Mediscoop / La Croix 19 octobre 2021

Dans La Croix, Alice Le Dréau note en effet : « Musique, danse, arts plastiques… Dans les Ehpad, les pratiques artistiques complètent le soin, pour mieux vivre la maladie ».

La journaliste livre un reportage à l’Ehpad La Seigneurie, à Pantin (Seine-Saint-Denis) : « Mme M. s’applique et respire en rythme. Voilà plusieurs mois qu’elle connaît Héloïse. Depuis que, logée au deuxième étage de celui des résidents atteints d’Alzheimer et autres maladies apparentées, elle assiste au «carré musical», le vendredi matin ».

« À la voir si appliquée, si concentrée, difficile d’imaginer qu’il y a encore quelques minutes, Mme M. racontait son enfance et s’égarait dans la chronologie. Persuadée que Véronique, l’une des animatrices, avait fréquenté son école. Assurant qu’avant de venir, elle avait « couché les enfants ». Les enfants en question sont grands, Mme M. a près de 80 ans. Mais maintenant elle est là, bien ancrée dans le présent », relève Alice Le Dréau.

La journaliste poursuit : « Prostrée jusque-là dans son fauteuil roulant, Mme Z. se redresse et se met à suivre le tempo, d’un mouvement de la tête. Tino Rossi a remplacé Enrico Macias. Deux résidents commencent à danser. «On se croirait au cabaret !» C’est comme si Alzheimer, pendant quelques instants, avait pris congé ».

Hervé Platel, neuropsychologue et directeur de recherche à l’Inserm, note ainsi que « depuis qu’à la fin des années 1990 les sciences cognitives et les neurosciences se sont intéressées au sujet, les vertus de la musique sont de mieux en mieux documentées ».

Alice Le Dréau relève que « chez le sujet âgé, elle est d’abord un médium extrêmement efficace pour accrocher l’attention. Véronique, l’animatrice, confirme : «Quand la musique se lance, c’est comme si certains résidents sortaient d’eux-mêmes» ».

La journaliste remarque que « le regard est moins perdu. Et puis, il y a ces moments, fugitifs, durant lesquels le malade oublie le nom de ses proches mais se rappelle un couplet de chanson. La musique a un effet stimulant «sur les circuits de la mémoire», précise Hervé Platel. La mémoire musicale est d’ailleurs «l’une des dernières à persister, en cas de dégénérescence cérébrale» ».
Le chercheur ajoute que « certains malades d’Alzheimer conservent même la capacité de mémoriser de nouvelles chansons et de s’en souvenir, des mois après. […] La musique reste aussi en mémoire sous une forme émotionnelle ».

Alice Le Dréau note ainsi que « si les résidents, à Pantin et ailleurs, aiment tant Tino Rossi, c’est parce qu’il renvoie «à leur enfance», comprennent les deux animatrices, Véronique et Stéphanie. Le répertoire des années 1960, très prisé lui aussi, fait davantage écho à leur vie d’adultes ».

Hervé Platel continue : « La musique active plusieurs aires cérébrales de façon synchronisée. Donc si l’un des circuits cognitifs habituels est défaillant, la mémoire va emprunter des chemins de traverse. Des ressentis, que le malade gardait en lui jusque-là, vont pouvoir s’exprimer ».
La journaliste ajoute : « La musique mais aussi la peinture, la sculpture, le théâtre, la danse, etc. Professeur de gériatrie au CHU de Grenoble, Gaëtan Gavazzi plaide pour une place grandissante accordée à l’art dans l’univers médico-social ».

Le spécialiste déclare que « le beau active le circuit cérébral du plaisir et de la récompense. L’art va dans le sens de la vie. Et c’est primordial d’introduire de la vie. D’autant plus en fin de vie ! ». Alice Le Dréau indique que « si l’art ne guérit pas, il aide à «mieux vivre la maladie», mieux «supporter un traitement», à améliorer «le bien-être», pour traverser l’épreuve ».