COLLOQUE FRANCO-AMERICAIN DE PSYCHIATRIE
FRENCH AMERICAN PSYCHIATRIC MEETING


Paris/Beaune (France) : 8-12 juin 1998
Paris/Beaune (France) : June 8-12, 1998


La maladie de Charles VI, roi de France

(1368-1422)

F. Autrand, Paris, France

Le récit qu'en fit Michelet dans son Histoire de France a laissé, dans la mémoire collective des Français, le souvenir du drame de la forêt du Mans. C'était en 1392. Par une chaude matinée d'août, le roi de France, Charles VI, alors âgé de 24 ans, la tête encapuchonnée de velours, traverse à cheval la forêt, seul à la tête de son armée. Soudain un homme se dresse devant lui en criant : « Arrête-toi, noble roi, tu es trahi ! » Le roi passe outre. Il est midi. La troupe passe dans une plaine sablonneuse quand un page endormi laisse tomber une lance sur le casque d'un autre page. Au bruit, le roi tressaille, tire l'épée, met son cheval au galop, charge, frappe, tue.

Son délire furieux retombé, c'est la prostration, l'inconscience. Il fallut des semaines de repos pour que le roi retrouve l'apaisement et la lucidité. La nouvelle se répandit vite dans le royaume et à l'étranger, en Angleterre, à la cour du pape d'Avignon et chez celui de Rome (car en ce temps du Grand Schisme d'Occident, il y avait deux papes), en Italie où les marchands étaient à l'affût de toute information. Ce fut un choc pour la France, « frappée en son chef » et qui se sentit châtiée d'on ne sait quelles fautes, menacée d'obscurs périls.

Et l'on ne savait pas en 1392 que la maladie allait durer jusqu'à la mort du roi (1422) et que, pendant trente ans, allaient se succéder crises et rémissions jusqu'à ce que la raison du roi sombre après le désastre d'Azincourt (1415).

Ce furent trente années de difficultés pour la France dont le roi, toujours capable d'aimer et de souffrir, était incapable de vouloir et d'agir. Bientôt c'est la guerre civile des Armagnacs et des Bourguignons, la révolution parisienne, l'invasion anglaise, la défaite, la division.

Quelle était la maladie de Charles VI ? Comment fut-elle soignée ? ressentie ? Si l'on cherche à répondre à ces questions, il faut garder à l'esprit les faits suivants : le malade était le roi ; la durée de la maladie (ou la survie du malade) fut exceptionnelle pour ce temps ; la distance considérable qui nous sépare de cet événement, et enfin le caractère désespérément lacunaire de la documentation.

Crises et rémissions

Un historien de la médecine, au début du siècle, voulant faire une description objective de la maladie de Charles VI, a rassemblé toutes les informations recueillies dans les diverses sources (chroniques, comptes...). Son dossier permet de décrire les crises, les rémissions, les rechutes, de suivre l'évolution de la maladie au fil des ans. Par ailleurs, il est possible de traquer entre les lignes des textes des allusions voilées à des tentatives de suicide et de s'interroger sur les relations qui existent entre la maladie et la fonction royale.

Diagnostics et remèdes

Le cas de Charles VI ­ exceptionnel puisque le malade est aussi le roi ­ permet de mesurer les ressources de la science médiévale (Guillaume de Harcigny. La Faculté de médecine en consultation 1399), d'observer les diverses réactions aux recettes des sorciers et des charlatans, de s'interroger sur la part de l'irrationnel dans la manière dont la maladie du roi est interprétée et ressentie.

Un nouveau regard sur la maladie ?

L'attention de l'historien, aujourd'hui, est attirée par les paroles que le malade prononçait dans ses crises, par ses fantasmes, par ses relations avec sa famille. Elle se porte aussi sur la réaction des Français aux souffrances de leur roi, et, pour finir, assimilés aux épreuves de la notion et à la Passion du Christ.

Mais quel sera le regard des médecins sur ce malade du temps passé ?