Ouverture des Journées

Nicole HORASSIUS-JARRIE
Présidente FFP

  • La FFP est née il y a 6 ans, d’une rencontre heureuse entre Monsieur le Professeur GLOWINSKI et notre collègue Simon Daniel KIPMAN. Depuis lors cette étroite et fructueuse collaboration entre L’INSERM et la Fédération s’est maintenue, elle s’est même enrichie grâce à la volonté et aux actions soutenues de quelques hommes et je souhaite rendre un hommage tout particulier à M KORDON et à J-M THURIN qui en sont les inlassables artisans.

    Aujourd’hui 5ème rencontre du comité interface avec deux thèmes, la presse scientifique en psychiatrie et la recherche clinique, thèmes différents en apparence mais qui entretiennent entre eux des interrelations assez étroites.

  • La presse scientifique en psychiatrie :

    Peu de disciplines disposent d’un aussi grand nombre de revues que la psychiatrie. (on en compterait en France autour de 55). Certains pensent que cette multiplicité est garante d’une richesse de la pensée d’autres esprits, plus chagrins, y décèlent une certaine dispersion mais, à leur façon, toutes ces publications témoignent de l’histoire de la psychiatrie française. Certaines sont très anciennes (les annales Médico Psychologique par exemple sont un héritage de la fin du XIXème siècle puis un peu plus tard, dans les années trente, Henri EY a crée l’Evolution psychiatrique). Par la suite d’autres sont venues au monde à partir d’organisations syndicales soucieuses de nourrir leur action d’une élaboration réflexive, (la plus ancienne est sans doute l’Information Psychiatrique créée en 1945. Ensuite, on le sait les syndicats se sont multiplié (on en compte 6 à sept actuellement) et leurs revues ont fait de même. D’autres publications enfin se sont spécialisées dans certains approches thérapeutiques ou dans certains thèmes comme l’alcoolisme, la psychiatrie infantile la géronto psychiatrie etc.. Plus récemment enfin nous avons vu apparaître des revues, nées à l’initiative des laboratoires de pharmacologie qui en financent la parution en totalité.

    Si l’on excepte cette dernière catégorie toutes les autres ont quelques difficultés à trouver leur équilibre financier et beaucoup (hélas) ne survivent actuellement que grâce aux insertions publicitaires de produits médicamenteux car, bien entendu, malgré l’augmentation du nombre des psychiatres, les abonnements n’ont pas suivi l’inflation des publications et en tout cas ne suffisent pas à compenser les coûts éditoriaux.

    A côté de cette préoccupation financière commune et des liens obligés qu’elle crée avec l’industrie pharmaceutique, il en est une autre : l’absence ou le peu de référencement de nos revues françaises dans la littérature de langue anglaise, dont on sait qu’elle occupe très largement le devant de la scène internationale. Là nous abordons un autre domaine, celui des “ Current Contents ”, en français les “ Références Actuelles ”. “ Cet institut scientifique américain constitue la véritable bible des références et valide la qualité des publications scientifiques du monde entier ”. Dans un éditorial récent de l’Information Psychiatrique J-C Pascal souligne le fait qu’à 4 exceptions près pour la France (les Annales Médico-Psychologiques, l’Encéphale, L’Evolution Psychiatrique et la revue d’Alcoologie), les revues retenues par les “ Current Contents ” sont surtout anglo-américaines. Leurs critères de sélection sont bien sûr multiples mais l’audience des articles constitue un de leurs principaux indices de qualité. On serait tenté d’approuver, à ceci près que cette audience est calculée à partir d’une analyse bibliographique (c’est comme une sorte d’audimat) qui décompte les citations dans la bibliographie de chaque article. La domination de la langue anglaise est telle que les revues françaises ne sont, bien sûr, jamais citées ce qui obère sérieusement leurs chances d’être un jour sélectionnées. Cet organisme qui se veut de compétence universelle conclut l’auteur est presque entièrement tourné vers la communauté scientifique anglophone et ne s’est jamais vraiment donné les moyens de s’informer sur les revues psychiatriques françaises.

    Mais, plus récent et plus inquiétant. Il y a peu, un laboratoire pharmaceutique a publié un guide intitulé “ Publier : mode d’emploi ”. La conception, la rédaction de ce guide, à l’usage des chercheurs et des étudiants français, a été confiée à des collègues français. Dans leur guide de conseils ils citent les revues qui ont été sélectionnées par l’institut américain déjà évoqué des “Currents Contents ” Alors voilà un guide écrit en France, un guide destiné aux collègues psychiatres voulant publier et qui sur 101 revues référencées,) ne cite pratiquement pas les revues françaises de notre discipline à 4 exceptions près, (à vrai dire “ l’Evolution Psychiatrique ” semble avoir été oubliée). Ce guide ne conseille pratiquement que des revues anglophones. C’est à croire que nous sommes gagné par quelque chose qui ressemble au Syndrôme de Stockolm décrit pour les victimes prises en otage et qui adoptent la position de leurs agresseurs ?

    Voilà quelques observations qui nous amènent à nous demander si nous pourrons maintenir notre presse scientifique de langue française ou si, dès à présent, nous devons nous nous résigner à l’anglais langage unique ? Je laisse ouverte la question qui sera certainement abordé au cours des débats de cette journée.

    Ma description certes caricaturale et même teintée de chauvinisme, doit maintenant être nuancée.

    Pour être référencées, certaines revues française ont eu à faire quelques efforts et à mieux assurer leur crédibilité internationale en adoptant quelques règles simples de fonctionnement. Sans aller jusqu'à parler de normalisation réductrice, chaque revue doit en effet veiller à se doter d’un comité chargé de la lecture anonyme des articles. Les auteurs, eux, doivent apprendre à ne plus céder à leur goût de la métaphore dans les intitulés des titres d’articles et indiquer clairement le sujet abordé. Depuis quelques années la FFP a beaucoup travaillé dans ce sens avec pour objectif de rendre plus accessible la pensée européenne de langue française.

    Autre problème pour le référencement de nos revues : celui des mots clefs. Les mots utilisés doivent être bien définis, être rattachés à des concepts communs à l’ensemble de la discipline et validés par la communauté scientifique. En France on peut saluer le remarquable travail réalisés par le réseau des documentalistes, notamment ASCO doc psy. qui depuis 1984 regroupe 45 centres de documentation des Hôpitaux Psychiatriques de province auxquels se sont joint les 20 centres de l’île de France. En effet ils ont adopté un vocabulaire commun et élaboré ce qu’on peut considérer comme un “ Thésaurus ” de langue française, document de valeur qui organise, hiérarchise et établit des liens entre des mots clefs bien définis.

    Mais il existe aussi un système anglo saxon le MESH (Médical Subject Heading) créé en 1960 et informatisé dans les années 60-70 afin de faciliter l’accès à des fonds documentaires importants. Plus récemment l’arrivée d’Internet a permis une interconnexion de réseaux différents et assuré ainsi une interactivité à l’échelle planétaire.

    Dans de telles conditions pouvons nous rester seulement entre français et ne pas prendre en compte ce contexte ? Reconnaissons que les mots anglais rendent bien quelques services et qu’ils ont l’avantage de mieux assurer nos communications avec l’étranger.

    Maintenir une spécificité française exclusive pourrait contribuer à nous isoler de la communauté internationale, à l’inverse, nous résigner à adopter le système MESH nous ferait perdre quelques références de notre système de pensée voire même un peu de notre âme.

    C’est une troisième voie qui a été retenue pour tenir compte du contexte international tout en respectant au mieux les références éthiques et philosophiques de la psychiatrie française : La FFP s’est employée, avec les documentalistes, à étudier les mots clefs américains, à tenter de les ajuster au mieux, de les franciser par les mots équivalents de notre langue et de les compléter, si nécessaire, par d’autres termes qui correspondent mieux à nos références propres. Les définitions en effet, les mots clefs, ne sont jamais innocents et renvoient à un système de pensée. Notre conception européenne, qui se veut davantage attachée à une dimension humaniste de la pensée, craint de ne pas trouver tout à fait son compte dans le système américain que nous avons tendance à juger très et peut-être parfois trop pragmatique.

    Ce travail d’ajustement dont il est capital qu’il se poursuive et se développe, a aussi le grand avantage d’organiser une collaboration étroite et fructueuse entre cliniciens, documentalistes et responsables de revues.

  • La RECHERCHE

    En quelques années seulement de très belles avancées ont été réalisée dans ce domaine. Je vous les rappelle :

    La collaboration avec l’Inserm dont j’ai déjà dit à quel point elle est et reste utile. Le comité d’interface a été véritablement le fil rouge qui a conduit à la mise en place de Psydoc le site internet de la psychiatrie française.

    La création de la revue “ Pour la Recherche ” précieuse par les informations qu’elle apporte.

    La reconduction pour 1997 et 1998 des PHRC (programmes hospitaliers de recherche cliniques).

    La naissance d’une collaboration de plus en plus marquée avec l’UNAFAM.

    L’heureuse initiative enfin de la DGS qui réunit autour de la recherche différents acteurs institutionnels : l’INSERM bien sûr mais aussi la Direction des Hôpitaux, la CNAM, la FFP.

    Il reste cependant beaucoup à faire, c’est pourquoi la FFP vient de créer une “ Commission Recherche ” dont la présidence a été confiée à Guy Darcourt . Elle pourra, le cas échéant, aider les collègues en mal de méthodologie mais surtout aura mission de faire le bilan de la situation actuelle et de définir des objectifs. J’en distingue essentiellement deux.

    La formation des psychiatres à la recherche et l’accès à la documentation.

    La formation à la méthodologie de la recherche.

    Elle est actuellement meilleure pour les psychiatres en formation mais il reste quelques progrès sans doute à encourager pour celle des cliniciens déjà en place. On peut espérer que la FMC aura là un important rôle incitateur à jouer.

  • La documentation

    Il faut distinguer 2 versants : le contenu de la documentation et l’accès .à l’information.

    Le contenu :

    Nous retrouvons là exactement très exactement le problème des mots clefs. C’est à celui d’ un vocabulaire commun et de termes standardisés.

    L’affaire n’est pas nouvelle puisque en 1880, les Etats Unis avaient déjà mis en place un “ index medicus ” document bibliographique sur papier.

    Les temps ont évolué et le MEDLINE lui a succédé. Le support papier n’étant plus à la mode, nos cousins d’Outre Atlantique ont alors informatisé, dans les années soixante, cette base de données, très importante, bien structurée et qui est de fait un énorme fichier de classement auquel bien sûr on accède par les mots clefs définis par le MESH.

    En France c’est le système PASCAL, base de données francophone, qui a été retenu. Il semble qu’il ait pris un retard un peu difficile à rattraper.

    Cependant, la mondialisation s’impose à nous, les moteurs de recherche sur internet sont de langue anglaise, nos moyens de communication ne peuvent pas rester à l’écart sans courir le risque de voir se marginaliser et peut-être disparaître la pensée qui sous tend l’approche particulière de l’école française de psychiatrie.

    Pour atténuer la distance qui s’est créé peu à peu entre les références anglo-saxonnes et les nôtres c’est encore une fois un travail d’ajustement qu’il faut conduire. On en revient à la démarche même qui est menée par la FFP et les documentalistes : établir une correspondance avec le MESH. Cette démarche d’ajustement, de correspondance, est impérative pour nourrir la documentation et la réflexion des chercheurs français, mais de plus, en sens inverse, elle permettra également aux chercheurs non francophones d’avoir accès à notre propre documentation.

  • L’accès à l’information.

    Il reste encore trop difficile : on constate que les psychiatres en quête d’informations, que ce soit pour conduire un travail personnel ou pour élaborer et mener un travail de recherche, se heurtent à beaucoup de difficultés pour accéder la documentation bibliographique. Certains bien sûr ont la très grande chance de travailler dans des établissements hospitaliers où un documentaliste peut les prendre par la main, mais trop de collègues sont encore bien seuls, ils perdent beaucoup trop de temps à chercher et se découragent.

    Bien sûr nous avons déjà Psydoc-France qui se révèle de plus en plus compétent, de plus en plus sollicité, mais psydoc fonctionne sur la base du bénévolat et ne peut en l’état satisfaire la demande multiforme d’informations qui se fait jour actuellement et qui grandit sans cesse.

    Claude Veil, qui connaît bien le sujet, formulera tout à l’heure quelques suggestions de multi partenariat pour pallier cette difficulté. Il rejoint là, en partie, un projet des documentalistes évoqué l’année passée par Christiane Péchiné, mais il l’assoie sur un partenariat encore plus large.

    On ne peut qu’approuver de telles idées et suivre notre ami dans ses propositions. Mais si un multi partenariat se met en place, il lui faudra bien un centre coordonateur. Alors peut-être peut-on un peu rêver, et imaginer que psydoc ait la possibilité d’aller plus loin de se développer beaucoup plus et qu’il devienne pour la psychiatrie le pôle de référence, le lieu d’excellence de la compétence en matière d’Information Scientifique et Technique.

    Un tel projet mériterait d’être étudié avec attention. On en voit bien déjà l’intérêt pour renforcer encore les liens, déjà fructueux, entre l’INSERM, la FFP, les documentalistes et les responsables de revues mais on mesure surtout à quel point un regroupement des informations serait précieux pour la recherche et pour la promotion de notre discipline qui sont les missions essentielles que s’est donnée la Féd&eacYute;ration.

    Certes ce projet peut paraître un peu compliqué et difficile, un peu délicat à monter, mais il n’est certainement pas impossible à réaliser. On peut d’ailleurs se demander ce qui pourrait être impossible à ceux qui ont déjà réussi à fédérer ...39 sociétés savantes psychiatriques.




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