2.2                   Les infirmiers

La répartition des infirmiers dans les établissements de santé publics et privés reflète étroitement celle des capacités d’hospitalisation : 58 000 infirmiers équivalents temps plein[1] (ETP – y compris les personnels d’encadrements infirmiers), pour un peu plus de 71 000 lits.

En raison de leur diplôme et de leurs modalités d’exercice, il n’existe pas d’infirmiers de secteur psychiatrique en milieu libéral.

La part prépondérante du secteur public des capacités en lits et places (83 %) se retrouve accentuée au niveau des densités d’infirmiers exerçant dans ce secteur (94 %).

Dans les 15 départements où les capacités d’hospitalisation totales sont les plus élevées, la densité en infirmiers (personnel d’encadrements compris) est ainsi supérieure à 150 pour 100 000 habitants. Dans les 15 départements où les capacités sont les moins élevées, la densité en infirmiers est proche de 80 pour 100 000 habitants.

2.3                   Les psychologues

Selon la dernière enquête emploi, les psychologues sont estimés à près de 36 000 personnes salariées ou libérales. Les sources statistiques actuellement disponibles ne permettent pas de recenser en totalité le nombre de psychologues libéraux.

Selon la Statistique annuelle des établissements (SAE), on compte environ 4 000 psychologues ETP – soit seulement 1 pour 15 infirmiers – dans des services de psychiatrie des établissements de santé. Parmi eux, 80 % travaillent dans le secteur public.

 

2.4                   Capacités d’hospitalisation et densités en psychiatres

Les dotations en capacités d’accueil (lits ou places) et la densité de psychiatres installés ne coïncident pas. Les différents départements semblent au contraire se développer suivant des dimensions différentes et sans doute traduire une inégale transition entre deux modèles d’offre de soins psychiatriques. Certains départements présentent une offre de soins en psychiatrie exclusivement publique. Son développement y apparaît globalement problématique, d’autant que les capacités manquantes ne paraissent pas pouvoir provenir de reconversions, et que l’offre privée y est également faible.

Dans d’autres départements l’offre de soins psychiatriques apparaît peu dynamique et les capacités importantes en lits d’hospitalisation complète semblent surtout procéder d’un effet de rémanence. L’adaptation du dispositif de soins semble être d’autant plus difficile à mener dans ces départements que les densités en psychiatres y sont faibles.

La situation de certains départements apparaît relativement favorable malgré des capacités en lits et places faibles, car le dynamisme démographique et  économique local se traduit par des capacités d’accueil diversifiées et un nombre important de professionnels.

Enfin, dans d’autres départements où l’offre de soins en psychiatrie est élevée, deux modèles semblent coexister : d’un côté, une offre diversifiée associant hospitalisation complète et partielle, secteurs publics et privés, et professionnels de santé en nombre significatif ; de l’autre, la rémanence de capacités d’hospitalisation complète importantes dont une bonne part est d’origine ancienne et dont il faudra suivre à l’avenir la transformation progressive.[2]

 

L’offre de prise en charge médico-sociale

 

1                       Etat des lieux

 

Le secteur social et médico-social compte : 24 500 établissements et services correspondant à 1.05 million de lits ou places, plus de 400 000 salariés et des financements conséquents : 84 milliards de francs financés par la collectivité publique (42 milliards par l’assurance maladie, 33 milliards par les départements et 9 milliards par l’Etat).

Il existe actuellement en France 2.616 établissements médico-sociaux d’hébergement proposant 86 065 places à des personnes handicapées adultes, dont, pour les plus handicapées, 11.618 places en maisons d’accueil spécialisées (MAS). Les structures à vocation professionnelle sont au nombre de 1.912 et comportent 112.029 places, dont 13.600 en atelier protégé, 88.952 en centre d’aide par le travail (CAT) et 9.477 en centre de rééducation professionnelle.

Les établissements recevant des enfants et adolescents handicapés, avec ou sans hébergement, sont au nombre de 2.497 (125.500 places), dont 1.194 établissements d’éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients intellectuels, les plus nombreux, comportant 73.090 places.

Parmi les établissements pour enfants et adolescents, pour tous types de handicaps, 563 (13.804 places) sont des services autonomes d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

Il existe par ailleurs des structures spécifiques, à vocation régionale ou interrégionale, répondant aux problèmes d’autisme, de traumatismes crâniens, ou de certains handicaps rares.

 

Etablissements médico-sociaux pour adultes handicapés en 1998

 

ETABLISSEMENTS

PSYCHIATRES

PSYCHOLOGUES

 

Nombre d’établissements

Nombre de places en 98

Evolution  des places 98/88

en %

 

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Centres d’aide par le travail

1313

88 985

+37.4

80.7

-7

195.7

+30.1

Ateliers protégés

 

415

15 027

+130

 

 

 

 

Centres de rééduc. Et form. Prof.

84

9 477

+3.9

2.7

-41.6

30.6

+124

Foyers d’hébergement

1 236

39 497

+27.7

0.3

 

0.7

 

Foyers occupationnels

892

30 022

+117.4

0.2

 

0.6

 

Maisons d’accueil spécialisé

297

11 774

+149.1

35

+120

77.4

+167.8

Foyers à double tarification

191

6 427

 

18.6

 

45.7

 

 

Source : Ministère de l’emploi et de la solidarité – DREES


Etablissements et services médico-sociaux pour enfants handicapés

 

ETABLISSEMENTS

PSYCHIATRES

PSYCHOLOGUES

 

Nombre d’établissements

Nombre de places en 98

Evolution des places 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Et.d’éduc. spéc. Enfts def. Intellec.

1 194

73 518

-13,8

356

-46,5

924.5

+64.4

Instituts de rééducation

345

16 880

+23

133.4

+20

324.2

+48.7

SESSAD autonomes

563

13 466

+176.2

51.5

+121.1

226.4

+229

C. médico psycho-pédagogiques

532

Nbre d’enfts suivis

104 081

+2.8

242

-23.3

947.8

+14.2

 

Les établissements d’éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients intellectuels comportent : IME, IMP, IMPro et jardins d’enfants spécialisés. La diminution du nombre de psychiatres semble avoir été compensée par l'augmentation du nombre des psychologues.

Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) répertoriés ici sont les services autonomes, non rattachés à un autre établissement, pour tous types de handicap.

 

2                       Programmes et perspectives

 

2.1                   Deux plans pluriannuels pour les personnes handicapées

Deux plans pluriannuels pour les personnes handicapées sont en cours de réalisation pour répondre aux besoins encore insatisfaits, selon deux axes complémentaires : créer des places supplémentaires dans les établissements pour les personnes les plus lourdement handicapées, et améliorer l’intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire.

Le premier (1999-2003) comporte la création de 5.500 places en MAS et 11.000 places en CAT ou atelier protégé.

Le second (2001-2003), prévoit :

§       la création de places dans les établissements d’éducation spéciale pour les enfants lourdement handicapés, et la création de places adaptées pour les personnes handicapées vieillissantes, ainsi que pour les enfants, adolescents et adultes autistes et traumatisés crâniens.

§       le développement des services et aides à l’intégration dans le milieu de vie ordinaire tels que services de soins et d’accompagnement à domicile à l’intention des personnes handicapées, auxiliaires de vie, services d’éducation spéciale et de soins à domicile pour enfants et adolescents, ainsi que diverses mesures telles le développement de l’interprétariat pour personnes sourdes, ou le renforcement du parc de matériels pédagogiques et techniques des établissements scolaires pour la scolarisation des enfants handicapés.

§       le soutien à l’insertion professionnelle par le renforcement et la modernisation des ateliers protégés.

 

2.2                   Création de lieux ressource (guichet unique)

Des “ sites pour la vie autonome ” ont été expérimentés dans quatre départements et seront mis en place progressivement dans tous les départements d’ici trois ans : il s’agit de créer un lieu-ressource en ce qui concerne les solutions de compensation fonctionnelle du handicap. Un “ pilote ” est chargé de rassembler les différents partenaires en un comité, qui désigne une ou des équipes techniques compétentes pour l’élaboration des projets personnalisés avec des demandeurs, et qui rassemble les financeurs. L’Etat finance la coordination du système.

 

L’objectif est de faciliter la démarche de la personne handicapée, en lui offrant un “ guichet unique ”, où elle trouvera une équipe pluridisciplinaire qui pourra élaborer avec elle un bilan, et lui proposer un plan d’aide personnalisé assorti de préconisations pour des aides techniques (appareillages…), humaines, ou animalières, ainsi que pour les aménagements à apporter le cas échéant à son logement ; l’objectif est également de faciliter le financement des aides ou aménagements préconisés, en rassemblant les financeurs et en créant un fonds de compensation, avec la participation financière de l’Etat.

 

 

2.3                   Plan d’amélioration des COTOREP

 

Un plan d’amélioration du fonctionnement des Commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) a été mis en place, afin que ces commissions répondent mieux aux missions que leur donne la loi : reconnaître et évaluer le handicap des personnes qui en font la demande, les conseiller, décider des orientations vers les structures médico-sociales et le milieu de travail protégé, attribuer les cartes d’invalidité et les allocations (AAH : allocation pour adulte handicapé, et ACTP : allocation compensatrice pour l’aide d’une tierce personne). Pour évaluer le handicap, ces commissions, comme leurs équivalentes pour les enfants et adolescents, les commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES), utilisent un “ guide-barême ” qui est lui aussi actuellement en révision afin de mieux prendre en considération le retentissement du handicap sur la vie quotidienne des personnes.

 

 

2.4                   Plan Handiscol

Afin d’améliorer la scolarisation en milieu ordinaire, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’emploi et de la solidarité ont lancé conjointement, en avril 1999, le plan Handiscol, qui comporte vingt mesures, telles l’édition d’un guide à l’intention des parents et familles, la création d’une cellule d’écoute sur toute question concernant la scolarisation d’un enfant handicapé, la création d’un groupe de coordination dans chaque département, le développement des classes d’intégration scolaire (CLIS) dans le primaire et des unités pédagogiques d’intégration (UPI) dans le secondaire, ou la formation des enseignants. Le développement des services médico-sociaux d’accompagnement, en particulier les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), viendra à l’appui de cette politique d’intégration.

 

2.5                   Convention AGEFIPH

Pour relancer l’insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire, l’Etat a passé avec l’AGEFIPH une convention pluriannuelle d’objectifs (1999-2003) visant à faire progresser le taux d’emploi des entreprises vers les 6% prévus par la loi (actuellement le taux se situe à 4%), et à augmenter l’effort de formation, d’apprentissage et d’orientation des personnes handicapées. Un programme exceptionnel (1999-2001), est mis en place par l’Agefiph pour la préparation et l’accompagnement de l’insertion des personnes handicapées, le développement et la modernisation des dispositifs d’orientation et de formation professionnelle, et la valorisation de l’action des entreprises. Ce programme est mis en œuvre par les délégations régionales de l’Agefiph, en cohérence avec les programmes départementaux d’insertion des personnes handicapées.

 

 

2.6                  Le projet de réforme de la loi 1975

Présenté au parlement en juillet dernier, ce projet de réforme de la loi sur les institutions sociales et médico-sociales contient des dispositions visant :

§       à assouplir et diversifier les institutions sociales et médico-sociales,

§       organiser leur coordination et le partenariat, notamment avec les établissements de santé,

§       promouvoir les droits des usagers, et

§       instaurer les schémas d’organisation sociale et médico-sociale, principalement départementaux.

 

Le projet prévoit également l’obligation pour les établissements de procéder à l’évaluation de la qualité des prestations qu’ils délivrent, au regard de références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles, qui seraient élaborées par un conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. Il faut remarquer que, à l’instar des établissements pour personnes âgées où les outils de l’auto-évaluation sont déjà installés, les établissements pour personnes handicapées amorcent une démarche qualité et la construction d’outils adaptés, prenant ainsi les devants.

 

3        La question du handicap psychique

 

Le droit des personnes souffrant de troubles mentaux suffisamment graves et prolongés pour être invalidants, à bénéficier de l’ensemble du dispositif destiné aux personnes handicapées a rencontré dès l’origine des obstacles majeurs :

§       du fait de l’inscription dans la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de 1975, en son article 47, d’une disposition particulière aux “ malades mentaux dont l’état ne nécessite plus le maintien en hôpital psychiatrique mais qui requièrent temporairement une surveillance médicale et un encadrement en vue de leur réinsertion sociale ”. A l’époque, les professionnels de la psychiatrie répugnaient eux-mêmes à “ enfermer les malades dans un statut de handicapé ”. Il en est résulté un traitement particulier des personnes handicapées du fait de la maladie mentale, en quelque sorte soumises à une injonction de guérir, et exclues notamment des structures relevant des conseils généraux, qui y voyaient un transfert de charges indues.

§       du fait de la nature du handicap, “ invisible ” selon l’expression utilisée par les spécialistes du traumatisme crânien, irrégulier, imprévisible, et avant tout très méconnu de la population comme de la plupart des professionnels dans le champ du handicap.

Cependant, une évolution considérable s’est accomplie depuis. Tout d’abord, les concepts de déficience, incapacité et désavantage avancés par WOOD au début des années 80 ont clarifié la notion de handicap et permis de sortir de l’opposition maladie/handicap ; le guide-barême pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées comporte un chapitre sur les déficiences du psychisme en totale rupture avec les logiques antérieures.

Ainsi, le dispositif médico-social s’est peu à peu ouvert aux usagers de la psychiatrie. En 1998, 24,2% des demandeurs d’allocation pour adultes handicapés le font au motif d’une déficience psychique, dont 78% bénéficieront d’un accord. Dans le CAT, 13,9% des personnes accueillies au 1er janvier 1996 présentaient une déficience principalement psychique.

Les carences restent toutefois très importantes, en matière d’intégration en milieu ordinaire, de soutien des familles, et peut-être de places en établissements.

Il paraît indispensable, à la faveur de la dynamique à l’œuvre dans le champ du handicap :

§       d’évaluer le besoin dans les institutions d’hébergement et d’aide au travail (en nombre et en qualité). Il importe notamment que la transformation des hôpitaux psychiatriques s’effectue en considération des besoins réels, et non de nécessités institutionnelles.

§       d’utiliser toute la palette du médico-social, et notamment les services d’accompagnement ou d’aide à domicile, à l’école ou sur les lieux de travail.

 

En termes de lits et places, nous pouvons constater qu’à l’issue de cette décennie il y eu suppression de 33420 lits en psychiatrie et parallèlement création de 30000 lits en MAS et Foyers.


Des droits spécifiques pour les personnes atteintes de troubles mentaux

1.    La loi du 27 juin 1990

 

La loi n°90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux pose le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation et affirme le droit à la dignité de ces personnes et à leur réinsertion sociale.

La loi du 27 juin 1990 énonce l’exception de l’hospitalisation sans consentement de la personne souffrant de troubles mentaux, qui peut être déclinée sous deux régimes d’hospitalisation sans consentement : à la demande d’un tiers (HDT) ou d’office (HO), prononcée par le préfet pour des motifs différents. Pour l’HDT, c’est l’impossibilité de donner son consentement et la présence d’un état nécessitant des soins immédiats assortis d’une surveillance en milieu hospitalier. Pour l’HO, il s’agit d’une atteinte à l’ordre public ou à la sûreté des personnes. Le contrôle de ces mesures est réalisé par le juge judiciaire a posteriori seul (HO) ou avec le préfet (HDT).

De 1988 à 1998 on note une augmentation de 57% des hospitalisations sans consentement. Toutefois, il faut relativiser ce taux par rapport à l’ensemble des hospitalisations.  Le nombre global des hospitalisations en psychiatrie ayant lui-même beaucoup augmenté, le taux d’hospitalisation sans consentement représentait en fait en 1997, 13 % du total des hospitalisations en psychiatrie, contre 11% en 1988. Par contre la durée moyenne de séjour est passée dans le même temps à 37.5.

En outre, on assiste au développement des hospitalisations sans consentement après une mesure d’urgence (61% des mesures d’HO, et 30% des mesures d’HDT en 1998). Le public concerné relève de plus en plus des troubles du comportement.

2        Les limites de la Loi

Les limites dont souffre la loi spécifique sur les personnes souffrant de troubles mentaux sont :

§       La restriction du traitement psychiatrique au seul milieu hospitalier : la durée de séjour diminue et le nombre de séjours est plus fréquent ;

§       Le régime de l’HO axé sur un objectif sécuritaire d’ordre public.

§       Des difficultés au niveau des sorties des personnes sous HO ;

§       Des sorties d’essai d’une durée exagérée maintenant de fait une obligation de soins.

 

Le Conseil de l’Europe, la jurisprudence, l’évolution des attentes par rapport à la psychiatrie et les dysfonctionnements constatés dans l’application de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux impliquent une redéfinition des droits des personnes atteintes de troubles mentaux, droits fondamentaux et droits aux soins. Le projet de loi portant modernisation du système de santé renforcera les droits fondamentaux des malades et le rôle des usagers dans le système de santé.

 

 



[1] Ce chiffre comprend les infirmiers de secteur psychiatrique et les infirmiers DE exerçant dans un service de psychiatrie.

[2] DREES, ibid cit.

suite


Dernière mise à jour : dimanche 4 mars 2001 0:24:10
Dr Jean-Michel Thurin