau IV : étude de cohorte rétrospective (historique), étude cas-témoin.

Étude de cas-témoins « case control studies » : Étude d'observation rétrospective dans laquelle les caractéristiques des malades (les cas) sont comparées à celles de sujets indemnes de la maladie (les témoins). Les sujets sont sélectionnés en fonction de l'issue [7].

Niveau V : étude de série de cas, opinion d'experts.

Étude de cas « Case Study/Case Report » : rapport d'un cas unique de maladie.
Série de cas (« Case Series ») : état d'un certain nombre de cas de maladie. Aucun groupe de contrôle n'est impliqué [7].

Ces niveaux de preuves [8] sont corrélés à des grades correspondant à la force des recommandations que ces niveaux leur confèrent : grade A pour le niveau I ; grade B pour le niveau 2 et grade C pour les niveaux 3, 4 et 5.

Même si le mouvement a pris beaucoup d'ampleur, il n'en demeure pas moins que la qualité des preuves mises en avant dans les études est reconnue souvent insuffisante, quelquefois même biaisée. (Monique Thurin)

Références

1. Evidence-based Medicine Working Group. Evidence-based medicine. A new approach to teaching the practice of medicine. JAMA,1992 ; 268 : 2420-5.

2. Shin JH, Haynes RB, Johnston ME. Effect of problem-based, self-directed undergraduate education on life-long learning. Can Med Assoc J, 1993 ; 148 : 969-76.

3. Schmidt HG. Problem-based learning : does it prepare medical students to become better doctors ? MJA, 1998 ; 168 : 429-430.

4. Sackett DL, Rosenberg WMC, Gray JAM, Haynes RB, Richardson WS. Evidence-based medicine : what it is and what it isn't. BMJ, 1996 ; 312 : 71-2.

5. Straus SE, Sackett DL. Getting research findings into practice : Using research findings in clinical practice. BMJ, 1998 ; 317 : 339-342.

6. Biographie de Archibald Leman Cochrane (1909-1988) http://www.uwcm.ac.uk/support/libraries/cochrane_archive/biographical_outline.htm
Ce site parcourt la vie et le travail d'Archibald Leman Cochrane. On y trouve des photographies, des éléments personnels et des articles professionnels de cet épidémiologiste qui, déjà, posait les bases de l'Evidence-Based Medicine. En effet en 1948 il rejoint le Medical Research Council's Pneumoconiosis Unit at Llandough Hospital, près de Cardiff. Il commence une série d'études sur la santé de la population de Rhondda Fach qui ouvrira le chemin vers l'utilisation des études controlées randomisées (RCTs).
Cochrane Library : http://www.update-software.com/cochrane/

7. Delvenne C, Pasleau C. Comment résoudre en pratique un problème diagnostique ou thérapeutique en suivant une démarche EBM ? Rev Med Liège, 2000 ; 55 : 4 : 226-232.

8. Voir à propos de ces niveaux de preuves le site de l'ANAES http://www.anaes.fr et le tableau de Sackett [9] traduit en français le site de l'Université de Liège http://www.ebm.lib.ulg.ac.be/prostate/ebm.htm#%e9tude. Ce dernier site à consulter absolument pour une approche très documentée sur l'EBM.

9. Sackett DL, Straus SE, Richardson WS, Rosenberg W, Haynes RB. Evidence-Based Medicine : how to practice and teach EBM. Second ed. London : Churchill Livingstone ; 2000.

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Difficultés et limites de l'EBM

Xavier Briffault*

La mise en œuvre de la méthodologie EBM dans des conditions réelles de pratique, en cabinet, pose des difficultés, et la méthodologie elle-même a des limites. Nous en présentons brièvement ici quelques unes (voir également la fiche de lecture sur le mémoire de G. Savard dans ce numéro).
Il ne s'agit pas de dire que la méthodologie est inapplicable, ou inutile, mais bien plutôt d'attirer l'attention sur les pré requis nécessaires à son utilisation effective et sur les limites, voire les biais possibles, afin de les éviter. Nous en avons recensés quinze principaux.

Pré requis

1. Temps
La recherche des références publiées dans les bases de données en ligne prend un temps important, dont le praticien ne dispose pas nécessairement (en particulier durant la consultation), alors qu'il faudrait avoir accès aux informations au moment où la question se pose concrètement. La qualité de la recherche d'information effectuée est directement proportionnelle à la pertinence et à la validité de ses résultats, mais inversement proportionnelle au temps nécessaire pour la rechercher (utilité de l'information médicale = (pertinence x validité) / temps et travail nécessaire).

2. Langue
La plupart des références sont en anglais, ce qui nécessite une maîtrise parfaite de cette langue pour lire rapidement et sans contresens.

3. Matériel
Il faut disposer d'un matériel informatique et d'une connexion réseau suffisamment rapides, et des compétences pour l'utiliser, afin de permettre une utilisation efficace de l'accès en ligne aux bases de données et revues.

4. Coût
De nombreuses bases de données et revues en ligne sont payantes.

5. Statistiques
La compréhension des résultats d'une étude demande une maîtrise approfondie des méthodes statistiques utilisées.

6. Formulation des requêtes et indexation
Formuler des requêtes pertinentes nécessite une bonne compréhension des mécanismes de recherche et d'indexation utilisés dans les bases de données, et une bonne connaissance des bases de données disponibles. La qualité de l'indexation, et de sa maîtrise par l'utilisateur, sont essentielles pour minimiser le bruit (résultats non pertinent retrouvés par la requête) et le silence (résultats pertinents non retrouvés par la requête).

7. Analyse critique des résultats
L'analyse des études publiées demande des compétences d'analyse critique, une connaissance des enjeux industriels, de recherche et personnels dans lesquels sont impliqués les auteurs des études (qui peuvent par ailleurs être des « auteurs de paille »), et plus globalement de disposer de critères d'évaluation de la qualité des travaux publiés et des biais potentiels.

Limites et biais

8. Études de groupe/patient singulier
Les études contrôlées randomisées (ECR) se fondent sur des analyses statistiques de groupes, constitués de patients sélectionnés pour leurs caractéristiques spécifiques, bien adaptées à l'étude. L'application de ces résultats agrégés à un patient singulier ne va pas de soi, en particulier dans les cas de comorbidité, de conditions environnementales ou de ressources particulières, de patient rétif au traitement... Les conditions d'inclusion/exclusion et les modes de recrutement des patients dans les ECR amènent à s'interroger sur leur représentativité en pratique de ville. Les études sont souvent réalisées en soins de santé tertiaires et la prévalence des affections est différente selon le milieu. Dès lors, la valeur prédictive des tests diagnostiques, par exemple, sera différente. Les choix guidés par des évaluations faites en soins de santé tertiaires peuvent donc avoir un impact sur la décision médicale et l'influencer de manière négative.
Le raisonnement ceteris paribus (toutes choses égales par ailleurs) utilisé dans les essais contrôlés randomisés repose sur l'idée que les facteurs autres que le facteur testé ne varient pas. L'application en environnement naturel des résultats obtenus dans ces environnements contrôlés pose le problème de l'impact des variations des différents paramètres de l'environnement naturel sur les facteurs d'efficacité testés en environnement contrôlé.

9. Analytique/synthétique
Le type d'investigation engendré par l'EBM est essentiellement de type analytique, et cherche à tester l'effet d'un facteur donné. L'utilisation synergique de plusieurs outils thérapeutiques, ou de traitements nécessitant une participation active du patient (psychothérapie) ne sont pas évaluables selon cette méthodologie.

10. Echange de pratiques en réseau/lecture
individuelle de connaissances
Les réseaux de praticiens, les groupes de discussion sur les pratiques, les réflexions collectives sur des cas de patients réels, sont des modes privilégiés d'analyse, de décision et de formation pour les praticiens. La fouille solitaire de données dans des bases de publications ne favorise pas cette activité collective.

11. Limitations des ressources en situation
Le praticien agit en permanence en situation de ressources limitées. C'est dans ce cadre contraint qu'interviennent l'analyse et la décision thérapeutique, et non pas dans le cadre particulier des essais contrôlés.

12. Effet placebo
Une partie non négligeable de l'efficacité de la relation thérapeutique réside dans l'effet placebo (écart entre l'effet thérapeutique global et l'effet spécifique de la thérapie). De nombreux facteurs interviennent dans cet effet placebo, parmi lesquels les attentes du patient et du médecin jouent un rôle important ; en particulier, la bienveillance du médecin et son degré de conviction vis-à-vis du traitement qu'il propose sont essentiels. À placebo égal, un médecin sympathique et convaincu est beaucoup plus efficace qu'un autre, indifférent et sceptique. Ainsi, un médecin de famille de Southampton, KB Thomas, choisit dans sa clientèle deux cents patients qui se plaignaient de vagues douleurs abdominales, de maux de tête, de douleurs lombaires, de maux de gorge, de toux ou de fatigue et pour lesquels il lui était impossible de faire un diagnostic précis. Il sépara ces patients en deux groupes, dont le premier fut l'objet d'une consultation dite « positive » : il affirma un diagnostic et les rassura vigoureusement en leur certifiant qu'ils se rétabliraient très vite. Aux patients du second groupe, il dit : « Je ne suis pas certain de savoir ce dont vous souffrez ; si vous n'allez pas mieux dans quelques jours, revenez me voir ». Au bout de deux semaines, 64 % des patients du premier groupe gratifié de la consultation « positive » allaient mieux contre 39 % de ceux de l'autre groupe [2].
Des résultats du même genre sont rapportés dans de nombreux domaines, par exemple sur les conséquences de l'attitude du médecin sur la consommation post-opératoire d'antalgiques [3].
Un médecin qui doute de l'efficacité antalgique de son traitement obtient une réponse placebo statistiquement moindre que celui qui ne doute pas [4]. De la même façon, parmi des patients lombalgiques, ce sont ceux qui attendent le plus d'un traitement qui sont précisément le plus soulagés [5].
On peut alors se demander quel est l'effet sur la puissance placebo de la relation thérapeutique de l'introduction de la culture du doute, qui caractérise l'approche scientifique, et donc l'EBM, dans la pratique, et ce d'autant plus si le patient est informé des déterminants multiples et incertains qui conditionnent le choix de son traitement.

13. Position d'expert
Dans le domaine des psychothérapies/psychanalyses du sujet, dans lequel l'abandon par le patient de la croyance en un savoir définitif sur lui par le thérapeute « supposé savoir » et par lui-même est un des effets du traitement, l'adoption par le thérapeute d'une posture experte fondée sur la preuve peut également être contre-productive, pour des raisons symétriques aux précédentes.

14. Biais
Les études contrôlées randomisées sont le plus souvent réalisées, en raison de leur lourdeur, par des chercheurs professionnels, travaillant en institution. Ceci est générateur de biais qui sont spécifiques au milieu de la recherche institutionnelle. D'une part les chercheurs ne sont pas toujours des praticiens. D'autre part, les règles d'évaluation propres à ce milieu engendrent une orientation des recherches vers les résultats publiables. En particulier, les résultats négatifs, les réplications d'études, les études sans impact économique (molécule sans brevet, ...), etc. ont moins de chances d'être l'objet de l'intérêt des chercheurs.
Un travers fréquent est de confondre absence de preuve et preuve de l'absence, et de conclure à l'inefficacité d'un traitement en raison de l'absence de preuves sur son efficacité. Pour autant, la science médicale est probablement constituée de plus de zones d'ignorance que de zones de connaissances, et le raisonnement ainsi que l'expérience clinique doivent être mobilisés en permanence pour agir au mieux dans ces zones. Les cliniciens doivent intégrer dans chaque décision des connaissances issues de 5 domaines différents, qui ne peuvent être hiérarchisés, mais dont la part relative varie pour chaque cas : les preuves empiriques, les preuves issues de l'expérience, les principes physiologiques, les valeurs du patient et du thérapeute, les caractéristiques du système de soin et de l'environnement [1].

15. Efficacité de l'EBM
Qu'en est-il de l'application à l'EBM elle-même des méthodes qu'elle préconise, et donc des preuves de son efficacité sur l'amélioration des soins aux patients ?

Références

1. Mark R Tonelli. The Limits of Evidence-Based Medicine. Respiratory Care, 2001, 46 (12) :1435-1440.

2. Thomas (K.-B.). General practice consultations : is there any point in being positive ? Br Med J, 1987 ; 294 : 1200-1202. Cité par Jean-Jacques Aulas, « l'effet placebo et ses paradoxes », Science et pseudo-sciences n° 252, Mai 2002, p. 14.

3. Egbert (Lawrence D.). Reduction of Postoperative Pain by Encouragement and Instruction of Patients. A Study of Doctor-Patient Rapport. New Engl J Med, 1964 ; 270 (16) : 825-827. Cité par Jean-Jacques Aulas, « l'effet placebo et ses paradoxes », Science et pseudo-sciences n° 252, Mai 2002, p. 15.

4. Gracely (R.-H.) et coll. Clinicians' expectations influence placebo analgesia. Lancet 1985 ; i : 43. Cité par Jean-Jacques Aulas, « l'effet placebo et ses paradoxes », Science et pseudo-sciences n° 252, Mai 2002, p. 15.

5. Kreitler (S.) et coll. Cognitive orientation of pain relief following acupuncture. Pain, 1987 ; 28 : 323-341.

* chercheur CNRS/INSERM/ParisV - Cesames

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Les études d'efficacité en psychanalyse sont-elles justifiées ?

C'est une des questions auxquelles P. Fonagy* tente de répondre dans l'Opendoor de l'IPA (2000).

Au cours des dix dernières années, tous les aspects de la médecine ont fait l'objet d'un examen minutieux alors même que la médecine par la preuve (EBM) devenait la référence. Au delà de l'idéal proclamé (permettre aux patients et aux médecins de prendre les meilleures décisions en étant informés), quels sont les véritables mobiles de l'insistance actuelle de ne plus considérer le jugement clinique comme suffisant pour proposer un traitement médical et de considérer que sa décision doit reposer sur des recommandations fondées sur la preuve ? Il semble bien que ce soient en grande partie des considérations financières.

D'un point de vue philosophique, l'EBM représente un exemple pratique du « conséquentialisme » (proposition suivant laquelle la valeur d'une action peut être évaluée par la mesure de ses conséquences). Cette forme de l'utilitarisme porte classiquement en elle différentes questions : sur quels résultats évalue-t-on les conséquences ? Des résultats importants ne risquent-ils pas d'être insuffisamment pris en compte et difficilement mesurés ? Dans quelle mesure les valeurs mesurées en termes économiques peuvent-elles être comparées avec des valeurs qui ne sont pas quantifiables ? Qui détermine les résultats obtenus ? Comment les attentes individuelles, de l'entourage et les facteurs culturels interviennent-ils dans ce jugement ? Toutes ces questions sont pertinentes lorsque l'on aborde l'efficacité de la psychanalyse, ainsi que d'autres, plus spécifiques : quelle importance donne-t-on à l'éthique dans le conflit qui peut surgir entre résultats attendus et mise en œuvre d'un traitement (cf. le cas caricatural présenté dans le film « Orange Mécanique ») ou dans les exigences d'un protocole de recherche comme le ECR (randomisation et risque d'absence de continuation des soins).

Tous ces éléments suscitent beaucoup de perplexité, voire d'inquiétude par rapport à la participation de la psychanalyse au mouvement de l'EBM. Néanmoins, P. Fonagy considère que dans le contexte actuel la discussion concernant l'efficacité de la psychanalyse est une question pragmatique et non pas de principes. Le rejet de la psychanalyse en tant que choix thérapeutique sur la base des critères actuels utilisés par certains organismes payeurs aurait des conséquences dramatiques à court et à long terme sur le développement de la discipline mais aussi pour les patients. Toutes les énergies doivent se rassembler pour éviter ce risque. (Jean-Michel Thurin)

*P. Fonagy. An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis. Report prepared by the Research Committee of the IPA at the request of the President. 2000. Traduction française sur www.techniques-psychotherapiques.org

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Bioéthique : les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses : une entorse à l'éthique ?

Hervé Allain*

Les stratégies thérapeutiques (incluant le médicament) sont aujourd'hui définies et enseignées à partir de preuves objectives et scientifiques, selon les canons de l'Evidence-Based Medicine (EBM). Un débat éthique se situe entre la qualité et le niveau de preuves prônés par l'EBM et d'un autre côté, les souhaits et les attentes du public ou des populations (Opinion-Based Medicine).
Ce débat a le mérite de soulever les questions relatives à l'innovation et au progrès en Médecine, à la sécurité des outils thérapeutiques (notamment à long terme) ainsi qu'au politique (choix dans les axes de recherche, réglementation, autorisation de mise sur le marché).

Le courant actuel concernant la prise en charge médicamenteuse de presque toutes les maladies va dans le sens de la fameuse Médecine fondée sur les preuves, l'Evidence-Based Medicine (EBM) ou médecine factuelle. L'accès au médicament, donc aux soins, passe par l'évaluation du rapport bénéfice/risque qui in fine, guide le politique et les agences du médicament (AFSSaPS en France et EMEA en Europe), lesquelles décident des taux de remboursements de ces principes thérapeutiques, mais surtout de leur reconnaissance officielle, conduisant à un dialogue voire un conflit entre les partenaires dont l'enjeu est le médicament : l'industrie pharmaceutique, le malade et sa famille, les pouvoirs publics, le corps de santé dont les médecins en premier chef, les acteurs de la recherche clinique et de l'évaluation.

Selon l'esprit contemporain, l'effet thérapeutique d'une substance n'est plus l'objectif ultime de la recherche pharmacologique ; l'impact sur la qualité de vie du malade, sur les relations familiales et sociales, sur le coût des soins supporté par la collectivité, sur l'avenir à long terme est devenu un objectif prioritaire, la pharmacologie clinique (les essais thérapeutiques) n'apparaissant dès lors que comme un maillon parmi d'autres dans l'évaluation d'une stratégie thérapeutique. D'une réflexion éthique sur une méthode (une technique) on passe à un questionnement moral populationniste, exigeant en effet des preuves facilement compréhensibles par tout un chacun et admises par les différentes cultures européennes, voire applicables à tous les malades (Lenoir et Mathieu, 1998).

L'obtention de la preuve ressemble à la Quête du Graal, dans la légende du roi Arthur, puisqu'il s'agira alors de mettre en œuvre toutes les techniques à disposition pour obtenir une Vérité Universelle (Bourg et Besnier, 2000). Or, au moins en terme de médicaments, de thérapeutiques et de santé publique, tout le monde sait que l'évaluation et l'obtention d'une preuve (de supériorité, d'efficacité, d'innocuité ...) reposent aujourd'hui sur des techniques statistiques inférentielles non dénuées de critique (ou de conformité avec la question posée) et en tous cas hautement fondées sur les probabilités, à tel point que vous avez raison et gagné dans la démonstration si le petit p (" p ") est inférieur en général à 0.05 (ce qui pour le non initié signifie que vous avez raison au risque de vous tromper 5 fois sur 100) ; plaçons nous à un échelon individuel et imaginez que vous, malade, soyiez dans les 5 % d'erreur ... L'acte de prescrire ou d'informer urbi et orbi sacralise ce " p ", gommant toute critique vis-à-vis de la méthode et surtout en terme de progrès, bloque toute alternative aux méthodes tant d'obtention des données que de leur traitement (data analysis), avec comme conséquence un déni de l'historique des progrès thérapeutiques et conceptuels en santé publique (le hasard ou serendipity) et un frein majeur à l'innovation ou à la découverte (déni de la métaphore, source de progrès et chère aux physiciens !). Pour le spécialiste en statistiques et en méthode, le " petit p " n'est pourtant qu'un des neuf éléments selon les critères de Hill, permettant d'établir une causalité ! Bref, la vision du monde de la santé oppose réellement deux approches : l'Opinion Based et l'Evidence-Based Medicine. En un mot, le débat éthique se pose autour des divers référentiels (recommandations, conférences de consensus, conférences d'experts ...) et des règles méthodologiques qui ont présidé à leur élaboration. Ce domaine a été récemment abordé en France lors des journées d'éthique médicale Maurice Rapin et tout juste publié (Dreyfuss et al, 2000). Deux chapitres de ce document viennent à point alimenter la discussion, l'un prônant l'EBM (« plaidoyer pour l'EBM ou comment nier les évidences ? » par C. Brun Buisson) et l'autre s'opposant à l'EBM (« Contre l'Evidence-Based Medicine » par F. Fourrier).

Le cas des comorbidités (et donc des associations thérapeutiques), montre que l'EBM ne peut se satisfaire des seuls essais de phase III qui n'abordent en règle générale qu'un seul moyen thérapeutique et une maladie. Toujours dans notre pratique de la neuro-psychopharmacologie, à la demande du British Medical Journal (Allain et al, 2000), nous étions sollicités pour faire le point sur le choix rationnel des antidépresseurs chez le malade atteint de la Maladie de Parkinson, rapport à rédiger strictement sur les bases de l'EBM. Le résultat fut laborieux car aucun essai à l'époque n'avait été publié sur le sujet ; alors comment conclure ?
Rappelons ici, pour le non spécialiste, que la dépression ou un syndrome dépressif accompagne de manière quasi systématique toute Maladie de Parkinson ! En clair, ce chapitre des comorbidités (des plus fréquentes en psychiatrie) souligne la pénible question des sources d'information et des arguments de choix d'un médicament ; l'enseignement de la thérapeutique, en France, très imprégné de l'EBM n'aborde pas cette interrogation. Toujours dans le cadre de cette affection, la maladie de Parkinson, l'introduction récente des techniques neurochirurgicales (neurostimulation, greffes de cellules fœtales humaines) appellerait de longs commentaires éthiques que, volontairement, nous souhaiterions restreindre à l'économique et au financier.
Ces techniques sont lourdes, coûteuses et réalisables seulement dans quelques centres spécialisés qui ont « le luxe » d'avoir toute la hiérarchie de personnel de santé à disposition pour procéder aux bilans pré-opératoires, à l'intervention, au suivi (obligatoirement à long terme, du fait de l'innovation). Cette « filière de soins » a bien évidemment ses limites d'où le problème des listes d'attente des malades, les quotas imposés par les autorités sanitaires, la nécessité d'entreprendre sur ces malades des études pour fixer chez les opérés les règles d'utilisation des médicaments antiparkinsoniens encore et malgré tout nécessaires. Ce chapitre pose avec acuité la question de l'accès à la véritable innovation thérapeutique dont, parallèlement, il faudra prouver la supériorité en terme d'efficacité, de sécurité et de temporalité... en l'expliquant aux malades, aux familles, aux pouvoirs publics ainsi qu'à nos confrères et collègues partageant le même gâteau financier au sein d'un hôpital.

C'est en ce sens que nous écrivions récemment aux directeurs d'hôpitaux à propos de la psychiatrie (Allain et coll., 2000) en insistant sur le fait que la recherche et l'innovation thérapeutique ne se résumaient pas à l'application pure et simple de guidelines ou de procédures standardisées (SOP) avec à la clé, audit, vérification... Dans ce domaine, le débat éthique doit porter sur les choix politiques locaux d'une activité de recherche et d'innovation avec le souci de l'équité, de la solidarité et de l'allocation des ressources. En terme concret, les divers comités scientifiques des Universités, des centres de recherche devraient intégrer ces réflexions au même titre que les considérations d'ordre scientifique ou de faisabilité technique. La discussion sur l'EBM n'est dès lors plus un débat technique sur la preuve (valeur de la Cochrane Collaboration ; validité des méta-analyses...) mais une réflexion sur l'obtention d'une preuve à valeur universelle, n'épargnant aucune tranche d'âge et aucune maladie (orphan drugs).

* Professeur de pharmacologie. Université de Rennes I - Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco

Allain H, Schück S, Mauduit N. Depression in Parkinson's Disease. British Medical Journal, 2000 ; 320 : 1287-1288.

Allain H et coll. Psychiatrie et Recherche Clinique. Dialogue avec les directeurs d'hôpitaux. Presse Médicale, 2000 ; 32 : 1768-1772.

Bourg D, Besnier JM. Peut-on encore croire au progrès ? in La Politique éclatée. PUF, 2000 ; pp 279.

Dreyfuss D, Lemaire F, Outin HD, Rameix S. Recommandations, références médicales, accréditation : les enjeux éthiques. Médecine-Sciences, Flammarion, 2000 pp 77.

Lenoir N, Mathieu B. Les normes internationales de la bioéthique. PUF. Que sais-je (Paris) 1998 pp 127.

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Et les patients ?

De 2000 à 2002, un important projet concernant l'e-santé et l'information des patients a été conduit par le Conseil de l'Ordre des médecins et le ministère de la santé, impliquant de nombreux partenaires. Le projet de départ était que le domaine de la e-santé se développe rapidement avec une grande hétérogénéité dans la qualité des informations et des services proposés aux usagers.
Pour l'usager, il n'existe pas de repère clair lui permettant de juger de la qualité de ce qu'il fait ou des services qu'il utilise. L'objectif de la démarche était donc : (a) d'essayer de définir un certain nombre de règles permettant à l'usager de se faire lui même une opinion sur la qualité de ce qu'il lit ou de ce qu'il consulte ; (b) de faire en sorte que ces règles soit adaptées, mises à jour en fonction des nouveaux services se développant sur Internet ; (c) d'assurer à l'usager que ceux qui se réclament de ces règles les respectent bien.
Ce travail a été mené durant 2 ans et a été conduit avec de multiples collaborations internationales. Le regret n'en est que plus grand qu'il n'ait pas (du moins à ce jour) abouti.

Une initiative moins ambitieuse, issue de l'Université de Montréal [1], est présentée sous le titre « Aidez vos patients à valider une information médicale ». Plusieurs moyens leur sont proposés pour les accompagner dans leur quête d'informations médicales. D'abord, visiter le site Quackwatch qui propose un guide sur la fraude et le charlatanisme dans le domaine de la santé. Ensuite, des « trucs » pour détecter des sites « dangereux ». Le médecin y trouvera, pour sa part, quelques adresses de sites validés et des conseils sur la façon d'aborder le dialogue avec son patient qui ne manquera pas de venir lui parler de ses trouvailles sur Internet.

Le rapport entre les médecins et leurs patients a changé. Dans la discussion du traitement, c'était les médecins qui décidaient en grande partie des options qui étaient susceptibles d'être appropriées et des informations qui devraient être présentées aux patients. La jurisprudence, les décalages culturels et l'Internet se sont combinés pour augmenter l'accès du patient aux informations sur les options de traitement. Aux Etats-Unis, la publicité, directement dirigée vers le consommateur, a accéléré ces changements comme en témoigne une étude réalisée sur ce sujet [2].
Un ouvrage « The new medical conversation » [3] pose la question de la nouvelle relation entre l'expérience clinique du médecin et la preuve issue de la recherche dans la prise de décision. Plutôt qu'un fossé, les auteurs constatent la mise en oeuvre d'une nouvelle intégration des éléments de connaissance qui peut être réalisée de façon concertée par le patient et son médecin. (JM. T.)

1. http://www.medped.umontreal.ca/omni/sites.med.18.html
2. http://www.fda.gov/cder/ddmac/globalsummit2003/
3. Mazur DJ. The new medical conversation. Rowman et Littlefied, 2003, 187p

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Un mémoire de DEA sur la question éthique

Dans un mémoire de DEA* d'éthique médicale et biologique d'une centaine de pages (faisant suite à un rapport de maîtrise), Guillaume Savard présente un panorama critique argumenté et documenté de l'Evidence-Based Medicine, ou médecine factuelle, dans le cadre d'une réflexion éthique.

Il présente dans un premier temps ce qu'est la médecine factuelle, en s'appuyant sur les textes fondamentaux des promoteurs de cette « démarche d'intégration à l'expertise et aux valeurs du patient des meilleurs faits (ou preuves) issus de la recherche ».

Il insère l'EBM dans une perspective historique, philosophique et épistémologique, en montrant qu'elle puise ses racines dans la philosophie pragmatique et empiriste anglo-saxonne, et s'appuie dans sa démarche sur l'acceptation et l'utilisation croissante des méta-analyses, des essais cliniques randomisés et plus généralement sur une vision statistico-inductive de la médecine, qui se différencie de la démarche cartésienne en faisant reposer in fine la vérité sur le « sensible ».

Il aborde ensuite différentes caractéristiques de l'EBM, et en particulier sa méthode, sa conception de la preuve, puis la nature des essais cliniques randomisés (ECR) avec les problèmes qu'ils soulèvent, et enfin son rapport avec la statistique médicale et l'épidémiologie. Les difficultés spécifiques à la mise en œuvre de la méthode en 5 étapes (formuler la bonne question, pister les faits et les preuves, faire une évaluation critique, faire passer la preuve dans la pratique, évaluer et s'auto-évaluer) sont présentées en détail, sous l'angle des compétences nécessaires et donc de la formation, des biais potentiels, de l'ancrage socio-culturel des travaux de recherche, des difficultés pratiques de mise en œuvre, du statut de la preuve en médecine... Une attention toute particulière est portée à ce « colosse aux pieds d'argile » qu'est selon Savard l'essai contrôlé randomisé (biais de sélection, influence de la conception des patients sur le traitement, interprétations abusives des résultats, influences de l'industrie, découpage analytique excessif des résultats, difficultés d'application au patient singulier...).

Une analyse approfondie des fondements de la démarche statistique permet ensuite au lecteur de mieux comprendre les deux grandes tendances (épistémiques et fréquentistes) qui traversent la statistique, et les notions techniques essentielles (risque, significativité p, number needed to treat (NNT),...), ainsi que leurs conséquences dans la pratique.

La suite du mémoire aborde plus précisément les difficultés et les limites de l'usage et de la pratique de la médecine factuelle, et ses rapports avec l'enseignement, pour finir sur une étude de cas d'utilisation de l'EBM en chirurgie dentaire.

La conclusion du travail est critique pour l'EBM, mais elle rappelle à propos que si les propositions de l'EBM posent des difficultés, elles ont au moins le mérite d'exister :
« le modèle a été vite reconnu inapplicable, pour différentes raisons, la médecine factuelle a dû reculer dans sa prétention à chasser les arguments d'autorité. C'est plutôt elle, accompagnant la reconnaissance de la statistique médicale, qui tend à prendre ce nouveau rôle. Cependant, bien qu'elle vienne de l'enseignement, la médecine factuelle n'en a pas relevé les dernières innovations. Elle reste sur une conception déjà ancienne de ce qu'il faut enseigner, donc de la structure du savoir médical. De nombreuses critiques peuvent encore être adressées à la médecine factuelle. Et ses limites sont importantes, ne serait-ce que parce qu'elle ne répond que du savoir biomédical et donc elle ne représente pas la médecine dans sa complexité. La médecine factuelle ne rend également pas compte de l'innovation, de la découverte, c'est une méthode sans génie. Sa hiérarchie des preuves est largement contestable, mais les voix critiques n'ont pas beaucoup d'audience tellement la médecine factuelle est réconfortante pour l'image que le médecin se fait de lui-même. La vraie médecine factuelle est probablement éloignée de l'idée que les praticiens s'en font. Qu'ils la craignent ou l'admirent. Le risque de voir apparaître un nouveau dogme n'est pas loin. La médecine factuelle est peut-être un mal nécessaire pour toiletter nos pratiques. Mais il faut rester prudent. Elle n'est en rien une médecine. Par contre, ce qu'elle a fait, quoique inadéquatement et de façon réductrice, personne n'en a encore relevé le défi ». (Résumé de Xavier Briffault)

*Guillaume Savard, « Enjeux et limites de la médecine factuelle (Evidence-Based Medicine), DEA d'éthique médicale et biologique (2003), Université Paris V, Faculté de médecine de Necker, Laboratoire d'éthique médicale, Dir. Pr Christian Hervé.

Téléchargement internet : http://www.inserm.fr/ethique/Travaux.nsf/0/cfe16af106b6170080256daa006073cf?OpenDocument

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La démarche EBM en psychiatrie et santé mentale

Jean-Michel Thurin

Commençons par quelques remarques formulées dans un article canadien [1]

- Les résultats négatifs non publiés renforcent une surestimation de l'effet du traitement (cet article se référe à plusieurs méta-analyses qui étudient l'efficacité des antidépresseurs, des neuroleptiques et du lithium). Deux raisons sont invoquées par l'auteur, la première est que les éditeurs de revues sont toujours moins intéressés à publier des résultats qui ne montrent pas des progrès thérapeutiques ; la seconde est que les compagnies qui commanditent l'étude et sont promotrices du médicament sont peu enclines à faire connaître ce type de résultat. Peu importe finalement ces deux raisons, mais les conséquences ne sont pas négligeables au niveau d'une démarche qui se veut apodictique [2].

- « Accorder un poids plus important à une étude à double insu par rapport à une étude « naturelle » est en soi un choix conceptuel qu'on peut justifier par le contrôle des biais de sélection, par exemple, mais qui rejette des études portant sur des populations complètes de patients. Certains cliniciens ne préféreraient-ils pas se fier à des études où la population étudiée est un reflet plus fidèle de ce qu'ils voient en pratique quotidienne ? ».

- La nécessité d'élaborer des méthodologies compatibles avec des études à nombre réduit de patients, voire à cas unique, s'impose de plus en plus.

- Le patient qui vient consulter ne le fait pas parce que le clinicien possède les connaissances scientifiques les plus récentes sur son problème mais pour l'expérience et la sensibilité à son problème qui lui est propre.
Si le médecin « devait pratiquer uniquement en se fondant sur des faits vérifiables, son expertise clinique risquerait de sombrer dans une tyrannie dictée par des preuves sicentifiques de très haut niveau qui ne sont pas nécessairement pertinentes et applicables à la gestion clinique du malade. ... Le clinicien qui se trouve devant son patient aura implicitement et explicitement à traiter toute une somme d'informations, à la critiquer et à proposer à celui qui vient chercher un service le résultat d'un compromis... S'il se fonde sur les méta-analyses, il est certes honnête, mais il a de bonnes chances de ne pas être rassurant ».

Poursuivons avec un article français (traitant de la psychiatrie et de l'EBM : ils sont rares !) [3]

L'auteur, Marc Bourgeois, soulève le problème des publications scientifiques en faisant remarquer que si l'on soumet les journaux médicaux à une lecture exigeante en appliquant les critères de la rigueur méthodologique EBM, 98% de la littérature clinique est rejetée.

Dans un contexte où il est demandé de publier moins de petits articles mais au contraire qu'ils soient plus extensifs et des revues générales (ces chères meta-analyses), M. Bourgeois préconise un développement de la publication de vignettes cliniques, d'observations de cas uniques « qui sont très utiles pour éclairer et balancer ces « vérités scientifiques » qui valent pour les grands nombres et les données essentielles, mais sont tout de même élémentaires, d'un secours limité pour la complexité de certains patients psychiatriques ».

Concernant la Formation Médicale Continue, M. Bourgeois pose la question de savoir s'il faut attendre « pour mettre en route un traitement psychiatrique que l'EBM ait apporté sa caution et que les « preuves » soient au niveau A ? ».
Pour répondre à la question « EBM en psychiatrie est-elle possible ? » M. Bourgeois rapporte que les médicaments psychotropes répondent aux critères de l'EBM pour obtenir leur mise sur le marché ; les psychothérapies « réglées, structurées, à objectifs définis peuvent sans doute se soumettre aux mêmes exigences. Certaines ont déjà montré des preuves objectives des changements (limités) qu'elles apportent ».
Il n'en demeure pas moins que « beaucoup douteront que ce réductionnisme serve réellement les patients ».

Terminons par un exemple où l'EBM s'avère être une démarche prudente

Un article de Hugh Freeman [4] peut servir de contre point aux arguments précédemment avancés situant les limites de l'EBM. Après avoir rappelé que la limitation générale des ressources, comme le souligne Keynes, « fait partie de l'ordre général des choses » et requiert que l'utilité de chaque forme d'intervention en santé soit évaluée aussi bien que possbile, l'auteur se demande comment cet objectif peut être atteint dans une discipline comme la psychiatrie où les affections vont des troubles les plus handicapants et permanents à des variations mineures de niveaux de l'anxiété ou de l'humeur, qui impliquent de multiples étiologies et coexistent souvent avec des troubles somatiques et des problèmes sociaux insolubles.

L'analyse du livre de David King [5] lui en fournit un exemple. Celui-ci y vante le caractère supérieur des « solutions communautaires en terme financier et de préférence par les personnes » et présente sa solution comme à la fois totalement innovante et salvatrice. L'enthousiasme réformateur de King ne devrait-il pas prendre en compte les données de la réalité à savoir les services alternatifs réellement existants quand on décide de fermer des lits hospitaliers ?
Les droits humains élémentaires qu'il s'agirait d'établir par ce moyen ne doivent-ils pas aussi considérer que dans un pays avancé et une société industrialisée relativement riche comme la Grande Bretagne, l'un des droits les plus élémentaires est l'accès à des soins de haute qualité, à la fois médicale et sociale, et cela quelque soit la durée du temps que ce cela exige ? En tout état de cause, H Freeman souligne que le véritable progrès que représente la psychiatrie communautaire (s'il y en a un) ne sera véritablement connu que lorsque l'état clinique et la qualité de vie d'un nombre important de personnes auront été évalués de façon fiable durant un certain temps. Il est des situations où les données d'études sont importantes avant de déclarer l'utilité générale d'une approche thérapeutique et institutionnelle.

1. Lesage A D, et coll. « What's up, doc ? » Le contexte, les limites et les enjeux de la médecine fondée sur les données probantes pour le cliniciens (EBM), Rev. Can Psychiatrie, 2001 ; 46.

2. apodictique : ce terme est retrouvé pour la traduction de l'EBM dans plusieurs articles, notamment dans celui de M. Bourgeois cité ici. Le petit Robert en donne la définition suivante « qui a une évidence de droit et non seulement de fait ».

3. Bourgeois ML. La psychiatrie apodictique (Evidence-based mental health) dans les stratégies et dispositifs de soins futurs. Ann Méd Psychol, 2001 ; 159 : 196-200.

4. Freeman H. Evaluation in mental health care. British Journal of Psychiatry, 1992 ; 161 : 1-2.

5. King D. Moving on from mental hospitals to community care. A case study of change in exeter. London : Nuffield Provincial Hospitals Trust, 1991.

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EBM et psychothérapie

Jean-Michel Thurin

Faut-il réfuter systématiquement la démarche de l'EBM en psychothérapie ? Le principe général, celui de « l'utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données (preuves) actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient » (Sackett, 1996) peut-être difficilement réfuté en soi. En revanche, dès que l'on se pose le problème de l'application de ce principe, les arguments qui conduisent à une extrême prudence s'accumulent. La synthèse de l'expertise collective sur les psychothérapies et plus encore son utilisation imprudente représentent quasiment une étude de cas des dérives potentielles du principe.

Quelles sont en effet « les meilleures données actuelles de la recherche clinique » pour l'EBM ? La réponse est claire : les essais contrôlés randomisés (ECR), les méta-analyses, éventuellement des études transversales ou de suivi bien construites. Notre analyse portera sur les deux premiers.

Les essais contrôlés randomisés

Rappelons le principe du ECR. Il s'agit d'une étude expérimentale où les patients sélectionnés pour une intervention thérapeutique sont répartis de manière aléatoire en 2 groupes : le premier groupe reçoit le traitement, tandis que le second reçoit généralement un placebo ou une absence de traitement spécifique.
Dans la pratique, la réalisation des ECRs pose des difficultés différentes suivant les méthodes psychothérapiques. Les ECRs ont été très investis par les TCC qui y trouvent un prolongement naturel de leur méthode : les traitements sont prescrits, leurs objectifs sont limités et concernent un symptôme ou un trouble isolé, leur stratégie est explicitée et décrite dans un manuel, la technique est directive, la durée du traitement est prévue pour être courte. Les TCC s'inscrivent ainsi facilement dans le modèle médical standard d'essai de médicament et dans la recherche médicale la plus accomplie dans ce domaine. A l'inverse, les psychothérapies psychanalytiques exigent un accord de fond et une implication forte du « patient », les objectifs sont plus différenciés (ils ne portent pas directement sur le symptôme, mais sur la régulation affective, la résolution de conflits intrapsychiques, l'intégration du moi, l'insight, les relations interpersonnelles... et finalement sur l'organisation psychique), la stratégie est adaptée au processus, la durée du traitement est ouverte. La différence entre les deux méthodes se situe également au niveau des indicateurs de changement. D'un côté, les symptômes et l'adaptation globale. De l'autre, les symptômes évidemment, mais surtout une approche multidimensionnelle du fonctionnement (Hoglend, 2000) appréhendée dans une perspective de santé. La mise au point des instruments de mesure du changement correspondants a été évidemment complexe. D'autres éléments interviennent : le recrutement des patients, centré sur des symptômes isolés (phobies, dépression simple) dans un cadre organisé pour la recherche (services hospitalo-universitaires, centres de soins pour étudiants), est plus simple pour l'organisation d'études que la dissémination de patients, souffrant de pathologies complexes intriquées, reçus dans des cabinets individuels.

Dans ce contexte, et en s'appuyant sur d'autres arguments qu'il faudrait discuter plus en détail (subjectif-objectif, qualitatif-quantitatif, influence de toute intervention externe (y compris celle d'une observation) sur le déroulement de la cure, prise en compte différente de l'effet placebo dans les différentes méthodes, évolution sociale des diagnostics et des interventions psychothérapiques) beaucoup de psychanalystes et psychothérapeutes d'orientation psychanalytique (par exemple, Hinshelwood, Perron) considèrent que les ECR sont une méthode qui doit être totalement réfutée pour la technique qu'ils utilisent. D'autres (Fonagy et Bateman, Andréoli, Stevenson et Meares, Guthrie,...) considèrent que cette attitude n'est pas totalement justifiée et surtout qu'elle n'est pas adaptée dans le contexte actuel. Ils se sont appliqués à trouver des solutions pour contourner les obstacles les plus évidents, si bien que des ECRs sont apparus très récemment dans ce champ. Il est important de signaler ici que la réalisation des ECRs a toujours été précédée de la mise en œuvre d'études utilisant des méthodes plus naturalistes.

Malgré leurs efforts, la situation reste néanmoins celle d'un déséquilibre considérable du nombre des études à l'avantage des TCC, déséquilibre qui est utilisé au delà des précautions oratoires d'usage comme un argument d'efficacité (Holmes, 2002) alors qu'il s'agit avant tout d'un effet d'ajustement entre technique utilisée et méthode de recherche.

En tout état de cause, la situation devrait évoluer à partir de la réalité sociale et scientifique qui montre qu'il ne suffit pas qu'une psychothérapie soit déclarée efficace pour qu'elle soit recherchée (Sanderson, 2002). Les recommandations issues de la pratique même des ECRs et des données les plus récentes peuvent être résumées de la façon suivante (Barkham et Hardy, 2001) : nous avons maintenant besoin d'études d'efficacité réelle (effectiveness studies) menées dans des conditions ordinaires de soin. Ces études doivent abandonner la globalisation associée à des « marques déposées » de psychothérapie et se recentrer sur les caractères spécifiques de chaque patient qui les rendent plus accessibles – de façon générale ou à un moment donné - à une approche et à des objectifs particuliers. L'évaluation ne doit pas s'appuyer sur une mesure unique, mais sur des mesures multiples et adaptées aux différentes théories. Les recherches doivent prendre en compte les processus de changement. Un axe central pour la recherche future sera le processus de changement entre séances (en opposition à la focalisation sur la séance elle-même) et l'extension de la preuve à des configurations qui ne sont pas de recherche. Une étude au moins (Ablon et Jones, 2002) démontre par ailleurs les limites des ECRs à partir d'une des recherches les mieux conduites : celle du NIMH sur la dépression (Elkin, 85,89). Il apparaît, en effet que malgré les manuels et les précautions de suivi, les techniques psychothérapiques réputées différentes (IPT et TCC) ont été dans les faits menées de façon identique. Ajoutons à cela deux éléments qui sont apparus très nettement il y a quelques semaines au congrès de l' APA. Le premier est celui de la reconnaissance des comorbidités jusque là très ignorées et intervenant directement sur les résultats et l'évaluation du handicap (Zimmerman, 2003). Le second est la préparation de la 5ème version du DSM et de la CIM qui seront marquées par une réintroduction de l'approche dimensionnelle.
Dans ce contexte, il ne paraît pas impossible que les méthodes d'évaluation du changement deviennent suffisamment représentatives de l'évolution de la personne et de la réalité clinique pour permettre des études conformes aux hypothèses traditionnelles de la recherche médicale, incarnées dans la méthode d'essai thérapeutique.

Les méta-analyses

L'objectif de la méta-analyse est de synthétiser les résultats des essais thérapeutiques répondant à une question thérapeutique donnée (par exemple, celle de l'efficacité de la psychothérapie ou d'une méthode psychothérapique). Cette synthèse se déroule en suivant une méthodologie rigoureuse qui a pour but d'assurer son impartialité et sa reproductibilité.
La méta-analyse est une synthèse systématique et quantifiée. Elle est systématique car elle implique une recherche exhaustive de tous les essais favorables ou non au traitement étudié, publiés et non publiés. Elle est quantifiée car elle se base sur des calculs statistiques permettant une estimation précise de la taille de l'effet du traitement (Cucherat, 2001).
Durant les vingt dernières années, la méta-analyse est devenue une technique populaire et méthodologiquement sophistiquée pour réaliser une sommation quantitative des résultats issus d'un corpus étendu de recherche « empirique ». La recherche de résultat sur la psychothérapie est un des champs pour lesquels la méta-analyse a été particulièrement populaire - mais également où elle est apparue comme une méthode particulièrement controversée. Georg E. Matt et Ana M Navarro ont fait la revue de 63 méta-analyses (réunissant plus de 3800 études) d'interventions psychothérapiques. Ils ont examiné leurs formes et leurs limitations méthodologiques sur la base des inférences causales généralisables qu'elles apportent à propos des effets des interventions psychothérapiques.Les auteurs expliquent qu'en dépit du nombre important des méta-analyses démontrant les effets spécifiques et non spécifiques des interventions psychothérapiques, les limitations des études de résultats et des revues actuelles de méta-analyses doivent nous prévenir de tirer des conclusions généralisables sur l'ampleur des effets, les conditions qui les modèrent et les variables qui modulent les effets de la thérapie.

Leur démonstration s'appuie sur deux grandes catégories d'éléments : l'accumulation des biais méthodologiques et la généralisation abusive des résultats.

1. Accumulation de biais méthodologiques. L'idée générale sur laquelle s'appuie la force de la méta-analyse est que le nombre important d'études va annuler (équilibrer) l'effet des biais présents dans les études primaires. Rien n'est moins sûr si l'on se réfère aux éléments suivants :

- Les données manquantes (élément retrouvé dans 18 des 63 méta-analyses) peuvent biaiser les estimations de tailles d'effet dans les méta-analyses. Il est en effet connu qu'un certain nombre de travaux ne font jamais l'objet d'une publication. Cela est particulièrement fréquent en cas d'essais dont les résultats sont négatifs. Il y a également les cas où une partie seulement des mesures est rapportée. Une solution utilisée quelque fois dans ces cas (outre le fait d'essayer de les obtenir des auteurs) est d'associer à ces absences un effet 0. Dans ces cas, la taille d'effet globale peut être réduite pratiquement du quart (Shapiro et Shapiro, 1982).

- Le codage des informations concernant les patients, les interventions, le cadre, les résultats et la conception de la recherche n'était pas clair dans environ 1/3 des méta-analyses.

- Les modalités de la stratégie de recherche des études incluses étaient variables (base informatique, recherche manuelle ou mixte), ainsi que les critères de leur sélection.

- La réduction des mesures à celles d'un comportement cible, plutôt que sur un ensemble de comportements, augmente la taille d'effet de l'intervention. De façon plus générale, l'absence de règle précise sur la sélection des mesures de résultats peut conduire à des biais d'extraction (on ne garde que les mesures qui donnent de bons résultats) ou de suradéquation de la mesure à la technique étudiée. Le mélange des tailles d'effet dans une valeur globale moyenne peut négliger l'effet de certaines variables sur d'autres qui leur sont dépendantes.

- Les biais dans le calcul des tailles d'effets sont multiples (utilisation de différents types, non correction liée à la taille de l'échantillon, absence de groupe de contrôle). Il peut exister également un manque d'indépendance statistique entre tailles d'effet (qui n'a été discuté explicitement que dans quatre méta-analyses).

- Le choix des groupes de contrôle est évidemment important. Ainsi, l'effet placebo d'une liste d'attente sera moins important que celui d'une intervention impliquant des composants non spécifiques. L'influence des facteurs spécifiques devrait mieux apparaître dans la comparaison de deux thérapies véritables. On arrive ainsi à des différences de taille d'effet de 0.87 en comparant des groupes de traitement à une liste d'attente et de 0.64 en comparant les groupes de traitement à des groupes d'attention placebo.

- Des effets de confusion peuvent provenir du fait que les différentes thérapies peuvent obtenir des effets différents suivant la sévérité des troubles. Par exemple Andrew et Harvey (1981) ont trouvé que les psychothérapies dynamiques et comportementales traitaient des troubles plus sévères, tandis que les approches de conseil traitaient des problèmes moins sévères. L'ampleur des effets de la thérapie varie également avec les caractéristiques de l'intervention (type, durée), des sujets (diagnostic, âge), du cadre de la recherche (service de formation universitaire vs. centre de santé mentale), de l'expérience des thérapeutes.

- Une autre confusion provient de la relation de quasi exclusivité qui peut s'établir entre une approche psychothérapique et certains troubles. Certaines techniques n'ont été étudiées que dans des cadres particuliers (par exemple, la méditation dans les prisons).

- L'allégeance des chercheurs à une intervention particulière a été fréquemment identifiée comme variable de confusion.

2. Les effets pervers d'une généralisation accrue. « Là où des études de résultat individuelles nous informent à propos des effets d'interventions spécifiques, chez des échantillons de patients spécifiques, dans des cadres spécifiques, concernant des mesures spécifiques, la méta-analyse nous enseigne à propos d'effets généralisés de classes d'interventions, chez des classes de patients, des classes de cadre et des classes de mesures ».
Autrement dit, on tire des conclusions générales - et souvent généralisées - à partir d'un ensemble d'études dont les caractéristiques élémentaires et les déséquilibres généraux (cf, par exemple la méta-analyse de Andrews et Harvey (Thurin, 2004)) ne sont pas clairement explicités. Ainsi, différentes populations sont sur représentées (troubles anxieux, groupes de jeunes et d'étudiants, patients recrutés plutôt que référés), et certaines conditions cliniques sous représentées (pratique clinique et cadre psychiatrique).
Les limites associées à chacune des études qui ont été pratiquées dans des conditions particulières ne permettent pas de répondre à une question globale telle que : « Quels thérapeutes, pour quels types de traitements psychothérapiques, pour quelle sorte de patient produisent quelles sortes d'effets perçus à la fois immédiatement et ultérieurement ? » (Fiske, 1977 ; Paul, 1969).

- D'autres limites générales devraient être prises en compte. Par exemple, l'époque durant laquelle les études ont été menées, notamment si elle conditionne le cadre thérapeutique. Les effets de la psychothérapie observés durant les années 1970 et 1980 sont-ils généralisables à des cadres de pratique clinique actuels pour lesquels peu de recherches de résultat ont été publiées ? Il faudrait alors pouvoir définir les variables intermédiaires qui interviennent sur l'effet et considérer si elles se retrouvent dans les différentes périodes considérées [un bon exemple est celui de la fameuse seule et unique étude sur la schizophrénie retenue par la Cochrane et qui date de 1976 : non seulement les conditions générales ont considérablement changé en près de 30 ans, mais cette étude ne renseigne en rien sur les modalités de l'approche et du cadre psychothérapique mis en oeuvre]. Les facteurs langue et culture sont également importants. Dans quelle mesure les résultats des études anglo-saxones sont-ils généralisables à l'Europe du sud, au Japon ou à l'Amérique du sud ? L'association des deux facteurs précédents est évidemment redoutable.

Il existe encore beaucoup d'autres raisons d'être circonspect sur la valeur des résultats et de leur généralisation.

- Par exemple, Il existe un grand nombre d'études primaires comparant les effets de la psychothérapie à ceux d'une absence de traitement. La plupart de ces études - mais certainement pas toutes - impliquent de jeunes patients, étudiants de collège et examinent les effets d'une ou plusieurs interventions thérapeutiques spécifiques dans des cadres universitaires. Bien que ces études soient comparables à différents égards, il existe une variabilité considérable dans les conceptions de recherche, les mesures et la documentation.

- Souvent également les estimations des effets des interventions psychothérapiques sont confondus avec d'autres caractéristiques de l'étude (par exemple, la réactivité de la mesure), ce qui rend l'interprétation des effets du traitement ambiguë. Tous ces éléments alertent sur le risque permanent (et souvent franchi) de tirer des inférences à un niveau plus général d'exemples spécifiques.
A l'issue du travail exigeant – et décapant - qu'ils ont réalisé Matt et Navarro en viennent à affirmer qu'une seule conclusion pourrait être véritablement tirée de ces 63 méta-analyses :
« l'effet psychothérapique est différent de 0 et est positif, mais il est difficile d'aller plus loin sur l'amplitude des effets ».

Devant ce constat assez accablant, quelles devraient être, selon eux, les directions futures de la recherche ?

Un des grands enjeux concerne l'étude de l'efficacité réelle (effectiveness studies) de la psychothérapie, telle qu'elle est prodiguée dans la pratique clinique quotidienne (c'est-à-dire dans les centres de soin communautaires et en pratique privée). Cela se situe en contraste avec l'efficacité de la psychothérapie étudiée dans des conditions scientifiques standards avec des populations ciblées (efficacy studies).
Il est également nécessaire d'avoir des rapports plus détaillés des études primaires. Un pas essentiel serait l'établissement d'un registre de recherche des études de résultats de la psychothérapie. La sophistication de la qualité des méta-analyses par la participation de méthodologistes expérimentés dans ce domaine est nécessaire.
Leur recommandation centrale reste celle de la prudence. La méta-analyse n'est pas la panacée de la synthèse des résultats de recherche. La méta-analyse parfaite donnant des réponses sans équivoque à des questions de recherche est aussi improbable qu'une recherche primaire parfaite.

En conclusion, nous avons présenté l'écart qui peut exister entre l'intention d'approcher la vérité et l'excellence dans le domaine de la recherche, telle qu'elle est proposée par l'EBM et la réalité, en ce qui concerne du moins les psychothérapies.

Certains penseront que ce constat condamne la démarche elle-même. D'autres, et je suis de ceux là, considèrent que la recherche sur les psychothérapies reste jeune et émergente, et que s'il faut condamner énergiquement les tentatives d'utilisation partiale de travaux qui restent encore très préliminaires, il est indispensable dans le même temps d'amplifier le mouvement actuel de développement et d'analyse critique des études, en prenant particulièrement en compte les recommandations qui émergent du bilan réalisé de ces premiers travaux.

* Psychiatre - Paris

Références

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Elkin I. THE NIMH Treatment of Depression Collaborative Research Program. Background and research plan. Arch. Gen. Psychiatry, 1985 ; 42 : 305-316.

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Guthrie E, Kapur N, Mackway-Jones K, Chew-Graham C, Moorey J, Mendel E, Marino-Francis F, Sanderson S, Turpin C, Boddy G, Tomenson B. Randomised controlled trial of brief psychological intervention after deliberate self poisoning. BMJ, 2001 ; 323 : 135-138.

Hoglend P, Bogwald K.P, Amlo S, Heyerkahl O, Sorbye O, Marble A, Sjaastad MC, Bentsen H. Assessment of change in dynamic psychotherapy. J. Psychother. Pract. Res., 2000 ; 9 : 190-199.

Holmes J. All you need is cognitive-behaviour therapy ? BMJ, 2002 ; 324 : 288-294.

Hinshelwood R D. Evidence-based psychoanalysis : symptoms or relationships (A comment on J Holmes, « All you need is CBT ? »), Psyche Matters, 2002.

Matt GE, Navarro AM. What meta-analyses have and have not taught us about psychotherapy effects: a review and future directions. Clin. Psychol. Rev.,1997 Vol 17, p : 1-32.

Meares R, Stevenson J, Comerford A. Psychotherapy with borderline patients : I. A comparison between treated and untreated cohorts. Aust. N. Z. J. Psychiatry,1999 ; 33 : 467-472.

Perron R. Reflections on psychoanalytic research problems – the french-speaking view. In An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis. 2000. Traduction française sur www.techniques-psychotherapiques.org

Sackett DL, Rosenberg WMC, Gray JAM, Haynes RB, Richardson WS. Evidence based medicine: what it is and what it isn't. BMJ, 1996 ; 312 : 71-2.

Sanderson W C. Why we need evidence-based psychotherapy practice guidelines. Medscape, 2002.

Shapiro DA, Shapiro D. Meta-analysis of comparative therapy outcome studies: a replication and refinement. Psychol. Bull.,1982 ; 92 : 581-604.

Thurin JM. A propos des conclusions tirées de la meta-analyse de Andrews et Harvey dans le chapitre 11 de l'expertise concernant la « supériorité significative des TCC par rapport aux psychothérapies verbales ». www.techniques-psychotherapiques.org, 2004.



Vient de paraître aux Editions John Libbey Eurotext

En vente en librairie ou sur le site internet de l'éditeur http://www.john-libbey-eurotext.fr/ ( 01 46 73 06 60)



Des liens bibliographiques utiles...

Depuis sa création Pour la recherche et Psydoc-France ont redoublé d'efforts pour faciliter l'accès aux données bibliographiques. L'ouverture aux études et à la pluralité des approches est une dimension essentielle du progrès individuel et professionnel. Plusieurs colloques ont eu lieu sur ce thème. La démarche de recherche à partir des bases de données a été remarquablement explicitée par C Polge dans le numéro 35 de décembre 2002 : http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR35/PLR35.html. Nous la complétons par quelques éléments spécifiques à l'EBM.

Avec http://www.update-software.com/cochrane/ il est possible d'accéder gratuitement aux résumés des revues bibliographiques. Par exemple, le terme "psychotherapy" ouvre sur 19 références qui concernent les interventions psychothérapiques en médecine.

Il est également possible d'accéder à une base concernant les évaluations économiques des différentes pratiques médicales estimées en terme d'analyses coût-bénéfice et coût-efficacité
http://www.york.ac.uk/inst/crd/nhsdhp.htm.

Il existe une édition française du journal Evidence-Based Medicine http://www.ebm-journal.presse.fr/.
L'accès aux textes intégraux est payant, mais il est possible d'accéder gratuitement à tous les sommaires des anciens numéros, ainsi qu'aux textes des éditoriaux, bloc-notes, lettres et commentaires. Enfin, il peut être intéressant d'utiliser les filtres de Medline concernant les ECR et les revues systématiques à l'adresse suivante :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov:80/entrez/query/static/clinical.html.
La recherche peut être focalisée sur la thérapeutique, le diagnostic, l'étiologie et le pronostic. Par exemple, une recherche avec "psychotherapy" donne 4812 réponses, elles ne sont plus que 51 avec « psychodynamic psychotherapy ».

Une sélection avec analyse de sites consacrés à l'EBM est accessible sur Psydoc-France (rubrique « site du jour » -> « sélection thématique...»).

Et une sélection de 9 glossaires des termes EBM...

Leur intérêt est double : d'une part, il permettent de se repérer dans le vocabulaire propre aux études ; d'autre part et surtout, leur lecture constitue une formidable introduction à la méthodologie.

3 Sélection de ressources EBM : http://www.ebm.lib.ulg.ac.be/prostate/link_ebm.htm
3 Glossary of EBM Terms : http://www.cebm.utoronto.ca/glossary/index.htm
3 Glossary Index : http://www.jr2.ox.ac.uk/bandolier/glossary.html
3 Evidence-Based Medicine Glossary : http://www.cebm.net/glossary.asp
3 Glossary of terms : http://www.ebem.org/definitions.html
3 EBM Glossary : http://calder.med.miami.edu/EBMGlossary.pdf
3 Glossary of terms : http://www.acpjc.org/shared/glossary.htm
3 Glossary of terms : http://www.sahealthinfo.org/evidence/glossary.htm
3 Evidence Based Medicine Glossary : http://www.musc.edu/dc/icrebm/glossary.html

Toutes ces adresses font l'objet d'une analyse sur
www.techniques-psychotherapiques. org

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Pour les sceptiques de l'EBM, David Isaacs et Dominic Fitzgerald, proposent avec humour, sept alternatives.


1. Eminence-based medicine. The more senior the colleague, the less importance he or she placed on the need for anything as mundane as evidence. Experience, it seems, is worth any amount of evidence. These colleagues have a touching faith in clinical experience, which has been defined as « making the same mistakes with increasing confidence over an impressive number of years ». The eminent physician's white hair and balding pate are called the "halo" effect.
(c'est le haut statut (éminence) du praticien qui est prépondérant par rapport au niveau de preuve).

2. Vehemence-based medicine. The substitution of volume for evidence is an effective technique for brow beating your more timorous colleagues and for convincing relatives of your ability.
(c'est la véhémence du praticien et son niveau sonore, qui l'emportent sur le niveau de preuve).

3. Eloquence-based medicine. The year round suntan, carnation in the button hole, silk tie, Armani suit, and tongue should all be equally smooth. Sartorial elegance and verbal eloquence are powerful substitutes for evidence.
(ce sont les qualités d'orateur et son charisme qui l'emporteraient sur le niveau de preuve).

4. Providence-based medicine. If the caring practitioner has no idea of what to do next, the decision may be best left in the hands of the Almighty. Too many clinicians, unfortunately, are unable to resist giving God a hand with the decision making.
(les preuves seront laissées à définir par Dieu. Malheureusement trop de praticiens auront du mal à lui passer la main).

5. Diffidence-based medicine. Some doctors see a problem and look for an answer. Others merely see a problem. The diffident doctor may do nothing from a sense of despair. This, of course, may be better than doing something merely because it hurts the doctor's pride to do nothing.
(certains médecins voient un problème et recherchent une réponse. D'autres voient simplement un problème. Le docteur timide peut ne rien faire par désespoir. Ceci, naturellement, peut être mieux que faire quelque chose de mauvais).

6. Nervousness-based medicine. Fear of litigation is a powerful stimulus to overinvestigation and overtreatment. In an atmosphere of litigation phobia, the only bad test is the test you didn't think of ordering.
(la crainte du litige est une stimulation pour ouvrir l'investigation et le traitement. Dans une atmosphère de nervosité phobique, le seul mauvais examen est celui que le praticien n'a pas pensé à demander).

7. Confidence-based medicine. This is restricted to surgeons (table).
(basé sur la confiance en soi, les auteurs laissent cette alternative aux seuls chirurgiens).

David Isaacs, Dominic Fitzgerald, Seven alternatives to evidence based medicine. BMJ 1999;319:1618-1618
Departments of Education and Medicine, New Children's Hospital, Westmead, NSW 2145, Australia



Dernière mise à jour : 30 juillet 2004 16:18:38

Monique Thurin




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