Fédération
Française de Psychiatrie

CONFERENCE DE CONSENSUS

23 et 24 Avril 1998 - Sénat



Modalités de sevrage des toxicomanes dépendants des opiacés

  • Sous l'Egide :
  • Conseil de l'Ordre des Médecins
  • Conseil de l'Ordre des Pharmaciens
  • Avec la Participation de l'ANAES

    Promoteurs associés
  • Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France
  • Société de Formation Thérapeutique des Généralistes
  • Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie
  • Société Francophone des Urgences Médicales
  • Société Nationale Française de Médecine Interne
  • Association Pédagogique Nationale pour l’Enseignement de la Thérapeutique
  • Société Française de Pharmacologie
  • Généralistes & Toxicomanies

    TEXTE COURT DES RECOMMANDATIONS

    AVANT PROPOS

    Cette conférence a été organisée et s'est déroulée conformément aux règles méthodologiques préconisées par l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
    Les conclusions et recommandations présentées dans ce document ont été rédigées par le jury de la conférence, en toute indépendance. Leur teneur n'engage en aucune manière la responsabilité de l'ANAES.

  • Préambule Dans un moment où les médias, les milieux politiques, les responsables et les praticiens débattent largement d’un sujet, dès lors supposé connu, on peut se demander quelle est la nécessité d’organiser une conférence de consensus sur un thème touchant à l’usage des drogues.

    Trois arguments ont conduit les professionnels à organiser cette conférence :

    - l’effet de masse qui a transformé une question clinique délicate en un problème majeur et semble t-il, croissant de santé publique ;

    - la complexité des situations des personnes dépendantes des opiacés en particulier la multiplication inquiétante des poly-toxicomanies ; la confusion troublante entre dépendance à des drogues illicites, à des médicaments, ou à des produits utilisés dans le cadre de la substitution ;

    - les difficultés rencontrées par les professionnels, et l’entourage des patients à assumer leurs activités quotidiennes et à se rencontrer sur des repères et indicateurs communs.

    Le rejet des « cures de désintoxication » rapides et imposées, et leur échec, l’engouement pour les mesures de réduction des risques, ont logiquement conduit à se réinterroger sur la place des sevrages et du sevrage dans une prise en compte des souffrances des patients et des difficultés des soignants.

    Le jury a été mandaté pour fournir des recommandations médicales. A ce titre, il paraît nécessaire de ne pas continuer à confondre - y compris dans les sigles officiels - les « usagers de drogues », consommateurs dans une société donnée, et les « personnes dépendantes de substances psycho-actives », qui présentent un trouble du fonctionnement psychique. Le jury a été frappé des glissements sémantiques dans l’usage des termes techniques, et a donc dû se poser les questions centrales des concepts utilisés, des théories et idéologies de référence, avant de préciser et de détailler des modalités de sevrage. L’essentiel de notre tâche a été de suivre, en deçà et au delà des modalités techniques, le cheminement des patients souffrants, un des paramètres de cette souffrance étant la difficulté collective à leur procurer un lien social assez fort.

    La dépendance - ou l’aptitude à la dépendance - qui est au premier plan de la situation des personnes concernées ne se résume pas à la description des conduites ou des comportements. Elle s’intègre à l’ensemble du fonctionnement psychique du sujet, et dans son évolution passée et à venir.

    Dans ces conditions, le sevrage ne peut trouver sa place que dans le cadre d’une prise en charge globale, continue ou discontinue.

    Le choix de l’objectif, de la forme, du moment du sevrage sont étroitement liés à une analyse multidimensionnelle de la situation personnelle médicale, psychiatrique et sociale du sujet, donc un travail d’équipe.


    Retour haut de page


  • Question 1 : Quelle est la place des sevrages dans les stratégies de soin des toxicomanies aux opiacés ?

    Complexité du sujet

    La complexité de l’approche de la toxicomanie nous oblige à poser, en préalable, les bases fondamentales qui nous servent d’appui. Ce champ recouvre en effet les diverses dimensions humaines, notamment psychologique, sociale, médicale, économique.

    Les recommandations sont donc liées à l’éthique et la déontologie médicales dont les valeurs sont partagées par l’ensemble de la société. La référence scientifique tient compte de nombreux paramètres qui rendent difficile à atteindre le niveau de preuve exigé. Enfin l’expérience, reconnue comme essentielle, est une confrontation, dans la durée, de ces paramètres avec la réalité du patient.

    La personne du toxicomane

    Le jury critique ici l’usage du terme de toxicomane qui pourrait être assimilé à celui de simple usager de drogue.

    La conférence se situe dans un registre de soins où la toxicomanie n’est pas réduite à une conduite ou un comportement. Le toxicomane est un patient dès lors qu’il entre dans le système de soins avec une demande d’aide, du fait de sa dépendance, notion différente d’un usage ou d’un abus d’opiacés.

    Compte-tenu de la morbidité associée, volontiers diverse, récidivante et chronique, le jury privilégie ainsi à travers la référence à la notion de dépendance l’approche transnosographique. L’incidence de la morbidité est plus importante pour les personnes dépendantes que pour les consommateurs de drogues.

    Si la dépendance a été le critère retenu comme essentiel, c’est qu’elle crée une entrave au fonctionnement psychique et à l’exercice des potentialités du sujet. Elle est source de dommages bio-psycho-sociaux et d’une souffrance véritable justifiant des soins.

    Définitions

    La place des sevrages, leur nature, celles de la substitution comme de l’abstinence au sein de l’abord thérapeutique du patient obligent à les définir. Mais on peut noter que les points de vue se sont modifiés du fait de l’évolution des valeurs, des connaissances scientifiques, des pratiques (des toxicomanes et du système de soins), des perspectives envisagées et des pathologies associées.

    Ainsi les mots drogues, drogués, toxicomanies ont reçus des acceptions tellement diverses qu’ils sont devenus impropres pour fonder une politique de santé. Nous recommandons de leur substituer les termes de substances psychoactives, de comportements de consommation de substances psychoactives, comme le préconise l’OMS, en y ajoutant la dimension essentielle de la dépendance.

    Il apparaît que, loin d’être une fin en soi résumant à elle seule le traitement, la cure de sevrage n’a de sens qu’en tant qu’élément d’un programme global d’un traitement devant s’inscrire dans le long terme. La cure de sevrage a donc une utilité non seulement directe : diminution de la consommation de produits opiacés, voire même abstinence totale, mais aussi indirecte : prise de conscience de la dépendance, désir du sujet d’intégrer le système de soin médical et médico-social, amélioration de la qualité du suivi et des aides à l’insertion familiale, professionnelle et sociale.

    En ce qui concerne le problème de l’abstinence, toutes les études montrent que l’évaluation du devenir du sujet dépendant aux opiacés ne saurait s’appuyer sur la seule consommation de drogues et l’abstinence. L’adaptation sociale et le fonctionnement psychologique général, les troubles psychopathologiques, les problèmes médicaux, les conduites anti-sociales sont autant de dimensions dont il faut tenir compte pour juger de l’efficacité d’un traitement.

    Quant à la substitution, tous les experts ont souligné l’importance des techniques de substitution dans l’approche des sevrages, mais il y a lieu de remarquer aussi que la substitution est un outil de régulation de l’addiction mais en rien un sevrage.

    Objectifs individuels et de santé publique des sevrages

    Les objectifs individuels sont fonction des besoins et attentes du patient, de sa famille, mais ils ne peuvent s’y réduire. Le soignant aura à faire part, lors des consultations, des objectifs pouvant être mis en oeuvre à court, moyen et long terme pour inscrire le soin dans la continuité. A court terme ils pourront être médicaux, sociaux, psychologiques prévenant les effets des rechutes ; à long terme le maintien de l’abstinence restera un but non exclusif des traitements.

    Les objectifs de santé publique sont dominés par la réduction des risques que sont les infections virales, les conséquences sociales de la dépendance aux opiacés... Il faut noter que, plus que la substitution, c’est la disponibilité des seringues qui constitue un élément déterminant de la réduction des risques liés à l’injection.

    Par ailleurs, il ne peut être mis en place de sevrages sans considérer le risque élevé de rechutes et sans l’entourer d’une démarche qui permette de prendre des mesures de protection médicale et d’insertion sociale. De même, il ne peut être mis en place de programme unique de médicaments de substitution sans prise en charge individuelle et projet thérapeutique à long terme.

    Les objectifs de santé publique ne se substituent pas à une approche individualisée centrée sur le souci de la personne mais la complètent.


    Retour haut de page


  • Question 2 - Quelle préparation et mise en place des sevrages ?

    La préparation et la mise en place des sevrages peuvent se décrire en trois temps différenciés : la prise de contact, le constat clinique et la négociation du contrat de soins.

    La prise de contact

    Conditions et construction de la relation thérapeutique

    Les demandes initiales de soin sont multiples et ne se limitent pas à la demande fréquente d’un sevrage en urgence : douleurs liées au manque, complications somatiques, overdose, accidents de la voie publique ... Il n’est pas non plus exceptionnel que ce soient des tiers qui pressent le patient vers une demande de soins. Si l’intention du soignant reste avant tout de parvenir, à terme, à ce que la personne dépendante se libère définitivement de sa conduite toxicomaniaque, il existe un consensus pour reconnaître que ce résultat ne pourra être obtenu qu’au terme d’un parcours souvent très long, émaillé de nombreuses rechutes, au cours duquel les soins consistent d’abord à aider le patient à déplacer sa dépendance sur d’autres objets. C’est pourquoi il importe de saisir le moment de la première rencontre non seulement pour répondre à une éventuelle demande de sevrage mais aussi pour essayer avant tout de nouer une relation thérapeutique, considérant l’urgence de cette demande de sevrage comme étant aussi le symptôme de l’évitement d’une trajectoire plus longue.

    Les différentes portes d’entrées dans le système de soins

    Il existe un large consensus sur la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire des personnes dépendantes aux opiacés et tous les auteurs préconisent la coordination des différents acteurs dans une organisation de soins centrés sur le patient. L’affirmation répétée de la nécessité du travail en réseau ne préjuge pas, pour le jury, d’un modèle organisationnel quel qu’il soit, mais signifie l’impérieuse obligation de développer un abord multidisciplinaire et partenariat autour de la personne du patient Le patient doit rester parfaitement libre de s’adresser aux interlocuteurs de son choix. En aucun cas le réseau ne doit être conçu comme une structure autoritaire imposant un parcours thérapeutique prédéterminé. Quand bien même le patient serait adressé dans le cadre d’une injonction judiciaire de soins, il doit pouvoir retrouver la même liberté que celui qui présente une demande spontanée.

    Le constat clinique

    Evaluation psychopathologique

    La dépendance ne comporte aucune spécificité nosographique et l’évaluation psychopathologique doit donc suivre les règles habituelles, ce qui peut demander plusieurs consultations.

    Evaluation des dépendances

    Sur le plan clinique, l’histoire de la relation au produit doit être explorée, notamment dans ses articulations avec l’histoire personnelle et familiale du patient, en tenant particulièrement compte aussi bien de son début que de l’intégralité du parcours. La co-dépendance à d’autres substances est fréquente. Elle doit être systématiquement recherchée. Les principales substances impliquées sont le tabac, les dérivés du chanvre (cannabis), l’alcool, les benzodiazépines, la cocaïne, les amphétamines ...

    Evaluation sociale initiale

    Il existe un consensus fort pour reconnaître que le pronostic à long terme est étroitement lié à l’insertion sociale du patient. Cette dernière doit donc être soigneusement évaluée en vue d’initier au besoin des mesures de réinsertion.

    Evaluation somatique

    L’examen clinique et biologique est fondamental, à la fois comme bilan d’entrée dans le système de soins mais surtout parce qu’il permet d’élaborer tout un pan du projet de soins concernant la recherche de d’infections particulières, la prévention de douleurs qui risquent d’être majorées et la prise en compte de la dimension somatique.

    Evaluation de l'opportunité

    Afin d’apprécier l’opportunité du sevrage, le praticien devrait chercher à répondre aux quatre questions suivantes.

    Au nom de qui ?

    Seule une demande négociée avec le patient en nom propre devrait conduire à une proposition de sevrage.

    Dans quel but ?

    Il peut s’agir d’un sevrage partiel aux benzodiazépines en vue d’instaurer un traitement de substitution de qualité, d’un sevrage aux opiacés dans le but de réguler sa consommation sans aspirer à une abstinence durable ou encore d’un sevrage aux opiacés vécu comme le moyen d’une séparation définitive avec le produit.

    A quel produit ?

    La réponse à cette question dérive directement de la précédente car il existe de plus en plus de demandes de sevrage partiel ou de demandes de sevrage de produits de substitutions. Dans la perspective d’un traitement de substitution, le jury recommande d’être extrêmement attentif aux dangers de l’association entre les benzodiazépines, l’alcool et les produits de substitution, en particulier la Buprénorphine.

    Quand ?

    Il n’y a pas de consensus apparent quant à un éventuel indicateur du moment le plus favorable à la mise en oeuvre du sevrage.

    Le projet de soins

    Le projet de soins s’élabore au coeur d’une double exigence, souvent paradoxale, inhérente à la situation : d’une part une demande immédiate de soulagement à laquelle on se doit de répondre, et d’autre part une mise en place des conditions préalables à une prise en charge au long cours.

    La négociation précise les conditions dans lesquelles va se dérouler le sevrage et aboutit à un engagement réciproque de la personne dépendante et du ou des thérapeute(s) dans un esprit de respect mutuel de ce projet. Il s’agit bien d’un véritable contrat, issu d’une négociation aboutissant à la rencontre des consentements.

    L’un des points à négocier dans le projet de soin est constitué par l’éventualité d’une psychothérapie. Tous les auteurs en rappellent l’importance sans que cela soit documenté avec précision dans la littérature. Cela impose donc la séparation du rôle de consultant et de psychothérapeute, notamment s’ils sont organisés en réseau.

    Le cadre : ambulatoire ou institutionnel

    Le sevrage peut être réalisé soit de manière ambulatoire soit dans le cadre d’une institution. Le milieu dans lequel doit se dérouler le sevrage ne fait pas consensus quant à l’incidence sur l’efficacité.


    Retour haut de page


  • Question 3 - Quelles sont les modalités et les conditions pratiques du sevrage ?

    La réalisation pratique du sevrage ne représente qu’une partie limitée de la prise en charge d’un patient dépendant. Elle s’inscrit dans un projet plus large qui comprend une phase de préparation et d’évaluation préalable et prévoit d’emblée les modalités de poursuite de la prise en charge au décours.

    Le volontariat est un des éléments majeurs de la démarche de sevrage. La fréquence des rechutes et des décès après un sevrage forcé montre que la contrainte et les pressions sont non seulement incompatibles avec l'établissement d'un contrat de soin, mais aussi inefficaces au plan thérapeutique, voire nuisibles.

    Les méthodes de sevrage

    Les différentes méthodes de sevrage sont intégrées dans des projets de soins variés en fonction des patients.

    Le sevrage ambulatoire

    Lorsque les conditions de vie et l’environnement du patient le permettent, le sevrage peut être réalisé en consultations ambulatoires. Ces conditions impliquent un suivi rapproché, en prévoyant, pour un sevrage court de voir le patient en consultation tous les deux ou trois jours, voire initialement tous les jours.

    Le sevrage en milieu hospitalier

    Des sevrages sont réalisés en service de médecine non spécialisé, en service psychiatrique ou en institution spécialisée. Dans ce contexte, le contrat systématiquement établi entre le patient et l’équipe de soins (cf. deuxième question) a des aspects particuliers. Variable suivant les institutions, il insiste sur le nécessaire respect par le patient de leurs règles de vie. Le contrat comprend habituellement une période de durée variable pendant laquelle le patient accepte une limitation plus ou moins complète des sorties, des visites, et des appels téléphoniques personnels. L’efficacité de cette contrainte librement acceptée sur la réussite du sevrage ne semble pas avoir été étudiée.La durée de l’hospitalisation pour sevrage varie selon les patients et selon le produit. Dans une période ou les polytoxicomanies sont de plus en plus souvent rencontrées et justifient une prolongation du séjour, la durée de celui-ci ne peut plus être arbitrairement limité à 8 jours.

    Approche chimiothérapique

    Destiné à réduire la symptomatologie du manque, le traitement chimiothérapique varie en fonction du produit responsable de la dépendance et doit être adapté à chaque patient.

    Héroïne

    Le sevrage de l'héroïne sans utilisation simultanée d’un agoniste opiacé est la modalité habituelle en France. Pour le sevrage des opiacés, plusieurs types de traitements peuvent être proposés :

    - Les traitements spécifiques tentent de s’opposer à l’hyperfonctionnement adrénergique, considéré comme responsable des symptômes. Le produit le plus utilisé est la clonidine (Catapressan°), antihypertenseur adrénergique. La guanfacine (Estulic°), dérivé d’action prolongée de la clonidine serait de maniement plus aisé.

    - Les traitements symptomatiques sont destinés à atténuer et si possible faire disparaître les manifestations du manque : antalgiques, spasmolytiques, antinauséeux, antidiarrhéiques, sédatifs et hypnotiques. Les produits sédatifs sont le plus souvent indispensables, surtout dans les premiers jours. Les benzodiazépines sont utilisées dans certains protocoles pour leur effet anxiolytique. Ces substances s’accompagnant d’un risque propre d’induction d’une pharmacodépendance, il paraît souhaitable de limiter leur utilisation et d’éviter leur emploi chaque fois que cela est possible. Il existe un consensus fort contre-indiquant certains produits fréquemment recherchés pour leurs effet toxicomanogène : flunitrazépam (Rohypnol°) et chlorazépate disodique haut dosage (Tranxène° 50 mg) qui à très fortes doses peuvent induire une agressivité difficile à contrôler. L’alternative peut être l’utilisation d’un neuroleptique sédatif tel que l’alimémazine (Théralène°) ou la cyamémazine (Tercian°).

    D’autres méthodes de sevrage ont été proposées pour le sevrage en opiacés :

    - Sevrage dégressif avec diminution régulière de la consommation sur une durée de quelques jours, semaines ou mois, utilisé notamment lors des sevrages ambulatoires, ainsi que pour les sevrages des produits de substitution (méthadone, buprénorphine)

    - En l'absence d'études démontrant clairement un bénéfice, le jury exprime ses réserves concernant le recours aux antagonistes opiacés (naloxone, antagoniste d’action rapide et brève, naltrexone, antagoniste d’action prolongée), proposés pour raccourcir la durée du sevrage ou dans le “sevrage minute“ réalisé sous anesthésie générale.

    Sevrage des toxicomanies associées

    La fréquence des polytoxicomanies s'est notablement accentuée ces dernières années.

    Les données scientifiques et thérapeutiques sont bien établies pour le dosage à une seule substance (opiacé, benzodiazépine, alcool). Les études concernant leur association ou celle des substances utilisées dans les polytoxicomanies sont moins nombreuses et relèvent de la pratique et de l'expérience propre à chaque équipe soignante.

    Sevrage des benzodiazépines

    Les modalités de sevrage aux benzodiazépines sont nombreuses et doivent être spécifiques à la molécule consommée. Tous les protocoles excluent le sevrage brutal sans substitution en raison de la nécessité éthique et clinique de prévenir ou d'atténuer les signes de sevrage qui souvent importants, peuvent mettre en jeu le pronostic vital.

    Sevrage de l'alcool

    Ses modalités ne sont pas spécifiques au consommateur d'opiacés. Elles sont nombreuses et font appel à un traitement médicamenteux, le plus souvent en ayant recours à une benzodiazépine de demi-vie longue. Sevrage des polydépendances aux opiacés, benzodiazépines et alcool Ces sevrages n'ont jusqu'à présent pas fait l'objet d'études élaborées permettant de faire des recommandations.

    Sevrage de la cocaïne et des amphétamines

    Aucun traitement pharmacologique n'a fait la preuve de son efficacité dans cette indication.

    Sevrage et dépression

    Plusieurs auteurs s'accordent sur la sous-évaluation de la dépression par les professionnels, ainsi que sur l'inadéquation de son traitement. Le sevrage peut favoriser l'émergence d'une symptomatologie dépressive et cette dimension mérite d'être recherché.

    Approche relationnelle

    L'ensemble des praticiens réalisant des sevrages met l'accent sur la nécessité d'une prise en charge relationnelle. La référence à une technique particulière de psychothérapie et l'évaluation de son intérêt ne sont pourtant pas documentés.

    Situations particulières

    1. La grossesse

    Une demande de sevrage est très souvent exprimée par les femmes enceintes dépendantes à des substances psychoactives. Il s'agit de grossesses à risque.

    Bien que cette question soit controversée en France, le jury recommande de privilégier l'offre d'une thérapeutique de substitution par méthadone en raison de l'absence d'effets tératogènes.

    2. L'incarcération

    Le jury recommande qu'une attention particulière soit apportée aux personnes dépendantes de substances psychoactives incarcérées. L'offre d'un sevrage médicalisé ou de toute autre modalité de soins doit pouvoir faire l'objet d'un choix et être intégrée dans un suivi médical effectif qui permette une réévaluation régulière de l'attitude adoptée.


    Retour haut de page


  • Question 4 - Quels soins après sevrage et suivi ?

    Les soins après sevrage et le suivi se définissent sur le long terme. Il s'agit de prendre en charge le sujet dans sa globalité, tant au niveau psychologique que médical et social. Choisir une stratégie thérapeutique est une opération délicate qui nécessite toujours, au préalable, une évaluation clinique soigneuse. Le projet de soins implique une équipe pluridisciplinaire s'inscrivant dans une alliance thérapeutique avec le patient. Le but est de permettre à celui-ci de trouver ou de retrouver une autonomie et une liberté psychique. Les rechutes font partie de l'histoire du soin. Elles sont multiples et de gravité variable. Elles peuvent faciliter l'inscription du sujet dans une prise en charge globale et durable, dans la mesure où elles l'aident à prendre conscience de sa dépendance. Il apparaît que la majorité des rechutes a lieu dans un délai inférieur à six mois mais qu'au delà pour certains auteurs, les résultats sont relativement stables. L'entourage familial se sent blessé par ces rechutes vécues comme des échecs. C'est alors, aux thérapeutes d'écouter sa souffrance, de le soutenir et de l'informer de leur forte prévalence dans l'histoire du soin de la personne dépendante. C'est aussi le moment d'expliquer à la famille que le but du traitement n'est pas l'abstinence immédiate en soi, mais une plus grande souplesse du fonctionnement du sujet, un accroissement de sa possibilité de faire des choix.

    Les professionnels de santé doivent rechercher, tout au long du suivi, les indices de souffrance psychique, d'affections mentales, de troubles de la personnalité et les considérer comme autant d'éléments jouant un rôle pronostique dans la destinée des patients dépendants des opiacés.

    Quelle que soit la forme du sevrage, total ou partiel, un accompagnement doit toujours être proposé. Quatre points sont à considérer :

    1 - le suivi médical tient compte des pathologies contractées pendant la période de dépendance

    2 - l'accompagnement social vise à restaurer l'inscription sociale du patient. 3 - le suivi éducatif cherche par la relation, le dialogue et l'accompagnement actif, à résoudre les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne.

    4 - le soutien psychologique est nécessaire tout au long de la prise en charge. La présence d’un psychiatre consultant est également recommandé.

    La famille devrait pouvoir s'impliquer dans le processus de soins et de suivi.

    L'existence d'un support social étayant est l'un des facteurs favorisant l'efficacité des soins.

    Le jury se pose la question de savoir s'il est opportun de privilégier des structures créées pour les ex-usagers de drogues.

    En conclusion

    Dans le domaine des dépendances aux substances psycho-actives, contrairement à d'autres domaines de la santé et des comportements, les travaux de recherche ne se sont pas d'emblée fondés sur la démarche épidémiologique et le raisonnement statistique à partir de groupes de population. Il n'existe que peu de travaux scientifiques sur lesquels s'appuyer quant aux modalités de soins et de suivi après sevrage. Seules sont disponibles les expériences décrites par les professionnels. Des évaluations méthodologiques bien conduites restent à faire. Ces difficultés n'empêchent pas l'existence de lignes de force dans les soins et le suivi après le sevrage de la personne dépendante.


    Retour haut de page


  • Voeux du Jury

    Au delà même de l’intégration des modalités de sevrages à un projet de soins en faveur des personnes dépendantes des opiacés, projet dont on a pu percevoir l’ampleur, la complexité et les difficultés, le jury tient à insister sur deux points.

    1 - La formation des personnels concernés, l’information des professionnels et personnes de l’entourage impliqué ; et la sensibilisation du public à ces questions.

    2 - Tout au long de son travail, le jury a buté sur la faiblesse de la recherche dans ce domaine, faiblesse qui ouvre la voie aux prises de positions idéologiques non étayées. Il est apparu indispensable :

    a) de lancer très vite un programme français ou européen de recherche et de suivi de cohortes importantes de patients, sur de nombreuses années.

    b) mais aussi, il importe de multiplier les recherches limitées à partir des réflexions d’un groupe, d’une équipe ou d’un réseau.

    Trois axes de recherche nous ont, en tous cas, semblé prioritaires :

    1 - le suivi à long terme des post sevrages

    2 - la comparaison entre les méthodes et procédures de sevrage notamment dans les polytoxicomanies

    3 - l’évaluation du travail en réseau


    Retour haut de page


  • MEMBRES DU JURY

  • Dr Simon Daniel KIPMAN - Président du Jury - PARIS - Psychiatre libéral
  • Dr Nicole GARRET GLOANEC - Praticien hospitalier - Pedopsychiatre Centre Infanto-Juvénile - NANTES
  • Mme Olivia GIRON - NICE - Substitut
  • Dr François KAMMERER Clinique de Pereuse - 77640 Jouarre - Psychiatre libéral
  • Dr Jean-Jacques LABOUTIERE - MACON - Psychiatre libéral
  • Dr Louis LEVY - Médecin généraliste - SURGERES
  • Mr Georges MAHUZIER Lab. De Biologie - C. H. Paul Guiraud - VILLEJUIF - Biologistes des hopitaux - Professeur Chimie analytique - Pharmacien
  • Pr Philippe MAZET - AP-PH de Paris - Psychaitre de l'enfant et de l'adolescent - Hôpital Avicenne - BOBIGNY
  • Mme Monique MILAN - STRASBOURG - Infirmière DE
  • Pr Marie-Christine MOUREN SIMEONI - Professeur des Universités - Praticien hospitalier Pedopsychiatre CH Robert Debré -PARIS
  • Dr Elisabeth PENIDE - STRASBOURG - Médecin généraliste
  • Dr Michaël ROBIN - Psychiatre Praticien hospitalier Service Eric EPS Charcot PLAISIR
  • Mme Nicole TAIEB - Docteur en psychologie clinique - Directrice d’un service de prévention spécialisée -
  • Pr Philippe VINCENEUX - Chef de service de Médecine Interne PU-PH Hôpital Louis Mourier -COLOMBES

  • Retour haut de page


  • COMITE D’ORGANISATION
  • Fédération Française de Psychiatrie Pr G. Darcourt : Président C.O.
    Dr S.D. Kipman : Président du Jury
    Dr N. Horassius;
    Dr J.M. Thurin

  • ANAES Paris : Pr F. Carpentier - Méthodologie
    Pr A. Durocher - Méthodologie

  • Généralistes et Toxicomanies :
    Dr J. Afchain

  • Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France :
    Mme Paoli
  • Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie
    Dr A. Morel

  • Société Francophone d’Urgences Médicales et APNET
    Dr J. Bouget


  • Société Française de Pharmacologie :
    Pr G. Lagier


  • Retour haut de page


  • EXPERTS ( Les textes des experts seront consultables sur le site prochainement)

  • Dr ANGEL - Paris
  • Dr AURIACOMBE - Bordeaux
  • Pr BAILLY - Lille
  • Dr BAUVERIE - Villejuif
  • Mr BLOCH-LAINE - Paris
  • Pr BOISSONNAS - Paris
  • Mr COQUS - Reims
  • Dr DELILE - Bordeaux
  • Dr DUGARIN - Paris
  • Dr FACY - Paris
  • Dr FERRAND - Paris
  • Dr HAUTEFEULLE - Montmorency
  • Pr HENRION - Paris
  • Mr HERVE - Boulogne
  • Dr JACOB - Metz
  • Pr LAMBERT - Nancy
  • Dr LAQUEILLE - Paris
  • Mr OLIVET - Paris
  • Pr PARQUET - Lille
  • Dr POLOMENI - Eaubonne
  • Pr PUECH - Paris
  • Pr SCHMITT - Toulouse
  • Dr SUEUR - Paris
  • Mr TANCHE - Marseille
  • Mr TONNELET - Lille
  • Dr VALLEUR - Paris
  • Pr VENISSE - Nantes
  • Dr WIEVIORKA - Paris

  • Retour haut de page


  • GROUPE BIBLIOGRAPHIQUE

  • Dr CANCEIL
  • Dr GROHENS
  • Dr RIGONI
  • Dr MALLARET
  • D VELEA

  • Dernière mise à jour : lundi 12 avril 1999 14:07:06

    Dr Jean-Michel Thurin