DIRECTION DE L’HOSPITALISATION
ET DE L’ORGANISATION DES SOINS
Sous-direction de l'organisation du système de soins
Bureau de l’organisation de l’offre régionale
de soins et populations spécifiques (O2)



Rapport du groupe de travail relatif aux “ Recommandations d’organisation et de fonctionnement de l’offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins en santé mentale ”

1ère PARTIE : LES POINTS ESSENTIELS DU DIAGNOSTIC


I. LA PLURALITE DES ATTENTES A L’EGARD DE L’OFFRE DE SOINS SPECIALISEE

Les attentes d’une société ouverte au concept de santé mentale obligent la psychiatrie à mettre en œuvre des formes de prise en charge qui ne négligent aucune des pathologies, ni aucun des modes d’accès. Les contraintes économiques imposent d’inscrire la psychiatrie dans une logique d’optimisation des moyens en organisant les complémentarités et la mutualisation des ressources.

Une approche globale de la santé conduit non seulement à envisager une réponse à des besoins de soins appréciés selon des critères diagnostiques, mais aussi à aménager des parcours de soins de plus en plus élaborés, au travers de plusieurs dispositifs (sanitaire, social et médico-social), dont il convient d’assurer la complémentarité et la coordination.


1.1. LES ATTENTES DES USAGERS

L’expression des attentes des usagers à l’égard du dispositif de santé mentale se situe dans un contexte marqué à la fois par une mutation sensible de la place et du rôle des usagers du système de santé et par le fait que les malades mentaux se trouvent à présent très majoritairement pris en charge dans la cité.

1.1.1 LES ATTENTES DES ASSOCIATIONS REPRESENTANT LES USAGERS ET LEURS FAMILLES (FNAP-PSY ET UNAFAM)

Des contributions sur ce point ont été demandées à la FNAP-Psy et à l’UNAFAM. Elles figurent en annexe 7. Leur position commune est la suivante :
Comme on peut le constater dans les documents fournis en annexe, les attentes des deux associations ou groupes d’associations FNAP-Psy et UNAFM sont très proches. Elles concernent la prévention, le traitement des crises et des urgences, les soins et l’accompagnement au long cours dans la cité.
Les attentes de ces deux catégories d’usagers (situation spécifique par rapport à d’autres domaines de soins) ont fait l’objet d’un document unique (Livre Blanc publié en juin 2001) qui explicite les six services demandés, depuis les soins jusqu’au dispositif destiné à maintenir un minimum de lien social pour les personnes concernées.
Au-delà de l’intérêt pratique de présenter des propositions communes avec leurs partenaires soignants, la FNAP-Psy et l’UNAFAM confirment, chaque fois qu’il leur en est donné l’occasion, leur volonté de manifester publiquement leur accord sans faille en ce qui concerne la défense des droits des personnes dans le domaine qui est le leur. Les patients et les familles se considèrent comme confrontés ensemble aux conséquences de la maladie. Leurs représentants ont décidé de s’entraider quoiqu’il arrive et au-delà de toutes les difficultés et des éventuelles différences de point de vue, normales et inévitables à un moment donné. Ils ont, effectivement, une expérience personnelle de la psychiatrie dans sa réalité quotidienne et considèrent que leur seul réel ennemi commun est la maladie.

1.1.2 LES ATTENTES DU GRAND PUBLIC

Il ressort des questions formulées par le jury citoyen de février 1999, constitué dans le cadre des Etats généraux de la santé sur le sujet de la santé mentale et de la psychiatrie, des préoccupations relatives aux cinq thèmes suivants :

- les tabous et les peurs autour de la souffrance psychique (questions touchant à la méconnaissance et à la peur de la maladie mentale, à la reconnaissance et à l’acceptation de la maladie, à l’isolement des personnes concernées et de leur famille...) ;
- l’accès aux soins (questions de la réponse à l’urgence et de l’égalité des soins pour tous...) ;
- la relation soignant/soigné (questions relatives à la connaissance des professionnels de la santé mentale et aux modalités thérapeutiques...) ;
- la société et la santé mentale (questions concernant l’impact de l’organisation de la société en général (travail, violence, place de l’individu...) sur la santé mentale et les choix politiques en matière de santé mentale...) ;
- la gestion du patrimoine santé (questions relatives à la périnatalité, aux personnes âgées et à la prévention en terme de comportement).

Plus globalement, les attentes de la société vis-à-vis de la psychiatrie ont évolué vers le champ de la souffrance psychique. Les attentes en matière de santé mentale se manifestent notamment au travers du succès du dispositif spécialisé en situation de catastrophe (attentats, catastrophes naturelles, accidents de grande ampleur...) qui s’est développé au cours de ces dernières années. La création du réseau national de l’urgence médico-psychologique en cas de catastrophe par la circulaire du 28 mai 1997 et sa sollicitation croissante et médiatisée attestent de la préoccupation d’une meilleure prévention et prise en charge des conséquences du psycho-traumatisme lié à ces situations. La question des limites et des modalités de l’intervention des équipes de psychiatrie est toutefois posée eu égard à l’inflation des demandes, y compris dans des situations ne relevant pas de la catastrophe.

Parallèlement à cette évolution des attentes, on constate le maintien d’une certaine méfiance à l’égard de la psychiatrie.


1.2 LES ATTENTES DES PROFESSIONNELS

1.2.1 LES ATTENTES DES PROFESSIONNELS DE SANTE

A/ Les attentes des professionnels de la psychiatrie

- Une politique nationale claire et durablement accompagnée au plan régional, départemental et local ;

- Une mise en adéquation des moyens avec les besoins et les missions sur la base de référentiels construits et validés en commun ;

- La prise en compte des contraintes particulières dans l’exercice professionnel liées à la multiplicité des sites d’intervention dans le cadre du travail de secteur et du travail en réseau ;

- Un règlement de la crise de l’hospitalisation à temps complet et une modernisation de ce dispositif (capacité, sécurité, implantation...) ;

- La mise en œuvre de procédures (fonctionnement par projet, par objectifs...) permettant la suprématie du virage ambulatoire avec un accompagnement social adapté pour les personnels ;

- Une évolution des métiers à partir d’une adaptation de la formation initiale et continue ;

- Le développement coordonné, cohérent et durable d’une recherche-action multidisciplinaire liant les universités et les acteurs de terrain, qui peuvent déboucher sur des enseignements et des formations régulièrement actualisés et des innovations ;

- Un partenariat avec les usagers et les familles et leurs organisations, à tous les niveaux (national, régional, local, individuel) ;

- Une articulation avec l’ensemble des acteurs concernés ;

- Une politique coordonnée et durable d’information, de communication et de diffusion des pratiques cliniques, nationale et loco-régionale en direction de la population et des professionnels.

B/ Les attentes des autres professionnels du champ sanitaire

- Les médecins généralistes

Une mauvaise articulation entre le médecin généraliste et le secteur psychiatrique est souvent dénoncée (rares échanges d’informations à l’admission du patient, absence de lettre à l’entrée du malade à l’hôpital, lettre de sortie tardive ou absente, mais surtout différence de rythme professionnel opposant la consultation quasi immédiate du médecin traitant à la consultation toujours différée du spécialiste).

- Les services hospitaliers relevant des disciplines somatiques

Ils restent souvent en attente d’une plus grande implication des équipes de psychiatrie. Ce constat vaut en psychiatrie générale pour les services de médecine et de chirurgie générale mais aussi pour les services très spécialisés (oncologie...) et, en psychiatrie infanto-juvénile, pour les services de gynécologie-obstétrique et de pédiatrie.

Concernant plus particulièrement ces derniers, la dimension “ santé mentale ” ne peut échapper à l’exercice de la pédiatrie et les services de pédiatrie et de néonatalogie sont souvent en première ligne pour les maltraitances, les maladies chroniques, les adolescents, les “ somatisations ”, le lien mère-bébé. Des liens forts et formalisés doivent s’établir avec les secteurs de pédopsychiatrie mais aussi avec la psychiatrie générale (adolescents, parents présentant des troubles mentaux). Il convient de “ développer la reconnaissance mutuelle et le rôle respectif de chacun, les spécificités et les limites de chacun ” (D. Baily). Cette formalisation pourrait se faire sous forme d’une charte de coopération qui permet à la fois la cohésion et la différence et d’éviter les enjeux de pouvoir, précisant les valeurs partagées (place du psychique et du somatique, multi-disciplinarité), l’éthique, les responsabilités de chacun, les rôles respectifs. Cela implique une équipe de liaison du secteur de pédopsychiatrie, fortement inscrite dans le service de pédiatrie (temps de psychiatre et de psychologue suffisant). Les missions de l’équipe de liaison sont de faire un travail d’évaluation et d’orientation auprès des enfants et de leurs familles, mais aussi de faire un travail institutionnel au sein des services de pédiatrie, notamment de formation et de soutien aux équipes et de supervision. Cela nécessite que les secteurs de psychiatrie soient dotés des moyens nécessaires en personnels et en outils thérapeutiques. Il faut insister sur la nécessité de lits d’hospitalisation de pédopsychiatrie et les capacités de réponse en urgence pour les enfants et les adolescents. Actuellement les services de pédiatrie suppléent, de manière inappropriée, à ce déficit en lits d’hospitalisation psychiatrique pour les adolescents nécessitant des soins psychiques et un cadre thérapeutique adapté. Il faut aussi que les services de pédiatrie aient des moyens adaptés à ces prises en charge, en personnel soignant (pédiatres, infirmières) mais aussi en éducateurs de jeunes enfants, éducateurs spécialisés, assistants de service social, enseignants.

A contrario, la prise en charge somatique des malades mentaux doit être améliorée.


1.2.2 LES ATTENTES DES ACTEURS ASSOCIES

A/ Les dispositifs de lutte contre l’exclusion

L’attente d’une réponse concerne les besoins des personnes en situation d’exclusion sociale, parmi lesquelles on recense une part minoritaire de patients atteints de maladie mentale, mais qui de façon générale présentent souvent une souffrance psychique : fatigue, angoisse, addiction, tristesse et dépression, insomnie.

La caractéristique de cette population est l’accès tardif aux soins du fait des difficultés d’identification de cette souffrance et des préjugés à l’encontre de la psychiatrie et de ses lieux de soin (rejet de lieux psychiatriques classiques, peur de la stigmatisation et inadéquation du dispositif sectoriel).

A cet égard, les partenaires du champ social sont en attente d’une intensification des interventions directes et indirectes des équipes de psychiatrie dans les lieux où s’exprime cette souffrance psychique (CHRS, mission locale...).


B/ Les dispositifs de prise en charge sociale et médico-sociale du secteur du handicap et de l’inadaptation ou des personnes âgées

Une forte demande émane des institutions sociales et médico-sociales pour enfants et adultes handicapés et pour personnes âgées, concernant un soutien de la psychiatrie tant auprès des personnes prises en charge que des professionnels.

Des dysfonctionnements actuels résultent de la confrontation des structures sociales et médico-sociales à des prises en charges trop difficiles à assurer sans aide extérieure et se traduisent par des hospitalisations en urgence de patients dont les difficultés auraient pu être gérées en amont.


C/ Les autres dispositifs sociaux gérés par les conseils généraux

Le constat est établi de difficultés rencontrées par les structures et les professionnels des établissements et services relevant des services départementaux opérant dans le cadre des missions d’aide sociale en faveur de l’enfance et de la famille (foyers départementaux de l’enfance, centres maternels, établissements d’aide à l’enfance et à la famille...).

Les établissements et services interviennent selon des modalités d’accueil de première urgence autant que dans des prises en charge à moyen ou long terme de personnes mineures et majeures nécessitant un accompagnement éducatif, social et psychologique dans le champ de la prévention et de l’insertion.

L’approche des facteurs déclenchants observés dans l’accueil en urgence met en évidence des problématiques complexes où s’amalgament des facteurs sociaux, économiques, psychologiques et culturels (failles identitaires, pathologies de l’exil...).

Les évènements traumatiques (ruptures, violences, errance, échecs, précarisation, ...) et les parcours personnels douloureux, tendent à susciter des réponses organisées dans l’émergence de conduites addictives, fugues, passages à l’acte, violences...

L’évolution des publics fait apparaître de façon assez significative la question de l’adéquation des moyens de l’action éducative et sociale aux besoins de personnes, enfants, adolescents et adultes en situation de souffrance psychique mais non considérées comme “ psychiatriquement ” malades. Ces personnes dont les troubles du comportement affectent le climat institutionnel et amenuisent l’action des professionnels, ne peuvent s’engager dans des dispositifs de soin.

Les institutions, confrontées à la montée des réactions violentes tentent, parfois vainement de préserver leur caractère contenant, au prix d’une usure des professionnels et du sentiment d’insécurité des usagers.

Les situations d’aller et retour du secteur social, socio-éducatif, au secteur sanitaire (services somatiques) ou psychiatrique (urgence psychiatrique, hospitalisations de cours séjour...) renvoient souvent à des conflits de diagnostics et d’évaluation des intervenants sociaux et médicaux.

Il est fréquemment évoqué de la part des opérateurs de terrain le positionnement des institutions psychiatriques renvoyant à des problèmes éducatifs, sociaux ou institutionnels : absence de places disponibles dans les structures spécialisées, clivages... Sentiment parfois pour les professionnels du champ social que les besoins de soins psychiques ne sont pas pris en compte et ne sont pas traités.

Au regard des difficultés rencontrées avec les personnes présentant des troubles psychiatriques, accueillies dans les dispositifs départementaux gérés par les conseils généraux, pour les faire accéder aux soins, il paraît nécessaire de favoriser les synergies entre les divers modes d’intervention sociale, socio-éducative et psychiatrique (psychiatrie infanto-juvénile, périnatale, psychiatrie des adolescents)... Des coopérations doivent se développer à la fois pour permettre des modes opératoires optimisés dans la prise en charge des enfants, adolescents et adultes, sans se substituer aux structures spécialisées dont les moyens doivent être renforcés et pour encourager la mise en relation de savoirs et de pratiques professionnelles dans les champs du social et du psychiatrique.

Ces coopérations inter-institutionnelles doivent pouvoir se décliner dans l’élaboration et la mise en œuvre des schémas départementaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

II. L’ANALYSE CRITIQUE DE L’OFFRE DE SOINS SPECIALISEE EN SANTE MENTALE


2.1 LE CONSTAT DES DISPARITES SUR LE PLAN QUANTITATIF


2.1.1 L’EVOLUTION DES DEMOGRAPHIES MEDICALES ET INFIRMIERES


A/ La démographie médicale

Le bilan de la sectorisation psychiatrique réalisé par la DREES en juin 2000 et la SAE 1999 font ressortir les difficultés suivantes :

- une répartition des médecins faisant une grande part au secteur libéral :




Activité Effectifs %
Secteur libéral
dont activité hospitalière
6 300
1 800
47 %
Exercice salarié
dont en établissement de santé
6 900
6 200
53 %
Total 13 200 100 %


- le taux de vacance observé des postes de psychiatres hospitaliers reste un des plus élevé par rapport aux autres disciplines médicales. Mais ce taux est extrêmement variable selon les régions, avec également des disparités à l’intérieur d’une même région (densité de 88 psychiatres pour 100 000 habitants à Paris contre moins de 12 psychiatres pour 100 000 habitants en Mayenne, Lozère, Eure, Pas de Calais ou Aisne) ;

- Le secteur privé non lucratif connaît, comme les hôpitaux publics, une grave pénurie de médecins psychiatres, ce qui compromet son fonctionnement et son évolution (les établissements à but non lucratif ont en leur sein 537 psychiatres salariés à temps plein, 775 à temps partiel et 812 ETP) ;

- à l’horizon 2020, le nombre de psychiatres (tous psychiatres confondus) devrait chuter à environ 8000 soit une baisse de 39%, ce qui représente la baisse la plus forte de l’ensemble des spécialités médicales ;

- l’ensemble des éléments précédents, accompagnés par les nombreux départs en retraite attendus, l’ARTT, vont accentuer les disparités régionales (héliotropisme).

L’évolution de la démographie médicale est un sujet central en raison de son impact sur les solutions susceptibles d’être proposées en matière d’évolution de l’organisation des soins.


B/ La démographie infirmière


Les éléments disponibles sont ceux de la SAE pour les exercices 1997, 1998 et 1999 (psychiatrie-groupe de discipline d’équipement).


Nombre d’infirmiers diplômés d’Etat (IDE) et de secteur psychiatrique
et personnels d’encadrement du personnel soignant en équivalent temps plein (ETP)





Etablissements
1997
1998
1999
IDE et de secteur psychia-trique Personnels d'encadrement
du personnel soignant
TOTAL IDE et de secteur psychia-trique Personnels d'encadrement
du personnel soignant
TOTAL IDE et de secteur psychia-trique Personnels d'encadrement
du personnel soignant
TOTAL
PUBLIC 43 129,28 5 684,54 48 813,82 42 517,20 5 415,52 47 932,72 42 826,59 5 315,78 48 142,37
Privé PSPH 6 041,16 915,80 6 956,96 6 030,25 881,29 6 911,54 5 964,75 881,52 6 846,27
Privé Non PSPH 2 292,84 208,20 2 501,04 2 379,75 210,15 2 589,90 2 441,96 210,85 2 652,81
TOTAL 51 463,28 6 808,54 58 271,82 50 927,20 6 506,96 57 434,16 51 233,30 6 408,15 57 641,45


Si ces chiffres traduisent une stabilité globale des postes infirmiers budgétés, en psychiatrie, sur les trois années considérées, pour autant des difficultés sont à prévoir, dans les 4 à 5 ans à venir, du fait du nombre important de départs en retraite des infirmiers de secteur psychiatrique. Afin d’anticiper ces difficultés, il est nécessaire d’une part, d’inciter les infirmiers diplômés d’Etat à aller travailler en psychiatrie et d’autre part, de travailler sur le contenu des modules de formation initiale.


C/ Les psychologues

Il faut noter une insuffisance de postes de psychologues cliniciens à temps complet et partiel aussi bien dans le public que le privé à but non lucratif, ce qui pénalise l’évolution vers la diversité de l’offre de soins et l’aide que l’on peut apporter aux demandes des équipes et aux intervenants du travail en réseau dont le psychologue est un maillon essentiel.

2.1.2 DES DISPARITES D’EQUIPEMENT

L’offre de soins psychiatriques reste marquée par une disparité des équipements selon les régions, les départements voire les secteurs. Selon le bilan de la DREES de juin 2000, on observe un écart d’équipement allant de 1 à 13 entre les départements les mieux dotés et les moins bien dotés. La Cour des comptes dans son rapport public 2000 a également souligné les disparités existantes dans la répartition de l’offre de soins sur le territoire national.

A/ Les taux d’équipement et la situation de la carte sanitaire de psychiatrie

Le bilan de la carte sanitaire de psychiatrie au 30 juin 2001 (qui ne correspond pas à l’ensemble des équipements psychiatriques mais uniquement aux capacités publiques et privés, à but lucratif ou non, faisant l’objet d’une autorisation par l’ARH) , tel que figurant dans les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (annexe relative aux restructurations hospitalières) fait ressortir les éléments suivants :

Psychiatrie générale :

- Le taux d’équipement national en lits d’hospitalisation complète est de 1.08 pour 1000 habitants. Ce taux est supérieur à l’indice de 0.5 à 0.9 fixé par l’arrêté du 11 février 1991 relatif aux indices de besoins concernant les équipements psychiatriques.
- Le nombre de lits d’hospitalisation complète autorisés est de 64 718 soit un excédent national de 15 216 lits d’hospitalisation complète.
- Le taux d’équipement national en lits et places est de 1.52 pour 1000 habitants. Ce taux est inférieur à la borne maximale fixée par l’arrêté du 11 février 1991 relatif aux indices de besoins concernant les équipements psychiatriques (1 à 1.8). Les DOM hormis la Guadeloupe enregistrent un taux inférieur à la borne minimale – traduisant de fait des besoins, notamment, en alternatives à l’hospitalisation complète.
- Le nombre de places autorisées est de 27 886.
- Le nombre de lits et places autorisés est de 92 604 soit un excédent national de 3 987 lits et places. Cet excédent porte essentiellement sur les lits d’hospitalisation complète (cf. supra) et correspond de fait à un déficit de places alternatives à l’hospitalisation.

Il existe encore une grande hétérogénéité dans la situation des régions traduisant des capacités diverses de redéploiement au profit des alternatives à l’hospitalisation complète en psychiatrie générale. Ainsi, les régions Auvergne, Aquitaine, Bretagne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Franche-Comté présentent des taux d'excédent en lit d’hospitalisation complète pour 1000 habitants très supérieurs aux autres régions.

Psychiatrie infanto-juvénile :

- Le taux d’équipement national en lits d’hospitalisation complète pour 1000 habitants de moins de 16 ans est de 0.19. Ce taux est inférieur à la borne minimale de l’indice de référence (0.1 à 0.3) dans 7 régions dont 3 DOM ;
- Le nombre de lits d’hospitalisation complète autorisés est de 2 617 soit un déficit national de 76 lits d’hospitalisation complète, recouvrant des situations diverses selon les régions.
- Le taux d’équipement national en lits et places pour 1000 habitants de moins de 16 ans est de 0.95 (la fourchette des indices fixées par l’arrêté du 11 février 1991 étant de 0.8 à 1.4).
- Le nombre de places est de 10956
- Le nombre de lits et places est de 13 573 soit un déficit de 1 637 lits et places.

Le dispositif de soins en psychiatrie infanto-juvénile est donc insuffisamment développé en lits d’hospitalisation complète, tant pour les enfants que pour les adolescents. Seules quatre régions présentent un excédent en lits et places (Auvergne, Midi-Pyrénées, Guadeloupe et Poitou-Charentes). Par contre, les Pays de la Loire, PACA et la Martinique ont des taux de déficit en lits et places pour 1000 habitants très supérieurs aux autres régions.


B/ Des évolutions différentes entre le secteur public et le secteur privé à but lucratif et non lucratif

Ce sont les établissements publics de santé qui présentent les évolutions les plus importantes. Les réductions de lits d’hospitalisation complète concernent les établissements spécialisés en psychiatrie (diminution de 3 151 lits de psychiatrie générale entre 2000 et 2001 à relier en partie à la procédure de renouvellement des autorisations qui a notamment permis de faire coïncider les lits autorisés avec les lits réellement installés). L’augmentation du nombre de lits dans les établissements de santé non spécialisés s’inscrit dans l’objectif de rapprochement de l’offre de soins de la population (+ 215 lits de psychiatrie générale dans les centres hospitaliers non spécialisés en psychiatrie). Ce sont également ces établissements qui voient leur nombre de places alternatives à l’hospitalisation le plus augmenter (+ 225 places de psychiatrie générale).

La part des équipements ambulatoires et alternatifs à l’hospitalisation (y compris ceux non soumis à autorisation), du secteur à but non lucratif, est très importante. Ce secteur, bâti au fur et à mesure des projets associatifs, présente un profil polyvalent contrastant nettement avec la place des établissements privés lucratifs dans le champ de la psychiatrie.

Les capacités des établissements de santé privés sous objectif quantifié national (OQN) sont restées stables. Cette situation peut s’expliquer en partie par l’impossibilité juridique pour ces établissements de créer d’autres alternatives que les hôpitaux de jour et de nuit et par l’absence de tarification de ces derniers équipements par l’assurance maladie.


2.2 LE CONSTAT DES LIMITES EN TERMES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT



Ce paragraphe synthétise les constats effectués par le groupe de travail, dans le cadre de l’approche thématique développée en annexe 1 (cf. l’encadré en début de 2ème partie ci-après).


Malgré quelques opérations de communication particulières, l’information sur la maladie mentale et le dispositif de psychiatrie reste trop limitée. En outre, le point de vue des usagers et des familles est insuffisamment pris en compte : il existe un manque d’information et de transparence sur la diversité des méthodes de prise en charge et les pratiques des équipes.

Le dispositif de soins reste principalement orienté vers le curatif, les démarches de prévention et de soins de suite ou de réadaptation et de réinsertion demeurant encore trop limitées.

Les délais d’attente trop longs pour un premier rendez-vous en centre médico-psychologique ou en libéral, l’augmentation continue des files actives traduisent la saturation du dispositif de soins psychiatriques face aux multiples demandes qui lui sont adressées.

Les urgences, qui sont souvent la première occasion de rencontrer un professionnel du soin et plus particulièrement de la psychiatrie, se réalisent souvent dans des conditions défavorables à une inscription dans une démarche de soin. Le dispositif n’est pas assez organisé pour permettre la réponse immédiate que suppose la crise ou l’urgence. En effet, compte tenu de l’importance des files actives, il est difficile de donner une réponse aux demandes non programmées.

L'intervention à domicile en psychiatrie générale est pratiquée essentiellement par les infirmiers, au bénéfice des patients connus et dans le cadre d'interventions généralement programmées de routine. L'intervention non programmée pour des patients non connus est rarement réalisée. Or, il existe aujourd’hui une demande croissante en faveur de l'intervention à domicile pour plusieurs raisons :
- l’exigence constante du réseau primaire (réseau social et généralistes) ainsi que des familles d'obtenir une assistance en cas de crise "in locus doloris" ;
- une demande au sein de la société et de la part de professionnels que certaines populations (exclus, victimes) ou situations (urgence, crises, catastrophes) reçoivent une réponse plus adaptée et plus précoce par une intervention psychiatrique sur place.

Il est constaté la faiblesse globale des moyens de la pédopsychiatrie et plus particulièrement en hospitalisation complète alors que la psychiatrie générale est marquée par une répartition des moyens défavorable au dispositif ambulatoire.

Le cloisonnement administratif lié à des références législatives ou réglementaires multiples et l’inscription dans des filières spécifiques qui en résulte, constitue un frein au développement d’une prise en charge globale. Il contribue au manque de lisibilité des réponses sanitaires, sociales et médico-sociales existantes.

Les articulations sont encore insuffisamment développées en amont et en aval tant avec les autres professionnels de santé (médecins généralistes) qu’avec les professionnels sociaux et éducatifs (Education nationale, aide sociale à l’enfance, aide sociale délivrée par les collectivités territoriales, services publics de l’emploi ou du logement...). Il est donc nécessaire de rationaliser les importantes sollicitations du champ médical et social auprès du dispositif de psychiatrie mais également de souligner les carences de la médecine scolaire, du secteur médico-social et de la médecine du travail dans le domaine de la santé mentale. En outre, la réglementation actuelle empêche les prises en charge conjointes sanitaire et médico-sociale (ex : prise en charge en hôpital de jour et en institut médico-éducatif). Par ailleurs, le manque de prise en compte du temps nécessaire aux équipes pour développer le travail en réseau est souligné.

Le maintien en hospitalisation de certains patients, faute de relais dans le secteur social ou médico-social, nuit à l’efficacité et à la qualité des interventions des professionnels de psychiatrie. Par ailleurs, la persistance de conditions d’hospitalisation dégradées dans certaines unités est une nouvelle fois signalée.

La place du secteur privé à but lucratif dans l’offre de soins psychiatriques n’est pas assez prise en compte dans l’organisation des réponses aux besoins de la population. Les complémentarités et les coopérations entre les secteurs public et privé sont peu développées et peu valorisées dans le domaine de la santé mentale.

Le secteur privé à but non lucratif rencontre des difficultés de reconnaissance et de financement (notamment des avenants agréés aux conventions collectives), même lorsqu’il participe au service public hospitalier. Cependant, le secteur privé à but non lucratif a su innover et proposer des expériences originales dans le cadre du secteur, du réseau ou d’une coopération avec les structures médico-sociales et les institutions scolaires et universitaires.

Dans la formation des psychiatres, la formation pratique reste majoritairement réalisée auprès de malades hospitalisés. Un décalage croissant entre l’enseignement et la recherche et la réalité de l’exercice médical est constaté.


Dernière mise à jour : lundi 24 juin 2002 19:36:50

Dr Jean-Michel Thurin