Psychiatrie : une nouvelle loi pour attacher et isoler certains malades ?
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Date: October 14, 2020 11:57AM
Mediscoop / Libération 13 octobre 2020
Eric Favereau note dans Libération : « C’était une belle occasion pour en débattre, du moins pour s’interroger sur des pratiques de plus en plus étendues en psychiatrie : la contention [...] et l’isolement. Le Conseil constitutionnel a, en effet, rendu un avis très ferme l’été dernier : faute de la présence d’un juge, les recours à l’isolement et la contention seront interdits. Les sages donnent au gouvernement jusqu’à la fin 2020 pour définir un cadre juridique, faute de quoi l’interdiction entrera en vigueur ».
Le journaliste remarque que « curieusement, cet avis de la haute juridiction n’a donné lieu à aucun débat, aucun échange, aucun témoignage. Comme si cette question ne méritait pas qu’on s’y attarde. Et bizarrement, c’est dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) que se sont glissés quelques articles de loi pour fixer les nouvelles règles ».
« Cette absence de discussion est d’autant plus dommageable que ces dites pratiques sont pour le moins problématiques », continue Eric Favereau.
Le journaliste rappelle qu’« en France, ces méthodes sont présentes un peu partout, se sont développées discrètement dans le silence des hôpitaux, loin des regards extérieurs, et se sont «banalisées», comme le déplorait Adeline Hazan, ancienne contrôleuse générale des lieux de privation de liberté ».
« Dans son rapport annuel, elle dénonçait, avec inquiétude, une sorte de recours habituel à ces mesures dès lors qu’il y avait un peu de tension dans un service. […] Ainsi, on attache, on isole, on referme la porte, et dans certains cas cela peut durer des jours, voire des semaines », observe Eric Favereau.
Adeline Hazan soulignait : « Ce qui est impressionnant, c’est que dans un même hôpital psychiatrique, un service pouvait y avoir recours de façon massive, et juste à côté un autre service ne jamais s’en servir. C’est de fait très arbitraire, et c’est bien cela qui nous interroge ».
Le journaliste note que de leur côté, « des associations de malades pointaient le caractère «violent» et «destructeur» de ces pratiques pour le malade. «Etre attaché ou isolé… Le malade le prend comme une punition», notait, avec effroi, Tim Greacen, représentant des usagers. Quant au personnel soignant, souvent dépassé, souvent seul face à des situations délicates, il mettait en avant l’absence cruelle de moyens pour justifier l’usage de ces mesures ».
Eric Favereau explique que « dans le PLFSS, le gouvernement a donc glissé un article 42, pour fixer de nouvelles règles. D’abord le cadre : «L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical» ».
Le journaliste note que « sur la durée, la mesure d’isolement est prise pour une durée de 12 heures. «Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de 12 heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de 48 heures.» Quant aux mesures de contention, elles ne doivent être que de 6 heures. «Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de 6 heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de 24 heures» ».
Le texte précise qu’« à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au‑delà des durées maximales prévues aux deux alinéas précédents, la mesure d’isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues aux mêmes alinéas. Le médecin informe, alors, sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure. En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de 24 heures ».
Eric Favereau de conclure : « Est-ce que cela va éviter les dérapages et le recours parfois bien systématiques à ce type de mesures ? […] On peut craindre que le manque de personnels ne serve d’argumentations pour le maintien de ces méthodes… bien peu hospitalières ».