"Tu ne te tueras point" Une émission de France Culture dans LE JOURNAL DE LA PHILO par Géraldine Mosna-Savoye 6 mars 2018
Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, chaque année plus de 800 000 personnes se suicident dans le monde, soit 2192 personnes par jour. En France, la prévention du suicide est devenue une cause nationale avec la création en 2013 par la ministre de la Santé Marisol Touraine de l’Observatoire national du suicide. Selon cet Observatoire, en 2014, 8 885 personnes se sont données la mort, soit près de 24 suicides par jour. Malgré une baisse de 26% du taux de suicide en 2003 et 2014, la France présente, au sein des pays européens, un des taux de suicide les plus élevés derrière les pays de l’Est, la Finlande et la Belgique. Les statistiques sont inquiétantes, mais la prévention du suicide, telle qu’elle est mise en oeuvre dans les hôpitaux psychiatriques ou par les politiques de santé publique, pose une véritable question philosophique. Si les religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam condamnent fermement le fait de se donner la mort, le shintoïsme et le bouddhisme sont plus ambigus. Il n’y a en réalité qu’au Japon, et pour des raisons plus culturelles que religieuses, que le suicide a été l’objet d’un rituel communément admis sous la forme du seppuku (littéralement, la coupure au ventre), que nous connaissons mieux sous le nom d’harakiri. La tradition philosophique, quant à elle, présente une diversité bien plus grande en matière de condamnation ou non du suicide. Et ce, depuis l’Antiquité. Hégésias de Cyrène, né vers l’an 290 avant J.-C. considérait même que le bonheur n’était pas possible et que la mort était préférable à la vie. On le surnommait Hégésias Pisithanate, c’est-à-dire celui qui pousse à la mort. Son enseignement a entraîné tellement de suicides que le roi Ptolémée II a été obligé d’interdire ses livres et l’exiler.
Là on est quasiment dans le registre de la sauvegarde de l’ordre public, mais quelle est la question philosophique derrière ?
Eh bien je pourrais répondre de manière radicale avec Camus, qui ouvre le Mythe de Sisyphe avec la phrase suivante : « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide ». De manière moins radicale, il faudrait dire que les problèmes sont multiples.
suite … [
www.franceculture.fr]