Psychiatrie : La discrète grève des experts psychiatres
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Date: April 12, 2016 02:54PM
« La discrète grève des experts psychiatres »
La Croix / Mediscoop 12 avril 2016
La Croix note en effet que « des experts psychiatres sont en grève depuis le début de l’année, désorganisant les juridictions, pour protester contre leur faible rémunération ».
Flore Thomasset remarque ainsi : « Daniel Zagury est en colère. Le célèbre psychiatre qui a expertisé les plus grands tueurs en série, de Guy Georges à Michel Fourniret, ne mâche pas ses mots ». Il déclare que « le système qui régit l’expertise pénale est à peu près aussi efficace que l’étaient les kolkhozes dans l’agriculture soviétique. Il encourage le vice aux dépens de la vertu. Dans les congrès internationaux, nous sommes ridicules. C’est une honte nationale ».
La journaliste précise : « Dans sa ligne de mire, la tarification de l’expertise pénale, fixée à 277,50 €, avec une majoration de 20 € dans les affaires de violences sexuelles. Pour cette somme, un expert requis par un juge doit étudier le dossier et les éventuels scellés, rencontrer la personne mise en cause, souvent en prison et parfois à plusieurs reprises, élaborer une analyse puis la rédiger ».
Flore Thomasset souligne que « l’enjeu est de taille : déterminer le degré de responsabilité d’un individu, ce qui l’a poussé à agir et son niveau de dangerosité. Puis l’expert doit se rendre devant la cour d’assises pour expliquer son analyse et répondre aux questions. Le tout pour la coquette somme de… 41 € ».
Daniel Zagury observe : « Que ce soit médiocrement payé, c’est une chose. Mais le vrai scandale, c’est que le prix soit fixe, quel que soit le dossier. Concrètement, cela signifie que plus on travaille, plus on y passe de temps, et moins bien on est payé ». Flore Thomasset note que « comme d’autres collègues, il s’est donc mis en grève au début de l’année ».
La journaliste explique qu’« à l’origine du mouvement : la publication, le 30 décembre 2015, d’un décret qui exclut les psychiatres de la liste des « collaborateurs occasionnels de la justice » pour les rattacher au régime social des indépendants. Conséquence : des tracasseries administratives en plus et des cotisations sociales à soustraire aux 277,50 € ».
Flore Thomasset relève que « dans les juridictions, cette grève, peu médiatisée, est une « catastrophe », explique Virginie Duval, de l’Union syndicale des magistrats (USM) », qui fait savoir que « dans certains ressorts, on ne trouve plus d’experts. Donc quand l’expertise est obligatoire, les dossiers à l’instruction sont bloqués et les audiences reportées ».
La journaliste note que « la situation des experts psychiatres n’est pas nouvelle. […] La situation continue de se dégrader, dans un contexte de justice « sinistrée », comme [le garde des Sceaux] Jean-Jacques Urvoas l’a répété récemment ».
« Faute de rémunération correcte, la liste des experts se vide : les psychiatres ne seraient plus que 400 à 480, contre 800 il y a encore quelques années », continue Flore Thomasset.
Daniel Zagury souligne ainsi que « le problème, c’est que les juges ont besoin des expertises, si ce n’est pour le fond, au moins pour la forme, car la loi le leur impose dans un certain nombre d’affaires. Faute de psychiatres, les magistrats font donc appel à des gens qui ne sont pas spécialistes : des généralistes, des médecins étrangers, des gens qui font de l’abattage en rendant des rapports de 5 pages après avoir passé 10 minutes avec le détenu ».
La journaliste indique enfin qu’« à la Chancellerie, on temporise, assurant qu’un « projet de décret rectificatif réintégrant la plupart des experts » à la liste des « collaborateurs occasionnels » « a fait l’objet d’un consensus interministériel ». La revalorisation des barèmes, elle, sera un autre chantier ».