Extraits du VIème Congrès International
de l’Association Mondiale pour la Réhabilitation Psychosociale

Hambourg, 2 au 5 mai 1998.



Propos recueillis par Isabelle BOUGUENNEC
Psychiatre et Psychothérapeute.



  • Le sort des malades mentaux pendant la deuxième guerre mondiale.

    Extrait de l’atelier “le meurtre et la stérilisation des malades mentaux durant la période nazie”, présidé part le Dr GITTELMANN, de l’atelier “État des recherches en Allemagne sur les crimes nazis envers les malades mentaux et les handicapés”, présidé par le Dr DÖRNER ainsi que de l’atelier “Bioéthique et droits de l’homme” présidé par le Dr WUNDER et le Dr DÖRNER.

  • Il s’agit d’un sujet toujours actuel : la stérilisation des malades mentaux continue, par exemple en Corée. Le meurtre et la stérilisation des patients a eu lieu dans tous les pays occupés par les nazis et pas seulement en Allemagne. Comment guetter les signes d’un recommencement ?

    Certains pensent que les médecins allemands ne savaient rien tandis que d’autres récusent la thèse du non-savoir. Le procès des médecins a eu lieu en 1948 à Nuremberg. Le pourcentage des médecins ayant collaboré avec le national socialisme est très élevé par rapport à celui des autres classes sociales. Il y a eu un consensus pour la stérilisation et le meurtre des faibles et des malades, à l’encontre de la loi et de l’éthique.

    L’euthanasie, en tant que droit à sa propre propre mort se retrouve au sein des débats, ô combien discutables dans bien des pays aujourd’hui. Il existait en quelque sorte un sentiment d’euphorie répandu par les nazis et l’idée que l’Allemagne deviendrait saine et forte économiquement. Il y avait l’illusion de la santé mentale collective, avec une toile de fond antisémite (des listes de médecins juifs circulaient) et une pensée militariste. Il est trop facile de tout imputer aux personnes comme Mengele. Chacun de nous doit se demander s’il aurait eu le courage d’entrer dans la résistance contre une telle dictature.

    Les médecins participaient activement aux dernières étapes d’un assassinat préparé Å. Ils s’occupaient des chambres à gaz et organisaient des expériences perverses. MIELKE était un professeur de psychiatrie qui a publié autour du droit d’assassiner des personnes non valables. Il a fait un calcul de la charge financière des incurables et a participé à la stérilisation des malades mentaux dont la maladie était considérée comme héréditaire (alcoolisme, schizophrénie et psychose maniaco-dépressive).

    Le premier septembre 1939 fut publiée une note de HITLER autorisant l’euthanasie des incurables. Un peu avant, des enfants avaient été assassinés. K. BRANDT, le médecin particulier de HITLER a activement participé à ce programme. En octobre 1939, le programme s’intitule “opération T4”. Après les enfants, ce seront les adultes qui seront euthanasiés dans les asiles et autres institutions psychiatriques. Ils sont assassinés par le gaz ou bien empoisonnés au cyanure. Ensuite, o Ån les a laissés mourir de faim. La loi était prête avant la prise de pouvoir par HITLER.

    Mis à par certains professeurs, qui se sont opposés publiquement, l’ensemble de l’élite scientifique et clinique a participé . Presque personne n’a résisté. La génération actuelle des psychiatres allemands en est donc très affectée. Il y a eu des expériences sur des sujets à qui on a injecté des produits venant de patients qui avaient la sclérose en plaque. Des patients ont été déportés et tués par le gaz. Les jeunes psychiatres ont vu leurs maîtres qu’ils admiraient participer à ce genre d’opérations. L’élite des médecins a entendu parler de ces projets sans intervenir. Les assassins étaient bien élevés. La direction de l’Eglise demeurait silencieuse.

    Les patients stérilisés le furent sans aucun entretien préalable, sans leur consentement. De nombreux sujets se suicidèrent par la suite. Ils n ’avaient ni le droit travailler ni le droit de se marier.

    Il est urgent aujourd'hui encore de se préoccuper des droits des malades mentaux qui ont souffert durant l’histoire, qui ont été stérilisés, incarcérés sans procès préalable et ont une plus grand espérance de vie. Nombreux sont qui sont mal nourris, exécutés ou n’ont pas les médicaments nécessaires. Les différents pays sont donc invités à revoir leur législation envers les malades mentaux, à mettre en place des fondations pour collecter des fonds, en particulier dans les pays du tiers-monde. Il ne faut pas perdre de vue qu’un malade mental coûte en Inde 5 $ par an, alors qu’en France, un malade mental coûte 2000 $ par an. Le travail doit être immédiat.

    Dr Isabelle Bouguennec
    68 rue Villiers de l’Isle Adam - 750020 PARIS

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    Mise à jour mars 1999
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