Pour la Recherche n° 46

Économie de la Santé en psychiatrie en 2005 : modèles et applications (2)

Editorial - Comité de rédaction
Évaluation économique de la psychothérapie, est-ce possible. K. Hansen
Psychothérapies courtes et pathologies lourdes.? Des économies qui coûtent cher ? X. Briffault
Coût efficacité de la psychothérapie psychodynamique pour les patients borderline. Résumé JM Thurin
Efficacité et coût-efficacité de la psychothérapie. résumé JM Thurin
L'impact économique de la psychothérapie
Le projet finlandais. Résumé M Thurin
Lombalgies, dépression et psychothérapie. Ph Nicot
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Comité de Rédaction et remerciements


Editorial - Comité de rédaction -

Au cours des 15 dernières années, la dimension économique est devenue de plus en plus importante dans l’évaluation des interventions thérapeutiques. La psychothérapie est souvent perçue comme un traitement coûteux pour les maladies mentales. Mais il existe de plus en plus de données concordantes pour démontrer qu’elle peut permettre une réduction des coûts, non seulement à partir d’une réduction directe de l’utilisation des services de santé à court et moyen terme, mais également par un retentissement indirect sur la réduction de la souffrance de l’entourage et l’amélioration de la productivité.

Les premières études ont porté essentiellement sur l’analyse des coûts directs (frais manifestes de traitement) dans des troubles isolés. Des approches plus complètes ont ensuite permis de développer des modèles d’analyse intégrant les coûts indirects (retentissement sur le travail et sur les familles) et les bénéfices gagnés (réduction de la fréquentation des services de santé, fonctionnement social, créativité), notamment pour les troubles complexes.

Un axe de recherche complémentaire des précédents concerne la relation entre coût et durée du traitement. Une première tendance des gestionnaires de santé outre Atlantique a été de réduire le nombre de séances de psychothérapie et la formation des praticiens tout en augmentant les paperasses administratives*. On s’aperçoit aujourd’hui que, hors indications précises, il n’existe guère de données pour affirmer que les traitements courts et focalisés sont efficaces et coût-efficaces à long terme, y compris sur des critères purement financiers. Au contraire, il existe des faisceaux de présomptions sérieuses et concordantes pour affirmer qu’un travail psychothérapique permettant une modification structurelle des modalités de fonctionnement de la personne est susceptible d’avoir des effets bénéfiques sur l’ensemble de la vie, et de diminuer les coûts induits par des pathologies psychologiques et/ou somatiques, y compris lourdes.

Le risque existe actuellement que les politiques publiques, en matière d’éducation, de recherche, de formation, de santé, d’aménagement des structures de soin, de protection sociale, d’intervention sociale… s’orientent exclusivement vers des technologies simples pour lesquelles il existe des preuves d’efficacité à court terme. Cette pensée à « courte vue » risque d’avoir des effets inattendus et très négatifs à plus long terme. Plusieurs exemples en sont donnés dans ce numéro, qui appellent à une réanalyse urgente des programmes de recherche et des politiques de santé publique en santé mentale, avant que des dégâts irréversibles ne soient causés au corpus de connaissances accumulé au cours des dernières décennies. Le risque est grand de le voir s’éteindre si rien n’est fait pour soutenir la recherche le concernant et son utilisation dans les dispositifs de soin n

Spiegel D (sous la direction de). Efficacy and cost-effectiveness of psychotherapy. Am Psychiatric Press 1999.


Évaluation économique de la psychothérapie,
est-ce possible ?

Karina Hansen

Lors du précédent numéro de Pour la recherche sur « l’économie de la santé et la psychiatrie », il a été évoqué que les gouvernements européens essaient de maîtriser et de limiter les dépenses de santé. À cette fin, ces autorités ont commencé à exiger que les soins soient alloués d’une façon efficiente. Les interventions psychothérapiques se trouvent donc confrontées à cette demande et, par ce biais, à celle d’une meilleure information sur les coûts associés ainsi que sur les données de coût-efficacité dans la prise en charge d’une maladie lambda.

On juge communément que les psychothérapies sont excessivement onéreuses. Les assurances maladies exercent une discrimination à l’égard de la psychothérapie comme traitement, de peur que cela creuse le trou de leurs caisses. C’est pour ces raisons que la recherche se penche aujourd’hui sur le coût-efficacité de la psychothérapie. Malgré la quantité de recherches sur l’efficacité de la psychothérapie, on observe une pauvreté alarmante d’études dans ce domaine particulier. Ce problème est particulièrement évident en l’absence d’études qui examinent les effets non-cliniques des traitements et d’autres domaines plus larges pour lesquels l’intervention peut avoir un impact. La mise en oeuvre de la recherche sur le coût-efficacité de la psychothérapie est donc importante pour assurer une bonne pratique clinique et élaborer une politique fondée sur des données et des preuves. Afin de pouvoir mener une bonne évaluation économique de la psychothérapie, il est nécessaire d’améliorer sa spécificité quant à la population concernée, mais aussi de définir pour quels problèmes la psychothérapie peut fournir le meilleur bénéfice. Il est également nécessaire d’identifier les variables, les mesures (de résultats) et les approches méthodologiques qui sont les plus appropriées pour générer ces données importantes et permettre la quantification complète des coûts et des effets de la psychothérapie.

Il existe aujourd’hui un certain nombre de zones d’ombre quant à l’évaluation de la psychothérapie, quelle qu’en soit la forme. Il y a, en effet, une incertitude liée au résultat de la prise en charge psychothérapeutique, car tous les patients ne réagissent pas de la même façon à une psychothérapie. De même, il y a une incertitude liée au mode de psychothérapie et à l’impact du psychothérapeute. Il existe également une pénurie de données sur l’effet à long terme des psychothérapies, de données individuelles ou comparatives des différentes thérapies. A ce stade de l’évaluation de la psychothérapie, il est donc nécessaire d’émettre des hypothèses et de faire des estimations vu que les données ne sont pas disponibles. Là où il y a de l’incertitude, les décideurs doivent faire des prévisions/estimations. Les méthodologies les plus appropriées - et expliquées dans le précédent numéro de Pour la recherche - sont les études longitudinales prospectives et la modélisation. L’intérêt de la modélisation par rapport aux études longitudinales prospectives, est que ces dernières demandent beaucoup de temps de planification, d’implémentation, de collecte et d’analyse des données. De ce fait, à court terme, les décideurs qui doivent faire des choix ne disposent pas des résultats d’études prospectives.

D’autres limites devraient aussi tempérer la « convoitise » dont ces études font l’objet. Ces études ne peuvent pas toujours garantir l’équivalence des deux groupes de comparaison. De même, la comparaison est souvent restreinte à une seule autre thérapie, qui ne sera pas forcément le standard le jour où les résultats seront disponibles. Il s’en suit que même si des réponses peuvent être apportées par ces études prospectives, il est fort probable qu’il y aura quand même un besoin de modélisation pour ajuster ou projeter les données afin de répondre aux questions économiques des décideurs politiques. La modélisation et les études observationnelles ne sont donc pas concurrentes mais complémentaires.

Un intérêt particulier de la modélisation dans l’évaluation économique de la psychothérapie est qu’elle permet de réunir plusieurs sources de données : les essais cliniques randomisés ou non, les études épidémiologiques, les données de la littérature, l’opinion d’experts… Cette méthodologie permet également de faire des comparaisons même lorsqu’il n’y a pas d’études en comparaison directe. De même, la modélisation permet de faire des prévisions à long terme, et surtout d’avoir plusieurs mesures de résultats. Des techniques telles que la modélisation peuvent ainsi être utilisées par les décideurs, en complément des études observationnelles, pour évaluer l’impact des différentes stratégies thérapeutiques sur les coûts et suivant les résultats coût-efficacité attendus.

Résumé de l’étude de Falloon et al. (1987)*

L’étude de Falloon et al. (1987) est une des études sur la psychothérapie en schizophrénie qui a mesuré le plus grand nombre de facteurs économiques. Cette étude a suivi 36 patients atteints de schizophrénie et leurs familles sur 2 ans. Ils étaient randomisés entre une thérapie familiale comportementale ou une psychothérapie individuelle orientée vers la résolution de problème. La fréquence pour chaque thérapie était de 25 séances d’une heure sur une période de 9 mois, initialement toutes les semaines et ensuite une fois par mois. Lors d’une évaluation plus fine à 9 mois, des séances mensuelles de maintien ont été associées jusqu’au 24ème mois. Trois thérapeutes, un psychiatre, un psychologue et une assistante sociale ont conduit ces séances. Dans l’échantillon, il y avait 2/3 d’hommes et l’âge moyen était de 26 ans (18 à 41). Les résultats de cette étude (tableau 1) ont montré des différences significatives en faveur de la thérapie familiale comportementale par rapport à la thérapie individuelle de résolution de problème.

Tableau 1 : Les résultats de l’étude Falloon et al. (1987)*

** En cas de crise, la famille était impliquée ; SAS-SR : Social Adjustment Scale-Self-Reported Questionnaire

Cette étude permet de conclure que la prise en charge familiale est associée à une morbidité sociale moindre chez les patients atteints de schizophrénie que la prise en charge individuelle de résolution de problème.

*Fallon IRH, McGill CW, Boyd JL & Pederson J (1985), Family management in the prevention of morbidity of schizophrenia: social outcome of a two-year longitudinal study, Psychol Med, 17: 59-66

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Psychothérapies courtes et pathologies lourdes. Des économies qui coûtent cher ?

Xavier Briffault

Berghmans et al. (2004) soulèvent une question importante : celle des normes et valeurs implicitement contenues dans les instruments de mesure de coût-efficacité. Leur argument est classique, mais fondamental : en fonction des indicateurs que nous choisissons d’utiliser, nous déterminons ce qu’il est bon de faire ou de ne pas faire pour « optimiser » les soins en fonction du tableau de bord qu’ils nous fournissent. Prétendre qu’il s’agit d’outils d’observation neutres et impartiaux est un leurre, et les auteurs demandent à ce que les travaux sur les analyses coût-efficacité, qui déterminent la rédaction des guides de bonne pratique, soit accompagnés d’une réflexion sociale et politique sur les objectifs de la médecine, et tout particulièrement en santé mentale.

Des analyses prospectives sur des modèles de décision semblent leur donner raison. Granata et Hillman (1998), par exemple, ont testé les décisions préconisées sur la base d’études coût-efficacité pour 6 interventions sur une population hypothétique de 100 000 patients. Dans près de 60% des cas, les préconisations maximisant le bénéfice collectif de la population différaient des préconisations maximisant les bénéfices individuels des patients, et le plus souvent les guides de pratique choisis pour maximiser le coût-efficacité des patients ne maximisent pas celui de la population !

Pour Berghmans et ses collègues, le choix des critères de mesure dépend essentiellement des visions, et visées, des écoles de pensée, comme l’illustre le débat toujours renouvelé portant sur la simple réduction symptomatique, visée par la psychiatrie biologique et les TCC, opposée à la recherche d’insight et aux transformations de fond des approches psychodynamiques. Ils rappellent le constat désormais bien connu que les études de coût-efficacité actuelles1 privilégient naturellement des observables symptomatiques de courte portée2. En conséquence, les traitements ne seront jugés « coût-efficaces » qu’en regard des observables limités choisis pour les évaluer.
Les observables plus complexes, ou qui demandent des observations plus longues, ne sont pas pris en compte, et les traitements qui s’en préoccupent, n’étant plus alors « empiriquement validés » auront une tendance mécanique à disparaître du champ du soin dans un système où les décisions de remboursement, par exemple, sont fondées sur les « meilleures preuves disponibles ».

Plutôt que de mener vers une plus grande « démocratie médicale », mettant un terme à « l’Eminence-Based Medecine », au profit d’un « empowerment » du patient, dont l’autonomie, la responsabilité et l’information dans la sélection des meilleurs soins serait accrues3, les auteurs mettent en garde contre le risque de voir le pouvoir basculer vers les compagnies d’assurance et les faiseurs de politiques publiques, sous couvert d’évaluation scientifique. Les effets délétères d’une telle évolution pour les patients eux-mêmes ne nécessitent pas d’être rappelés, mais cette évolution pourrait aussi se retourner contre ceux-là mêmes qui la mettent en place pour leur bénéfice propre, par les conséquences thérapeutiques négatives, à long terme, de choix réalisés sur la base d’études à court terme.

Burish (2000) apporte des éléments de réflexion intéressants en ce sens, en examinant le rôle des sciences psychosociales et du comportement dans la réduction de la morbidité et de la mortalité du cancer. Le désastre humain, mais également social, économique, financier… du cancer n’est plus à rappeler. Burish rappelle qu’aux Etats-Unis 1500 personnes  par jour en meurent, et qu’à terme, un américain sur quatre en mourra.

La recherche psychosociale et comportementale est peu soutenue car, complexe, elle dispose de peu de preuves empiriques. Pourtant, les techniques qu’elle peut développer sont susceptibles de jouer un rôle décisif dans la prévention et le soin du cancer, en proposant des stratégies efficaces pour permettre aux gens d’adopter des styles de vie plus sains, en améliorant l’observance des traitements, en diminuant leurs effets secondaires, en améliorant la qualité et la durée de vie des patients, en réduisant les troubles psychologiques associés (dépression, PTSD, angoisse, addiction…).

Thurin (2005) apporte des détails concrets sur les implications (psycho)thérapeutiques des connaissances contemporaines sur les mécanismes de cancérogénèse. Il existe en effet un puissant faisceau convergent de données sur le rôle potentiel du stress dans la promotion et la récurrence de certains cancers4.
Parmi les grands types de stress c’est le stress chronique qui semble le plus impliqué. Cependant, des travaux récents montrent également le rôle que peut avoir le système sympathique dans le développement cancéreux. Ces aspects donnent une base physiologique aux effets favorables de traitements psychosociaux sur leur pronostic (études de Spiegel sur le cancer du sein et de Fawzy sur le mélanome). D’autres études montrent l’impact du stress lié à l’annonce du traitement, aux inquiétudes pour l’entourage, et aux traitements chirurgicaux et chimiothérapiques, non seulement en termes de souffrance psychologique mais de répercussion sur les défenses immunitaires. A ces facteurs « aigus » s’ajoutent les facteurs psychologiques de fond, en particulier certaines composantes de personnalité et la dépression.

Pour ce qui concerne les variables psychologiques, Garssen (2002) souligne que sur 71 études sur le cancer, 75% ont montré une association entre ces variables et le résultat de la maladie, mais qu’aucun facteur n’a vraiment démontré une influence unique dans l’initiation ou la progression d’un cancer. Sur la base d’une ré-analyse très approfondie des études Garssen (2005) déduit que ce sont les interactions de plusieurs facteurs  qui sont fondamentales et qui devraient être étudiées.
En effet, comme cela a été démontré sur des pathologies plus simples (dermatologiques, gastro-entérologiques, infectieuses…), la convergence et même l’interaction entre facteurs somatiques et psychologiques contribuent à amener l’organisme au delà d’un seuil à partir duquel il entre dans le champ de la pathologie. On entre là dans le domaine de la complexité et des réaménagements en profondeur des modes de fonctionnement et de la relation à soi et au monde, du travail sur la singularité de la personne, apanage des psychothérapies « de fond » au long cours plutôt que des psychothérapies brèves symptomatiques. 

Or, ce sont précisément ces psychothérapies « de fond », qu’on peut considérer comme des éléments importants d’une politique de prévention primaire qui partout dans le monde, sont aujourd’hui visées par les programmes de réduction des coûts, au profit des traitements courts et ciblés. Au regard des données qui viennent d’être exposées, on peut légitimement s’interroger sur les conséquences à long terme d’une telle politique. Si la suppression du soutien financier direct (remboursement) et indirect (recherche et formation) aux psychothérapies « longues » se traduit à long terme par un développement accru de pathologies lourdes pour un pourcentage significatif de personnes qui auraient pu bénéficier de ces traitements psychothérapiques et n’en ont pas bénéficié en raison de leur disparition du champ de la thérapeutique, les effets adverses non seulement pour les patients, mais aussi pour les assureurs qui auraient mis en place ces politiques de « réduction des coûts » pourraient s’avérer catastrophiques. Le coût individuel d’un cancer, d’affections gastro-intestinales et plus généralement de pathologies à forte composante inflammatoire pour lesquelles le rôle des facteurs psychologiques a été démontré et qui sont très fréquemment associées à des troubles psychiques importants et durables est en effet sans commune mesure avec celui d’une psychothérapie, même longue.

Le problème est que nous ne disposons aujourd’hui que d’intuitions, fortement étayées par de nombreux résultats convergents certes, mais d’intuitions tout de même, pour soutenir ce raisonnement. Le besoin d’études épidémiologiques et cliniques analysant les effets à long terme d’un travail de psychothérapie approfondi est criant. Ce travail est indispensable pour savoir si oui ou non, la psychothérapie a vraiment des effets sur la santé. Il n’est pas aussi difficile à mettre en place qu’on pourrait le penser. Des études rétrospectives sont par exemple possibles sur des populations faciles d’accès, qui fourniraient des éléments pour mettre en place des études prospectives plus approfondies.

Références

1. Le plus souvent à base d’ECR sur des traitements courts -10 à 20 séances- de pathologies simples sans comorbidités ni troubles de la personnalité sur des patients de soins secondaires ou tertiaires non représentatifs de la population clinique primaire.

2. Par exemple l’échelle de Hamilton, plutôt que celle de Hoglend pour évaluer les résultats.

3. « Empowerment » des patients dont Berghans et ses collègues considèrent qu’il pourrait être à la fois plus efficace et plus coût-efficace que l’application systématique et sans discernement de résultats d’évaluations économiques.

4. Diminution de l’efficacité du système immunitaire, réduction de l’activité des cellules NK, inhibition des défenses corporelles de destruction d’agents chimiques carcinogènes, perturbation de l’apoptose et accumulation d’erreurs dans le génôme cellulaire, réduction de l’immunité à médiation cellulaire

 

Bibliographie

Berghmans R, Berg M, Van den Burg M, Der Meulen R. Ethical issues of cost effectiveness analysis and guideline setting in mental health care, J Med Ethics, 2004 30: 146-150.
http://jme.bmjjournals.com/cgi/reprint/30/2/14

Burish, Thomas G. The Role of Behavioral and Psychosocial Science in Reducing Cancer Morbidity and Mortality, Oncologist, 2000 5: 263-266. http://theoncologist.alphamedpress.org/cgi/content/full/5/3/263

Garssen B. Psycho-oncology and cancer : linking psychosocial factors with cancer development. European Society for Medical oncology  2002.

Granata AV, Hillman AL.Competing Practice Guidelines: Using Cost-Effectiveness Analysis To Make Optimal Decisions, Ann Intern Med 1998; 56-63.
http://www.annals.org/cgi/content/full/128/1/56

Thurin J.M. Stress, immunité, cancer… un enchaînement si simple ?, XIIème congrès de la société française de psycho-oncologie, Lille, 1-2 décembre 2005.

 

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Coût efficacité de la psychothérapie psychodynamique pour les patients borderline

Résumé JM Thurin

Vouloir mesurer l’efficacité d’un traitement psychothérapique chez les patients borderline soulève déjà en soi des difficultés considérables [Gabbard, 1999] : leur prise en charge implique de nombreuses interventions allant de l’hospitalisation à la psychothérapie individuelle. Concevoir un groupe contrôle pour des patients dont le traitement va durer de nombreuses années est pratiquement impossible, les patients sont instables et leur fidélité au traitement risque de ne pas être suffisamment longue pour que l’effet de l’intervention puisse être mesurée. Malgré tous ces obstacles un certain nombre de cliniciens chercheurs sont parvenus à réaliser des études d’efficacité de grande qualité, incluant même des analyses comparatives de coût, portant sur des psychothérapies psychanalytiques.

Waldinger et Gunderson (1987) ont été les premiers à étudier les évolutions de 5 patients borderline traités sur une période d’environ 5 ans. Celles-ci concernaient l’angoisse d’abandon qui avait disparu, leur capacité de former des relations stables, la réduction de leur impulsivité et leur capacité d’exprimer un large éventail d’affects.

Stevenson et Meares (1992) ont réalisé une étude à partir de 30 patients qui constituaient leur propre contrôle. Cette étude est décrite en détail dans l’expertise collective (pp 137-139) et nous y renvoyons. Insistons sur le fait que les réductions symptomatiques observées les plus fréquentes concernaient l’impulsivité, les toxicomanies, l’instabilité affective, la colère et le comportement suicidaire. Un autre changement a été une réduction marquée et statistiquement significative du temps passé en dehors du travail durant les 12 mois après la thérapie (1,37 mois par an) par rapport aux 12 mois précédant la thérapie (4, 47 mois par an). Ce groupe a également fait la démonstration d’une amélioration significative dans d’autres mesures : 1) le nombre des visites médicales s’est réduit de 14%, 2) le nombre d’épisodes d’auto-mutilation s’est réduit d’un quart, 3) le nombre de journées d’hospitalisation a diminué de 59% et 4) Le temps d’hospitalisation complète a chuté de 50%.
D’autres études ont suivi, parmi lesquelles celles de Monsen et al (1995), celle de Meares et al (1999), celle « focalisée sur le transfert » de Clarkin  et al (2001)  et celle de Bateman et Fonagy (1999-2001) dont la troisième étape a porté sur l’évaluation des coûts de santé associés à un traitement d’orientation psychanalytique en hospitalisation partielle comparée à ceux d’un groupe traité de façon habituelle.

Les coûts ont été comparés 6 mois avant traitement, pendant les 18 mois de traitement et durant les 18 mois de la période de suivi.
Trois catégories de coûts ont été prises en compte : 1) le soin psychiatrique, qui incluait le coût total d’hospitalisation, le traitement ambulatoire et le traitement en service d’hospitalisation partielle ; 2) le coût du traitement pharmacologiques et 3) les coûts d’hôpital général liés à des interventions dans des salles d’urgence.

Durant le traitement, les deux groupes qui étaient similaires en terme de coûts relatifs à la santé avant le traitement ont suscité des coûts comparables. Les coûts plus élevés du traitement hospitalier partiel ont été compensés par les coûts plus faibles des soins intra-hospitaliers, des médicaments ou des traitements en salles d’urgence. Les tests ont montré que les coûts annuels estimés étaient significativement plus bas pour les groupes d’hospitalisation partielle et de soin psychiatrique général comparés aux 6 mois précédant le traitement. Le coût concernant les médicaments et les urgences ne s’est réduit de façon significative que dans le groupe d’hospitalisation partielle.
Après la sortie, les coûts ont divergé de façon importante. Le coût annuel moyen de soin par le groupe d’hospitalisation partielle a représenté le cinquième de celui du groupe de soin psychiatrique et cela s’est répercuté dans tous les domaines. Cette étude montre que des économies considérables ont été faites avec un traitement hospitalier partiel spécialisé pour les patients borderline par rapport aux soins habituels.

Le résumé de ces études et leurs références bibliographiques peuvent être consultés dans le chapitre de l’expertise collective :
Psychothérapie : trois approches évaluées. (Inserm 2004) et sur
www.techniques-psychotherapiques.org/documentation/expertisecollective/

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Efficacité et coût-efficacité de la psychothérapie*

Résumé par JM Thurin

* Glen O Gabbard et Susan G Lazar ont préparé un rapport sur cette question pour la Commission sur la psychothérapie par les psychiatres de l’APA. Leurs conclusions renvoient à une série d’études dont chacune mériterait une présentation. http://www.psych.org/psych_pract/ispe_efficacy.cfm

La Psychothérapie marche

- A la fin de la psychothérapie, le patient traité moyen va mieux que 80% des patients non traités [1]. 

- L’importance de l’effet de la psychothérapie est équivalente à celle du niveau qui justifie l’interruption des essais cliniques parce qu’il ne serait pas éthique de priver les patients d’un traitement aussi efficace [2].

- La thérapie familiale réduit le taux de rechute chez les patients présentant une schizophrénie à un niveau équivalent (50%) à celui d’un médicament antipsychotique [3].

- Pour les enfants présentant des troubles anxieux et dépressifs et pour ceux qui présentent des pathologies graves ou multiples, le traitement psychanalytique intensif à 4-5 fois par semaine est plus efficace qu’une thérapie à 1-3 fois par semaine, et la durée du traitement est corrélée positivement avec de meilleurs résultats  [4,5].

- Une étude du Consumer reports portant sur 2900 abonnés qui ont fait une psychothérapie émanant de professionnels de la santé mentale a montré qu’une durée plus longue du traitement a été associée à de meilleurs résultats, et que les plus mauvais résultats ont été liés à des plans d’assurance ou de managed care qui ont artificiellement limité la fréquence et la longueur de la psychothérapie [6].

- Les résultats du programme de recherche du NIMH sur le traitement de la dépression ont prouvé que les traitements brefs étaient insatisfaisants pour la plupart des patients. En particulier, les patients handicapés pour le travail et perfectionnistes ont besoin d’une durée plus longue de psychothérapie pour se rétablir [7,8,9].

- Les patients présentant un cancer du sein avec métastases et un mélanome malin ont statistiquement des améliorations significatives dans la survie et la morbidité une fois traités avec la thérapie de groupe [10,11].

- La thérapie psychodynamique des patients dépendants aux opiacés sous  méthadone leur permet de maintenir leurs gains au suivi de six mois en comparaison au conseil standard sur la drogue [12].

La psychothérapie est génératrice d’économie

- Une revue de la littérature de langue anglaise entre 1984 et 1994 a trouvé que dans 88% des études, la psychothérapie contribue à réduire les coûts quand elle est utilisée pour des patients présentant des troubles psychiatriques graves et une addiction sévère en réduisant les hospitalisations, les dépenses médicales, et l’incapacité de travail [13].

- La psychothérapie bi-hebdomadaire sur une période de douze mois est fortement rentable avec des patients présentant un trouble de la personnalité borderline parce qu’elle réduit l’utilisation des services d’hospitalisation psychiatrique, le soin en urgence, et les rendez-vous avec d’autres spécialistes médicaux. Le rendement au travail est également amélioré. Les économies ont été évaluées à $10.000 par patient par an [13,14,15].

- Comparant le système de soin en santé mentale  de l’Australie avec sa couverture illimitée de la psychothérapie, y compris de la psychanalyse, à la couverture limitée de la psychothérapie en Nouvelle Zélande, le coût du soin psychiatrique par habitant en Nouvelle Zélande est 44% plus élevé en raison d’une plus grande utilisation de l’hospitalisation psychiatrique [16].

- L’étendue de la couverture de la psychothérapie (accompagnée d’une revue de son utilisation) pour les militaires à charge aux États-Unis par CHAMPUS a eu comme conséquence une économie nette de $200 millions sur 3 ans par des réductions de l’hospitalisation psychiatrique. Pour chaque $1 dépensé pour la psychothérapie, $4 ont été sauvés [17].

- Une étude allemande récente de 666 patients en psychothérapie dynamique et psychanalytique a constaté que le traitement avait diminué les visites médicales d’un tiers, réduit les jours de travail perdus des deux-cinquièmes, et des jours d’hôpital des deux-tiers. Les résultats avec succès ont été liés à une plus longue durée du traitement [18].

La psychothérapie n’est pas utilisée à tort et à travers

- Même lorsque le soin psychiatrique est libre, ce n’est que 4.3% de la population qui utilise la psychothérapie ambulatoire, et la longueur moyenne du traitement est 11 séances [19].

- Les études ont documenté le fait que des co-paiements plus élevés pour la thérapie de patient étaient fréquemment hors d’atteinte de ceux qui sont dans le plus grand besoin [20, 21].

Références

1. Lambert MJ et Bergin AE. The effectiveness of psychotherapy. In Handbook of Psychotherapy & Behavior Change (4th ed.). Bergin A & Garfield S (eds). New York: John Wiley & Sons, 1994, pp. 141-150.

2. Ursano R et Silberman EK. Psychoanalysis, psychoanalytic psychotherapy, and supportive psychotherapy. In The American Psychiatric Press Textbook of Psychiatry (2nd ed.). Hales E, Yudofsky SC, Talbott J (eds). Washington, DC: American Psychiatric Press, 1994.

3. Hogarty GE et al. The environmental-Personal Indicators in the Course of Schizophrenia (EPICS) Research Group: Family psychoeducation, social skills training, and maintenance chemotherapy in the aftercare treatment of schizophrenia. II: two-year effects of a controlled study on relapse and adjustment. Arch Gen Psychiatry, 48:340-347, 1991.

4. Fonagy P et Target M. Predictors of outcome in child psychoanalysis: a retrospective study of 763 cases at the Anna Freud Centre. J Am Psychoanal Assoc, 44:27-77, 1996.

5. Target M et Fonagy P. Efficacy of psychoanalysis for children with emotional disorders. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry, 33:1134-1144, 1994.

6. Consumer Reports. Mental Health: Does therapy help ? November 1995, pp. 734-739.

7. Blatt S et al. Impact of perfectionism and need for approval on the brief treatment of depression: the National Institute of Mental Health Treatment of Depression Collaborative Research Program revisited. J Consult Clin Psychol, 63:125-132, 1995.

8. Elkin I. The NIMH Treatment of Depression Collaborative Research Program: where we began and where we are. In, Handbook of Psychotherapy & Behavior Change (4th ed.). Bergin A & Garfield S (eds). New York: John Wiley & Sons, 1994.

9. Mintz J et al. Treatment of depression and the functional capacity to work. Arch Gen Psychiatry, 49:761-768, 1992.

10. Spiegel D et al. Effective psychosocial treatment on survival of patients with metastatic breast cancer. Lancet. 2:888-891, 1989.

11. Fawzy F et al. Malignant melanoma effects of an early structured psychiatric intervention: coping and affective state on recurrence and survival 6 years later. Arch Gen Psychiatry, 50:681-689, 1993.

12. Woody GE et al. Psychotherapy in community methadone programs: a validation study. Amer J Psychiatry, 152:130-1308, 1995.

13. Gabbard G et al. The economic impact of psychotherapy: a review, Am J Psychiatry, 154:147-155, 1997.

14. Linehan M et al. A cognitive-behavioral treatment of chronically parasuicidal borderline patients. Arch Gen Psychiatry, 48:1060-1064, 1991.

15. Stevenson J & Meares R. An outcome study of psychotherapy for patients with borderline personality disorder. Am J Psychiatry, 149:358-362, 1992.

16. Andrews G. Private and public psychiatry: a comparison of two health care systems. Am J Psychiatry, 146:881-886, 1989.

17. Zients A. Presentation to the Mental Health Work Group, White House Task Force for National Health Care Reform, April 23, 1993.

18. Dossman R et al. The long-term benefits of intensive psychotherapy: a view from Germany, in S Lazar (ed) Psychoanalytic Inquiry Supplement, Intensive dynamic psychotherapy: making the case in an era of managed care, pp. 74-86, 1997.

19. Manning WG Jr et al. How cost sharing affects the use of ambulatory mental health services. JAMA, 256:1930-1934, 1986.

20. Landerman L et al. The relationship between insurance coverage and psychiatric disorder in predicting use of mental health services. Am J Psychiatry, 151:1785-1790, 1994.

21. Simon G et al. Impact of visit co-payments on outpatient mental health utilization by members of a health maintenance organization. Am J Psychiatry, 153:331-338, 1996.

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L'impact économique de la psychothérapie : une revue de Gabbard et al

Karina Hansen

Gabbard et al. (1997)1 ont passé en revue des données incluant l’impact de la psychothérapie sur le traitement des troubles psychiatriques tels que les troubles affectifs, la schizophrénie, les troubles de la personnalité, l’anxiété et la toxicomanie, sur les coûts des soins de santé. Les auteurs ont mené une recherche MEDLINE pour identifier les études publiées entre 1984 et 1996 ; ils ont identifié 686 articles sur la psychothérapie. Cependant seuls 41 articles portant sur 35 études concernaient la psychothérapie en incluant des mesures de résultats ayant des implications économiques. Pour être inclues dans la revue, les études devaient ensuite avoir i) un groupe de comparaison, ii) la maladie principale étudiée devait être une maladie psychiatrique, et iii) les résultats devaient inclure des données économiques permettant de déduire des coûts. Parmi les 35 études, seules 18 études répondaient à tous ces critères d’inclusion.

Les études inclues dans la revue étaient soit randomisées (10 essais cliniques) soit non-randomisées (8 essais cliniques). Pour les essais randomisés, c’est seulement pour les troubles affectifs que l’impact économique est faible. Pour tous les autres troubles un impact économique parfois statistiquement significatif était observé dans les études.

Par contre, lorsque les essais non-randomisés sont étudiés, la psychothérapie engendre des économies de coûts même dans le traitement des troubles de l’humeur.

Lorsque les auteurs considèrent les deux types d’essais, ils concluent que 88,9% des études appropriées au sujet étudié démontre un avantage économique de la psychothérapie. L’impact le plus fort de la psychothérapie se situe au niveau de la réduction du temps d’hospitalisation et sur l’incapacité de travailler.

Gabbard et al (1997) ont cependant voulu attirer l’attention sur les limites de ces études. Ces études qui ont été passées en revue, utilisent généralement des petits groupes de sujets. Aussi, le rapport de coût n’a souvent pas été étudié. Les études qui ont fourni une analyse coût-avantage sont peu nombreuses et en outre elles comportent des inexactitudes dans les calculs des charges par rapport aux coûts. Les coûts et l’utilisation n’étant pas des objectifs principaux dans la plupart de ces études, certains coûts principaux n’ont pas été évalués. Cependant, l’objectif principal de ces études n’était pas le calcul d’un rapport coût-efficacité et dans certaines d’entre elles, les résultats n’étaient pas assortis de mesures statistiques. Les auteurs font également noter que peu d’études présentent des résultats négatifs de ces thérapies, ce qui relève probablement d’un biais de publication.

Cette revue a démontré l’effet économique de la psychothérapie, par la mesure de l’impact sur les symptômes, amélioration de l’estime de soi et de sa prise en charge, mais aussi du soutien social, induisant ainsi au réduction du coût du traitement et l’amélioration du fonctionnement économique du patient.

Addendum

Lors de ma thèse sur la « Modélisation économique de la prise en charge globale de la schizophrénie en France, Allemagne et Grande Bretagne », j’ai réalisé une mise à jour de la revue faite par Gabbard et al. (1997), mais exclusivement sur l’impact de la psychothérapie en schizophrénie.

Lors de cette mise à jour, la recherche MEDLINE de la littérature de 1985 à 2003, n’a découvert que onze nouvelles études publiées depuis la revue de Gabbard et al. sur l’impact de la psychothérapie dans la prise en charge de la schizophrénie. On peut ainsi constater que malgré la demande accrue d’évaluation économique sur la psychothérapie, les mesures de coût-efficacité n’ont pas été systématiquement incorporées dans les nouvelles études sur la psychothérapie. Cela pourtant permettrait de pouvoir identifier pour quels sous-groupes de patients, la meilleure utilisation du temps, de l’énergie et des fonds monétaires est justifiée (K. H.)

Référence

1. Gabbard GO, Lazar SG, Hornberger J, & Spiegel D. The Economic Impact of Psychotherapy: A Review, Am J Psychiatry, 1997, 154(2): 147-155

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Coût efficacité de la psychothérapie : le projet finlandais

Résumé par Monique Thurin

Une équipe de recherche d’Helsinki présente un plan de recherche dont le but est l’évaluation coût-efficacité de différents type de psychothérapies. Ce projet a débuté dans les années 1980, alors qu’une nouvelle législation concernant la prise en charge des psychothérapies est entrée en vigueur en Finlande.

Le projet de recherche s’est orienté vers quatre méthodes de psychothérapie fréquemment utilisées en Finlande : la psychanalyse, la psychothérapie psychodynamique à long terme, la psychothérapie psychodynamique à court terme et la psychothérapie orientée vers la résolution de problème. La comparaison des résultats se fera autour de trois point de vue différents  : psychiatrie clinique, psychologie et sociale.

Un groupe de patients (n=330) déprimés ou anxieux sont randomisés dans les trois types de thérapie, la psychothérapie psychodynamique à long terme, la psychothérapie psychodynamique à court terme et la psychothérapie orientée vers la résolution de problème. Les patients en psychanalyse, ont été exclus de la randomisation mais restent intégrés dans l’étude.

Description des psychothérapies par les auteurs :

La psychothérapie orientée vers la résolution de problème est une psychothérapie à court terme. Le nombre de séances se situe  entre 5 et 12, programmées habituellement dans un semestre. Le but de cette thérapie est de faire prendre conscience aux patients de leurs ressources et de les encourager à les utiliser aussi efficacement que possible afin de trouver des solutions pratiques aux problèmes. Le but est donc de trouver des outils pour la résolution des problèmes plutôt que d’explorer les facteurs psychologiques sous-tendant ces problèmes. 95/330 patients ont suivi cette thérapie.

La psychothérapie psychodynamique brève se déroule sur 20 séances (une par semaine) sur une période de 6 mois. Le but de cette psychothérapie est de concentrer le patient de façon intensive sur un conflit spécifique sous-tendant les symptômes. Le but est limité et se concentre seulement sur un problème spécifique. 95/330 patients ont suivi cette thérapie.

La psychothérapie psychodynamique à long terme se déroule suivant 2 ou 3 séances par semaine sur une durée moyenne de 3 ans. Cette méthode de thérapie est basée sur la théorie psychanalytique et vise à changer la personnalité du patient, à améliorer l’estime de soi bien que de manière plus limitée que dans une psychanalyse. 100/330 patients ont suivi cette thérapie

Dans la psychanalyse, le but n’est pas de soulager les symptômes du patient aussi rapidement que possible mais de commencer plutôt un nouveau développement, qui aide le patient à atteindre un changement permanent ce qui facilitera l’accomplissement d’un meilleur équilibre mental. 40/330 patients ont suivi cette thérapie.

Les thérapeutes devaient avoir une expérience d’au moins deux années avec le type de thérapies choisi. Ils ont travaillé sans manuel.

Les patients âgés de 20 à 45 ans entraient dans le protocole suivant un diagnostic de dépression ou d’anxiété, ils ont été recrutés à la suite de leur demande d’aide dans le secteur de santé mentale d’Helsinki. Les facteurs d’exclusion ont été : les désordres psychotiques, les désordres graves de caractère, l’abus de substance, la maladie somatique grave de cerveau, le retardement mental.

Les mesures de résultats ont été traitées suivant différents axes :

Symptômes : Hamilton Depression Rating Scale (HDS) (Hamilton 1960, Williams 1988) ; Hamilton Anxiety Rating Scale (HARS-G) (Hamilton 1959, Bruss et al 1994) ; Symptoms Check List (SCL-90) (Degoratis et al 1973) ; Beck Depression Inventory (BDI) (Beck et al 1961) ; Scale for Suicidal Ideation (SSI) (Beck et al 1979)

Diagnostic psychiatrique : DSM-IV (American Psychiatric Association 1994)

Psychologie : Quality of Object Relations Rating Scale (QRS) (Azim et al 1991) ; Defence Style Questionnaire (DSQ) (Bond et al 1983, 1986) ; Structural Aspects of Social Behaviour (SAS Bintroject) (Benjamin 1996) ; Rorschach Inkblot Technique (Comprehensive System) (Exner 1993, Rorschach 1921)

Social : Global Assessment Functioning Scale (GAF) (American Psychiatric Association 1994) : Social Adjustment Scale (SAS) (Paykel et al 1971) ; Inventory of Interpersonal Problems (IIP) (Horowitz 1988) ; Life Situation Survey (Chubon 1987) ; Perceived Competence (Wallston 1990) ; Sense of Coherence Scale (SOC) (Antonovsky 1987) ; Assessment of working capacity (HPS).

Un élément important de l’intérêt de ce protocole est qu’il  a tenté de cerner le coût direct du traitement mais également les coûts indirects liés à la maladie pour laquelle le traitement est engagé. En effet, le patient peut utiliser des traitements annexes pour différentes raisons.
Ici, les coûts directs incluent la valeur économique de services et d’autres ressources qui sont consommés dans le processus de traitement. Les coûts indirects sont des coûts qui sont supportés par la conséquence de la maladie : l’incapacité liée à la maladie mais aussi aux traitements qui peuvent empêcher la personne de travailler. La valeur de ces coûts indirects est déterminée sur la  base des pertes de production qui ont lieu en raison des incapacités pour fonctionner.

La mesure des coûts indirects est un domaine méthodologiquement contesté car  dans cette évaluation il y a habituellement beaucoup plus d’incertitude que dans l’évaluation des coûts directs. C’est une des raisons pour laquelle, les coûts indirects sont souvent totalement négligés dans beaucoup d’études d’évaluation économiques.

Cette étude a considéré comme très pertinent de se préoccuper des coûts indirects car ces derniers peuvent devenir très significatifs en regard du type de thérapie choisi.
Les coûts sont évalués sur une période de suivi de 5 ans.

En 2004 est paru un rapport sur les premiers résultats de cette étude. Il indique que les mesures de résultats ont été évaluées jusqu’à 9 fois pendant un suivi de cinq ans. Les patients en psychothérapie psychodynamique brève et en thérapie orientée vers la résolution de problème ont montré une nette amélioration des états dépressifs et des symptômes anxieux pendant la première année du suivi, tandis que les capacités de travail, le fonctionnement de la personne et le fonctionnement social n’ont été que légèrement améliorés. Le résultat n’a pas différé entre les 2 formes de thérapie ; les deux types sont aussi efficaces dans le traitement des troubles dépressifs et anxieux, mais pour la majorité des patients ils ne sont pas suffisants pour produire la guérison. De plus longs suivis sont nécessaires pour évaluer la durée des effets de traitement dans les 2 groupes.
Le HPS est l’une des plus grandes études cliniques sur l’effet de la psychothérapie dans le traitement des troubles dépressifs et anxieux. Nous espérons des résultats complémentaires de cette étude dans les prochains mois.

Timo Maljanen, Päivi Paltta et Markku Kaipainen. The Cost-Effectiveness of Psychotherapy, 2000

http://www.nek.lu.se/ryde/luche99/Papers/Maljanen.pdf

http://www.kela.fi/in/internet/julkaisu.nsf/WWWPubAll/EK130504095239?opendocument

http://www.kela.fi/in/internet/english.nsf/NET/190504124853PB?OpenDocument


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Lombalgie, dépression et psychothérapie. Une analyse médico-économique est-elle possible et utile ?

Philippe Nicot (médecin généraliste)


Les lombalgies, et leur chronicisation, sont un problème de santé publique majeur et sont à l’origine de dépenses de santé considérables4. Elles affectent en majorité des adultes ayant un travail manuel, en milieu ou fin d’activités. La principale complication est la chronicisation, avec la non reprise d’un travail. Les principaux facteurs de chronicisation sont environnementaux (notamment insatisfaction au travail, précarité et insatisfaction sociale professionnelle et familiale5).

Les lombalgies chroniques (LC) entretiennent avec la dépression, des liens complexes. Souvent, les LC sont considérés comme des dépressions masquées, mais les troubles de l’humeur observés ne sont pas toujours liés à une dépression. On note d’ailleurs, dans quelques études de qualité assez faible1,5, que les anti-dépresseurs (AD ) seraient moins efficaces dans la dépression du lombalgique. Il s’agit peut-être d’une entité particulière.

A ce jour, il semble en fait que la médecine soit inefficiente à régler le problème et Fouquet et coll5 proposent d’ailleurs de le démédicaliser, en diminuant en particulier le recours aux AD et en améliorant la prise en charge psycho-socio-professionnelle. En agissant sur l’estime de soi, la réassurance et en abaissant les cognitions de catastrophisme, les TCC ont par exemple montré à plusieurs reprises leur efficacité sur la douleur des LC1. Mais le difficile problème de la reprise du travail et du risque de désocialisation ne sont pas surmontés. Une étude de Loisel6 menée au Québec semble montrer que réalisée sur le lieu de travail l’intervention de réhabilitation est coût-efficace sur le critère de jugement de l’arrêt de travail, mais une récente revue systématique de la littérature7 a des conclusions mitigées : l’étude coût-efficacité est actuellement impossible (hétérogénéité des interventions et la qualité insuffisante des études d’évaluation économique).

Aujourd’hui, c’est l’intervention préventive qui est préconisée2,3. Le rapport de la DGS de Mars 20034, se fixait comme objectif dans un délai de 5 ans, la réduction de 20% en population générale de la fréquence des lombalgies entraînant une limitation de l’activité professionnelle, et la réduction de 20% de la fréquence des LC. L’identification précoce des patients à risques de chronicisation des lombalgies est possible par exemple grâce à l’indice de Valat8. Une étude menée en Haute-Vienne (Nicot A. Cette étude en cours de publication, est référencée dans l’étude sur les arrêts maladies publiée par l’ANAES2) décrit la situation qui s’installe fréquemment dans laquelle patient, médecin traitant et médecin conseil sont d’accord pour la prolongation de l’arrêt maladie du fait de la douleur, alors que les médecins (traitants et conseils) savent que la douleur ne guérira pas. Il est tenté alors de rompre ce cercle et de favoriser le retour précoce au travail, en permettant aux médecins (traitants, conseils et du travail) de valoriser la reprise du travail malgré la douleur. Une intervention pourrait associer précocement le médecin du travail jouant alors un rôle de facilitateur auprès de l’entreprise. Cette approche devrait bénéficier d’une étude scientifique.

Références

1. Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. ANAES. Recommandations de pratiques cliniques. 2000 http://www.has-sante.fr/anaes/Publications.nsf/nPDFFile/RE_LILF-4Y9HJZ/$File/lombalgie_dec2000_recos.pdf?OpenElement

2. Arrêts maladie :  Etat des lieux et propositions pour l’amélioration des pratiques. ANAES. Septembre 2004. http://www.anaes.fr/anaes/anaesparametrage.nsf/Page?ReadForm&Section=/anaes/SiteWeb.nsf/wRubriquesID/APEH-3YTFUH?OpenDocument&Defaut=y&

3. Lombalgies en milieu professionnel : quels facteurs de risque et quelle prévention ? Expertise collective INSERM 2000
http://www.inserm.fr/fr/home.html

4. http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/losp/61lombalgie.pdf

5. Fouquet B, Lasfargues G, Roquelaure Y, Herisson C. Santé mentale, appareil locomoteur et pathologies professionnelles. Masson. Mars 2005.

6. Loisel P et coll. Cost-benefit and cost-effectiveness analysis of a disability prevention model for back pain management: a six year follow up study. Occup Environ Med, 2002, 59 (12) : 807-15.
http://oem.bmjjournals.com/cgi/content/abstract/59/12/807

7. Van der Roer N et coll.  What is the most cost-effective treatment for patients with low back pain? A systematic review. Best Pract Res Clin Rheumatol. 2005 Aug ;19 (4):671-84.

8. Valat J-P et coll. Indice prédictif de l’évolution chronique des lombalgies aiguës. Elaboration par l’étude d’une cohorte de 2 487 patients. Rev. Rhum.[Ed. Fr.], 2000; 67:528-35.
Références

 



Dernière mise à jour : 24 aôut 2006 16:18:38

Monique Thurin




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