Dépression : Vers la fin du règne des antidépresseurs ?
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Date: October 25, 2022 09:06AM
Mediscoop : Le Figaro 24/12/2022
Anne Prigent relève en effet dans Le Figaro que « cet été, le débat a été relancé suite à la publication de deux nouvelles études : l’une mettant à mal le mécanisme biologique de la maladie, et l’autre s’attaquant à l’efficacité des médicaments ».
La journaliste note que « la première, publiée en juillet dans Molecular Psychiatry, remet en cause l’implication d’un déficit en sérotonine dans l’origine de la dépression. Cette conclusion n’a pas surpris le monde de la psychiatrie ».
Le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l’hôpital Bichat (Paris), observe ainsi : « Nous savons depuis longtemps que la dépression ne peut se résumer à un déficit en un neurotransmetteur. Nous n’allons pas traiter une dépression en administrant de la sérotonine ou de la noradrénaline, comme nous le faisons avec de l’insuline pour un diabète de type 1 ou avec de l’hormone thyroïdienne pour une hypothyroïdie ».
Anne Prigent souligne que « la dépression est en effet une maladie multifactorielle, où les facteurs neurobiologiques s’entremêlent avec des facteurs contextuels ou sociologiques dont il faut tenir compte ».
« Pourtant, dans l’esprit du public comme de nombreux médecins, le malentendu du déficit en sérotonine compensé par les médicaments persiste », remarque la journaliste.
Le Dr François Montastruc, médecin spécialiste en psychopharmacologie clinique au CHU de Toulouse, observe qu’« il vient du marketing de l’industrie pharmaceutique, qui a utilisé l’explication mécanistique d’un déficit en neurotransmetteur pour vendre ses médicaments. Mais le mécanisme d’action ne doit pas résumer l’action clinique ».
« Pour les médecins, c’est aussi un raccourci facile à utiliser pour expliquer la maladie aux patients. Cette idée a largement été renforcée dans notre inconscient collectif par les réseaux sociaux, ou encore par des romans […]. Mais avec ces croyances, les patients attendent trop du médicament », ajoute le praticien.
Anne Prigent note que « chez 85% des personnes, les antidépresseurs seraient à peine plus efficaces qu’un placebo ! Autrement dit, ils ne seraient vraiment utiles que pour 15% des patients, selon la deuxième étude, publiée sur le site du British Medical Journal en août. Comment les repérer ? ».
Le Pr Remy Boussageon, médecin généraliste et président du conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants, répond qu’« il n’y a pas de test pour savoir quels sont les patients répondeurs, alors nous traitons tout le monde, de manière probabiliste. Or cette étude robuste vient nous rappeler que les antidépresseurs ont une très faible efficacité. Le médicament est une réponse technique, rapide et pratique à des problèmes qui sont complexes et principalement humains ».
Le Pr Emmanuelle Corruble, psychiatre à l’hôpital Bicêtre (Kremlin-Bicêtre), indique pour sa part que « les antidépresseurs sont efficaces dans les troubles dépressifs caractérisés. Et ils le sont d’autant plus que les troubles sont sévères et les patients symptomatiques ».
Anne Prigent relève que « c’est en effet dans les troubles dépressifs sévères et/ou en présence d’idées suicidaires, du moins chez l’adulte, que la prescription d’antidépresseurs se discute le moins. […] Lorsque le diagnostic est bien posé et le traitement instauré, il faut attendre 2 à 4 semaines pour observer l’amélioration des symptômes. […] En revanche, moins la dépression est sévère, plus l’effet des antidépresseurs s’apparente à celui du placebo. […] Dans les troubles dépressifs les plus légers, c’est d’ailleurs la psychothérapie associée à l’activité physique et aux modifications alimentaires, et non le médicament, qui est recommandée comme traitement de première intention ».