Les administrations
Le d�ploiement de la psychiatrie vers le champ de la sant� mentale se fera avec les administrations
Actuellement, la programmation h�site entre les diff�rents niveaux g�ographiques (r�gion, d�partement, �tat), elle multiplie les documents. La psychiatrie ne b�n�ficie pas toujours d’un soutien important des services d�concentr�s de l’�tat�; on pourrait dire quelle est devenue, au fil des ans, une sous-planification. La reconnaissance que la sant� mentale devrait �tre un domaine d�clin� � chaque niveau� (Etat - r�gion - d�partement - local) n’a jamais �t� fait et assurerait pourtant des coh�rences entre d�cideurs.
Le peu d’investissement des services d�concentr�s est �� rapprocher du probl�me de la r�organisation des services centraux, dont le fonctionnement en ��tuyau d’orgues�� ne contribue pas � une clarification de la commande mais renforce, l� aussi,� la segmentation des probl�mes.
Segmentation que l’on retrouve sur le plan des d�coupages territoriaux�: chaque service de l’Etat (sanitaire, m�dico social, �ducation nationale, justice) et des collectivit�s locales (ASE�; circonscription, coordination g�rontologique, centres de secours etc�) dispose d’un d�coupage diff�rent, d�coupages auxquels s’ajoutent maintenant les ��Pays��.
Les professionnels de sant� publique de terrain attendent depuis des lustres de voir la DATAR, l’INSEE ou le Commissariat g�n�ral au Plan, proposer � l’ensemble des partenaires des zonages g�ographiques qui pourraient �tre communs � tous les intervenants en s’embo�tant les uns dans les autres de l’aire la plus petite � la plus grande.
Les sch�mas r�gionaux d’organisation sanitaire (SROS) distinguent les activit�s de M�decine-Chirurgie-Obst�trique (MCO) de la psychiatrie. M�me si l’on peut noter un fr�missement avec l’adoption r�cente de quelques SROS de deuxi�me g�n�ration unifi�. L’espace sanitaire r�gional, tout comme les territoires pertinents ou bassins de sant�, militent pour une planification r�gionale. L’unicit� du SROS (MCO, psychiatrie) gagnerait alors en coh�rence.
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Les services de l’�tat mettent toujours en avant la planification MCO et lui� attribuent hommes et comp�tences. Souvent, les autres planifications sont effectu�es de surcro�t. Ici, il faut clairement �tablir les responsabilit�s, la m�me exigence de service public, la m�me formation des acteurs et des responsables. C’est aussi un engagement de ces professionnels qui permettra un changement institutionnel dans l’appareil de l’�tat.
La planification de l’offre de soins psychiatriques souffre �galement d’une carence majeure d’articulation avec la planification m�dico-social.� Dans ce domaine, la situation est relativement semblable. Pour les prises en charge par le m�dico-social, sans plans et sans programmes articul�s tout peut �tre fait, y compris le pire, c’est-�-dire la confusion des genres et les cr�ations de ��structures d�potoirs�� ou de ��nouveaux ghettos sociaux���? (MAS, Foyer � double tarification etc).
Il en va de m�me pour la coh�rence des Plans R�gionaux d’Acc�s � la Pr�vention et aux Soins (PRAPS), (toutes les r�gions, sauf une, ont plac� la Sant� Mentale en priorit� dans leurs dispositifs), des Conf�rences de Sant� et des SROS.
Tout se passe comme si les conducteurs de ces travaux (DGS-DHOS-DGAS) poursuivaient parall�lement des objectifs parfois identiques et parfois divergents. Or, il existe depuis 1998 dans chaque r�gion un comit� r�gional des politiques de sant� o� se retrouvent notamment les services de l’Etat, les collectivit�s territoriales et les organismes d’assurance maladie. C’est en principe une instance de concertation, de suivi et d’�valuation des priorit�s de la conf�rence r�gionale, du PRAPS et des autres programmes r�gionaux de sant�. La question est de savoir si leur efficacit� a �t� �valu�e�: ces comit�s� remplissent-ils pleinement leurs missions et impulsent-ils des actions�?
Plusieurs groupes de travail coordonn�s par�la Direction des H�pitaux et de l’Offre de Soins tentent depuis bient�t dix ans, d’�laborer un programme de m�dicalisation du syst�me d’information (PMSI) adapt� � l’activit� des services de psychiatrie. Les �ch�ances de test et de mise en application sont sans cesse repouss�es, les concepteurs eux-m�mes doutant de la pertinence de l’outil qu’ils continuent pourtant de d�velopper.
On peut s’inqui�ter des carences massives du plan de communication qui accompagne actuellement la mise en �uvre de ce PMSI-Psy qui est charg� d’autant de fantasmes qu’il est obscur, centr� sur l’hospitalisation temps plein, beaucoup trop bureaucratique dans sa mise en acte, favorisant et renfor�ant les r�ponses hospitali�res, au d�triment du travail en r�seau et n’�valuant pas l’offre de soin associative et �lib�rale�.
Le risque d�j� annonc� et pr�vu est que cet outil permettra de mettre en �vidence des "profils" d’�tablissements et des �carts par rapport � une moyenne. Il ne permettra peut-�tre pas de d�terminer quel est le ��bon profil�� pour r�pondre aux besoins de prise en charge en mati�re de sant� mentale aujourd’hui. D’une certaine fa�on le PMSI-Psy para�t � beaucoup de professionnels comme un ��contre sens�� et une modalit� ��impertinente�� de recueil de donn�es.
Au-del� d’un classement des �tablissements ��chers et pas chers��, les informations recueillies par le PMSI-Psy permettront au mieux de mettre en �vidence le fait que les prises en charge sont tr�s diff�rentes, pour des patients aux caract�ristiques semblables. Mais ces r�sultats ne sont-ils pas d�j� connus�? En effet, on sait d�j� que, selon les secteurs, des patients sont en hospitalisation compl�te, d’autres en h�pital de jour, quasiment � temps plein, d’autres en h�pital de jour s�quentiel, en CMP prolong�, d’autres dans le secteur m�dico-social, et les psychiatres avouent que �ce sont les m�mes�. Le PMSI va donc dire que ces "m�mes" patients sont tant�t ici et tant�t l�, selon les services et les secteurs. On peut � juste titre se demander si la montagne ne va pas accoucher d’une souris.
Il faudra obligatoirement passer par un outil pertinent d'�valuation des pratiques des STP et RTSM. Cet outil devra �tre bas� sur le dossier du patient qui doit recueillir l'ensemble des actes de soin le concernant.
L’activit� d’un service n’est pas corr�l�e avec son effectif de personnel. Mais pour que le d�bat s’engage, il faut tout conna�tre et garantir la transparence dans les �quipes soignantes et � l’ext�rieur. C’est le pr�alable � l’�galit� des fran�ais devant les soins.
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Les strat�gies de soin en sant� mentale s’inscrivent dans la dynamique plus vaste des �volutions sociologiques et donc dans l’action politique au sens strict d’���ensemble des options prises collectivement ou individuellement par le gouvernement d’un Etat ou d’une soci�t���[1].�
L’absence de dispositif de secteur r�ellement int�gr� dans la communaut� (ce qui est le cas de la majorit� des secteurs existants), t�moigne de la carence conjugu�e de volont� politique et professionnelle � le r�aliser, au profit d’un hospitalocentrisme dominant.
La d�cision politique de confier la gestion du secteur psychiatrique � l’h�pital, en 1986, est de ce point de vue une date historique de remise en cause des principes de la sectorisation, comme de toute autre forme de v�ritable psychiatrie communautaire.
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Cette d�cision n’a pas permis de r�aliser le but poursuivi par ceux qui l’avaient pens��au moment de l’�laboration de la politique de sectorisation � savoir : transf�rer le budget des sites hospitaliers vers la communaut�.
Il faut situer la Sant� Mentale dans la dynamique g�n�rale d’int�gration, d’inclusion et tourner le dos � la dynamique ancienne de la psychiatrie qui participait des strat�gies d’exclusion. Notons que l� o� les acteurs l’ont voulu , avec quelle �nergie, l’int�gration dans la communaut� a �t� r�alis�e. Mais les exp�riences en France se sont souvent born�es � des r�alisations tr�s partielles, trop souvent d�pendantes de l’engagement d’une ou deux personnes motiv�es. Le secteur priv� associatif s’est la plupart du temps gliss� dans les niches laiss�es en friches par le secteur public, sans en changer son fonctionnement, aggravant en cela l’�loignement du dispositif psychiatrique de la communaut� urbaine. La rupture avec cette perspective gestionnaire, administrative et technicienne, impose de nouvelles organisations. Il faut d�placer le centre de gravit� de ce syst�me de l'h�pital vers la cit�.
Cependant, aujourd’hui, ce cours de rupture avec les strat�gies de discrimination, de s�gr�gation, d’exclusion se heurte � plusieurs r�alit�s politiques majeures�:
������� la gestion du dispositif dans la conception des logiques hospitali�res donne � l’administration des h�pitaux le pouvoir de conforter souvent le secteur comme une excroissance de l’h�pital - l’extra-hospitalier - et non d’administrer le secteur comme le g�rant, l’organisateur et le garant (avec la place des usagers et de leurs associations�!) d’une psychiatrie ouverte � la ville et centr�e sur la personne (sa singularit�, son parcours et son environnement)�;
������� l’instrumentalisation des sentiments d’ins�curit� de la population se retrouve en� psychiatrie par la volont� de continuer � lui faire jouer un r�le s�curitaire important�; les patients sont donc abord�s comme porteurs de danger social (troubles de l’ordre public et � la s�curit� des personnes�; nuisances par leur �tre ��a-social et d�viant�� et leur maladie, ...).
������� Enfin, le point de r�sistance majeur � la r�alisation compl�te de la politique de sectorisation est le frein serr� que repr�sente la survivance des concentrations psychiatriques hospitali�res, toujours install�es dans les lieux des anciens asiles de la fin du 19�me si�cle, qui ne peuvent, car ce serait contre nature, programmer de l’int�rieur leur transformation institutionnelle.� Presque tout les en emp�che�:
������ la tradition asilaire qui est attach�e � l’histoire de ces institutions�;
������ l’impr�paration de l’opinion publique et la stigmatisation encore tr�s forte qui colle � la personne dite ��malade mentale���;
������ les formations hospitalo-centriques de tous les personnels (administratifs, m�dicaux et non m�dicaux) qui sont mal pr�par�s pour envisager leurs pratiques professionnelles dans les perspectives d’�volution dynamique qu’imposent les missions de sant� mentale�;
������ les fonctionnements hi�rarchiques fig�s, issus directement du fonctionnement asilaire et de la tradition mandarinale hospitalo-universitaire ;
������ la tendance actuelle au repli derri�re les diff�rents statuts professionnels, la technocratisation et la hi�rarchisation nocives qui aboutit � des clivages dans l’�quipe pluri-professionnelle et � la sous-utilisation des plus nombreux acteurs du soin�: les infirmiers�;�
������ la part grandissante de la population en situation de pr�carit� et l’�tat de suffocation des acteurs sociaux (dont les dispositifs sont pour le moins difficile � d�crypter)�;
������ la m�fiance historique de ces acteurs sociaux face � la psychiatrie (corr�l�e � la stigmatisation et � l’exclusion qui s’attachent aux personnes ainsi qu’� la frilosit� du travail ambulatoire) qui se double d’une m�connaissance de ses �volutions, le tout entretenu par les malentendus plus ou moins volontairement mis en avant par certains professionnels des deux champs�;
������ l'assimilation syst�matique des troubles du comportement aux troubles mentaux�;
������ l’augmentation croissante des demandes d’hospitalisation du fait d’urgences surcharg�es, du recours parfois abusif aux internements, favorise le repli dans l’h�pital et parfois am�ne � des demandes paradoxales de r�ouverture de lits dans les secteurs�;
������ la r�ticence des �lus locaux � mettre en �uvre ce changement de fonctionnement des CHS, pour des raisons d’am�nagement du territoire, de craintes pour l’emploi ou dans un souci purement client�liste�;
������ l’extr�me rigidit� de notre soci�t� qui sait tr�s bien empiler les r�ponses en strates fig�es et est incapable de faire �voluer ces r�ponses et encore moins de supprimer celles qui se r�v�leraient inad�quates quand ce n’est pas inopportunes.
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Pourtant, il n’y a aucun argument scientifique, th�rapeutique, �thique, �conomique, social au maintien des h�pitaux psychiatriques dans le monde[2].
La tendance actuelle du syst�me psychiatrique fran�ais est orient�e vers un �clatement des dispositifs de soin en Sant� mentale avec�:
Une m�decine psychiatrique qui re�oit pr�f�rentiellement les classes ais�es qui s’adressent � la psychiatrie ��lib�rale�� (nous mettons entre guillemets pour souligner la particularit� de ce priv� � but lucratif, qui est financ� essentiellement par les deniers publics, par le biais des remboursements de la S�curit� Sociale).
Cette offre de soin est� pl�thorique et prot�iforme � Paris, mais aussi � Lyon, en r�gion PACA et dans d’autres grandes villes universitaires. Cette offre in�gale sur le territoire national entra�ne des r�ponses in�gales et n’assume que de mani�re marginale ou individuelle, un r�le dans les actions de sant� publique, les soins d’urgence, les pathologies graves. Ainsi, seuls 0,7% des actes des psychiatres ��lib�raux�� franciliens sont-ils des actes de pr�vention[3]. Par ailleurs, la psychiatrie�� lib�rale�� concerne beaucoup plus les personnes c�libataires et divorc�es.
Il ne s’agit pas pour nous de m�conna�tre la g�ne aff�rente aux troubles mentaux dits ��mineurs��. Celle-ci est bien r�elle et doit �tre prise en compte car, en terme de sant� publique, on sait combien les troubles n�vrotiques par exemple sont pourvoyeurs de d�pressions graves, tentatives de suicides, conduites addictives, surconsommation m�dicale, arr�ts de travail etc. Mais il n’est pas �vident que certains troubles psychiques doivent �tre pris en charge automatiquement ou exclusivement par des psychiatres.
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La psychiatrie publique qui s’adresse, en th�orie, � toutes les populations est le plus souvent utilis�e par les cat�gories les moins ais�es, les pauvres et les d�munis. Ce sont aussi globalement les personnes les plus gravement atteintes psychiquement et socialement�; et l’on conna�t les liens dialectiques entre situation sociale d�favoris�e et �tat de sant� d�grad�. Les relais de la psychiatrie publique avec la psychiatrie ��lib�rale�� et le champ social sont variables d’un secteur � l’autre et globalement insatisfaisants.
Ailleurs une pratique de la psychiatrie trop exp�ditive dans les dur�es de s�jour, non articul�e � des� pratiques fortes de soins, d’insertion et d’accompagnement dans la communaut�, entra�ne souvent des ph�nom�nes d’exclusion d’un certain nombre de patients.� Nous voyons cela dans les sorties parfois trop rapides de l’h�pital de patients en souffrance psychique et en situation de d�tresse sociale.� Ils sont alors orient�s dans les structures sociales qui, sans le soutien des �quipes de soin, sont rapidement d�pass�es par la probl�matique des troubles psychiatriques. A l’inverse les prolongations abusives d’hospitalisations, parfois par absence de r�ponses sociales adapt�es, entra�nent �galement des situations d’exclusion.
La psychiatrie publique, qui couvre en r�alit� un vaste champ, a �t� souvent cantonn�e ou s’est souvent r�fugi�e dans la sp�cificit� de soigner les psychotiques, sp�cificit� parfois revendiqu�e contre l’id�e m�me de psychiatrie ouverte aux questions des souffrances psychiques communautaires. L’exp�rience montre que les r�sultats sont limit�s. Les soins en hospitalisation sont globalement insatisfaisants. La prise en charge de la psychose doit donc �tre pens�e majoritairement hors des structures d’hospitalisation.
La psychiatrie
n’est pas une discipline comme les autres.
Le paradoxe qu’elle doit r�soudre est de r�aliser son
int�gration tout en assurant le maintien de son identit�.
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Pour les populations les plus exclues, il existe une prise en charge sociale des souffrances psychiques qui entretient des liens t�nus avec la sant� mentale, quand ils existent. L� encore la situation est variable suivant les zones car il existe ici et l� des exp�riences innovantes et probantes. La demande de travail en commun avec la psychiatrie �nonc�e par les travailleurs sociaux n’a jamais �t� aussi grande.
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Cette tendance � une psychiatrie � plusieurs vitesses ne demande qu’� s’accentuer si l’on ne prend pas les d�cisions politiques urgentes pour l’inverser, c’est � dire si l’on ne red�finit pas l’organisation de l’ensemble de l’offre de soin.
Cependant les avanc�es th�oriques, l’�volution des techniques, les r�sultats th�rapeutiques, la volont� de nombreux professionnels, une partie de l’opinion publique, presque tout, depuis un demi-si�cle, participe du rapprochement et d’une meilleure int�gration entre la psychiatrie et le reste de la m�decine (en ce qui concerne les psychiatres lib�raux c’est fait depuis longtemps, selon les r�gles du lib�ralisme bien entendu).
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On peut souligner un certain nombre d’erreurs commises au niveau national,�dans l’histoire r�cente de l’organisation de la psychiatrie de secteur :
������� le d�faut, pour ne pas dire l’absence, par les pouvoirs publics, de conduite de la politique annonc�e�;
������� le d�bat, qui est rest� un d�bat de sp�cialistes, doit en sortir pour impliquer l'ensemble de la soci�t�
������� le pouvoir de d�cision concernant le d�veloppement de la sectorisation a �t� confi� aux �tablissements hospitaliers sous le contr�le des tutelles, d’orientation plus� comptable que sant� publique. En effet, si on ne s’arr�te pas � quelques exemples isol�s rassemblant exceptionnellement des personnalit�s aux objectifs convergents, le constat n’est pas positif, quel que soit l’�tablissement hospitalier si�ge des secteurs de psychiatrie�:
������ Dans les h�pitaux g�n�raux les secteurs qui se sont implant�s, avec peu de moyens pour la plupart d’entre eux, ont g�n�ralement vu leurs projets et leurs moyens soumis � la concurrence in�gale des projets des autres sp�cialit�s m�dicales (chirurgie, radiologie�) ainsi qu’aux logiques hospitalo-centriques qui les fondent. Il suffit pour comprendre de se reporter, par exemple, aux diff�rentes publications issues de l’association PsyG� et aux interventions des professionnels des secteurs de psychiatrie implant�s dans ces structures qui d�crivent tous des situations de p�nurie et de carence dans les possibilit�s d’offre de soin.�
������ Dans les centres hospitaliers sp�cialis�s le m�me constat peut �tre fait, avec certaines nuances cependant dues � l’absence de concurrence avec les exigences des services somatiques, en raison de la pr�valence des logiques hospitalo-centrique et comptable qui sont � la base du fonctionnement de beaucoup de directions et des tutelles (quand elle ne voient pas la psychiatrie comme une r�serve de� personnels).
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Le r�sultat de
tous ces facteurs est un d�veloppement in�gal des pratiques de
soin dans la communaut�.
�Il y a l�
d�monstration de l’incompatibilit� actuelle entre la logique
hospitali�re et la logique de d�veloppement de la psychiatrie
vers le champ de la sant� mentale.
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Il y a n�cessit� � revoir la loi de 1990 et nous apportons ici, modestement car le sujet est� d’une extr�me complexit�, notre contribution � un d�bat qui devrait pr�c�der l’�laboration d’une loi nouvelle.
Le nombre des soins sous contrainte n’a pas fortement augment� ces derni�res ann�es, passant de 11 � 13% des hospitalisations. C’est beaucoup plus le nombre des hospitalisations qui a augment� alors que les dur�es moyennes de s�jour continuaient de d�cro�tre.
Selon une enqu�te,� portant sur 80% des d�partements fran�ais, en 1999, 13% des entr�es en secteurs de psychiatrie l’ont �t� sous contrainte[4].
������� 46 000 en HDT, dont 14 000 selon la proc�dure d’urgence (un seul certificat m�dical), dont 6 400 d’une dur�e de plus de 3 mois et donnant lieu � 10 262 sorties d’essai�;
������� 7.450 en HO, dont 5 000 en urgence par les maires dans le cadre de mesure provisoire, dont 1 900 d’une dur�e sup�rieure � 4 mois et donnant lieu � 7 115 sorties d’essai.
Au-del� des chiffres, le sens m�me de ces soins contraints est � interroger.
En France on identifie toujours, pour les traitements psychiatriques sous contrainte, la notion de danger pour soi-m�me et celle de danger pour autrui. Pour nous ces deux notions devraient �tre tr�s nettement distingu�es.
Le danger pour autrui
La mise en danger d’autrui renvoie � l’ordre public. Cette notion entre dans le cadre des missions de chaque Etat qui doit garantir la s�curit� des citoyens par la Loi, les proc�dures et les moyens pour l’appliquer. Dans un �tat de droit les citoyens doivent respecter la Loi et ne pas porter atteinte aux personnes et aux biens. La justice et la police sont l� pour veiller au respect de ces lois.
Le R�seau Europ�en des usagers et survivants de la psychiatrie, que nous ne suivons pas, justifie le danger pour autrui tout en refusant la notion de soin obligatoire en cas de danger pour soi et pr�f�re que le placement involontaire en psychiatrie soit une d�tention argument�e par la dangerosit� et non un temps de ��traitement obligatoire�� argument� par l’�tat psychiatrique de la personne concern�e.
Si, pour raison de dangerosit� envers autrui, ��d�tention�� il doit y avoir, celle-ci ne peut �tre pens�e que dans un cadre p�nitentiaire (o� des soins peuvent et doivent �tre apport�s) et non pas dans un cadre soignant psychiatrique. On est alors dans le droit commun et il n’y a pas lieu d’inventer des mesures sp�cifiques pour telle ou telle cat�gorie de contrevenant.
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Le danger pour soi
Par contre le danger pour soi-m�me r�f�re aux notions de libert� individuelle d’une part et d’assistance � personne en danger d’autre part. Donc � la fois � la justice comme garante de ces droits et � la sant� pour les soins. En effet il s’agit avant tout de respecter la libert� individuelle. La soci�t� exige �galement des professionnels de sant� qu’ils portent assistance aux personnes en danger pour elles-m�mes (et qui ne sont pas en mesure, pour de multiples raisons, de donner leur accord aux soins).
Cette absence de distinction entre danger pour soi et autrui pr�sente l’inconv�nient de confondre les soins obligatoires et l’ordre public, la sant� et la justice.
Actuellement cette assimilation, qui concerne uniquement les malades mentaux, est g�r�e par les pr�fets qui ont le double pouvoir sanitaire et de police. Il n’est pas souhaitable que cette organisation, d�sormais unique en Europe, persiste.
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En ce qui concerne les soins aux personnes plac�es sous main de justice, et � la suite des tr�s nombreux ouvrages et rapports parus ces derniers mois, il ne peut �tre seulement envisag� une simple adaptation de l’offre actuelle des soins sp�cialis�s. La question du sens que donne la soci�t� � l’appareil p�nitentiaire est au centre de la r�flexion. ��Surveiller et punir�� r�sumait en son temps M. Foucault.
C’est dans la position du na�f que nous pouvons poser la question du sens de la prison. Pourquoi celle-ci se cantonnerait-elle � la part s�curitaire, coercitive, punitive - l�gitime et importante bien entendu - de sa mission�? Dans cette part d’enfermement des hommes, l’exp�rience prouve que les cages n’ont jamais appris � vivre, au contraire. L’autre mission essentielle de la prison est de pr�parer ces hommes � un retour � la libert� dans une perspective, apais�e, d’insertion qui �loigne la tentation de la r�cidive.
L’�volution fondamentale des orientations, des organisations et des moyens internes au milieu p�nitentiaire est un pr�alable indispensable.
S’il ne suffit pas d’humaniser ou de r�habiliter les locaux, il faut en revanche rendre d�centes les conditions de vie des d�tenus[5]. Le d�bat doit �tre national et il est urgent, car la situation actuelle dans les �tablissements est explosive.
Au Centre de D�tention des Jeunes de Fleury M�rogis, la preuve est donn�e que des modifications, sans exc�s, de l’organisation du travail de surveillance ont, en un an seulement, supprim� quasi automatiquement la violence des jeunes d�tenus. En Su�de nous avons visit� une prison qui pr�sentait quelques solutions int�ressantes. Mais l’on sait que les moyens y sont 6 fois plus importants qu’en France et que 2 surveillants sur 3 sont en fait des �ducateurs.
C’est un d�fi, mais comment ne pas s’y engager�? Des �tablissements de petite dimension, des conditions s�curitaires adapt�es aux diff�rentes personnes d�tenues et non pas les plus strictes pour tous. Des innovations pour r�soudre la contradiction qui transforme les pr�sum�s innocents que sont les pr�venus, en d�tenus particuli�rement surveill�s�; des regroupements semi ouverts seraient novateurs.
L’exp�rience, issue du cheminement de la psychiatre des anciens asiles vers les h�pitaux�puis le travail de secteur,� nous a appris que� le changement de notre regard sur les ��ali�n�s�� a permis les transformations institutionnelles radicales.
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L’organisation actuelle des soins psychiatriques aux d�tenus a montr� ses limites et ne doit plus �tre prise en exemple immuable pour l’�volution future.
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Les �quipes des Services M�dico-Psychologiques R�gionaux (SMPR) dispensent des soins psychiatriques dans les centrales ou les maisons d’arr�t, aupr�s des d�tenus souffrant de probl�mes psychologiques. Quand la pathologie psychiatrique devient trop ��lourde��, le d�tenu peut �tre transf�r� en service d’hospitalisation psychiatrique, sur ordre du Pr�fet (article D398 du CPP). Il revient alors aux �quipes de soins des secteurs ordinaires d’assurer � la fois la garde du d�tenu et les soins psychiatriques requis.
L'article D 398 du Code de Proc�dure P�nale transforme obligatoirement l'�tablissement de soins en �tablissement d'enfermement... Il pr�suppose en outre que le soin psychiatrique se fera n�cessairement en pavillon ferm�, ce qui n'est plus obligatoire depuis la loi n� 90-527 du 27 juin 1990 du Code de Sant� Publique, qui fait dispara�tre toute r�f�rence � l'enfermement qui �tait juridiquement la r�gle sous l'empire de l'ancien texte du 30 juin 1838."[6]
Si le d�tenu-patient est violent ou jug� potentiellement dangereux, il peut �tre transf�r� en Unit� pour malades difficiles (UMD). Toutefois, les UMD n’accueillent que peu de d�tenus (cf. plus loin).
Le fonctionnement de nombreuses �quipes des SMPR, au regard de l’offre de soin propos�e, para�t assez restrictif et insuffisamment d�ploy� dans l’espace et dans la dur�e. Les �quipes des actuels SMPR fonctionnent la plupart du temps ��en vase clos��. Cet isolement se manifeste notamment par l’�norme difficult� � mettre en place les suivis sp�cialis�s apr�s la d�tention, avec les CMP concern�s. Cela se manifeste aussi par des hospitalisations obligatoires (suivant l’article D398), mal pr�par�es, mal comprises et souvent b�cl�es rapidement par les secteurs, effray�es par l’��ʎtiquette�� de d�tenu, et ceci in fine au d�triment des soins aux personnes.
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Il n’est plus possible de continuer � passer sous silence que les SMPR n’ont jamais �t� en mesure d’assurer, dans le cadre des �tablissements p�nitentiaires, des soins en hospitalisation compl�te.
La grande majorit� des psychiatres travaillant en prison estiment que l’on ne peut forcer quelqu’un � se soigner en prison, car cela correspondrait � un doublement de la peine�: rajouter une ��peine�� psychiatrique � la peine judiciaire. Mais la double peine ne serait-elle pas plut�t de ne pas donner de soins � quelqu’un qui en n�cessite�? En effet, personne ne remet en question la double peine que constitue de fait, la mise en UMD ou en chambre d’isolement dans un service de psychiatrie de secteur, avec soins impos�s�et pour le moins non satisfaisants !
Sachant que 80% des budgets de la psychiatrie en milieu carc�ral vont dans les SMPR, que ceux-ci ne sont que 26 et qu’il y a 187 �tablissements, il est �vident que les moyens ne sont pas donn�s pour la prise en charge psychiatrique des d�tenus en dehors du travail fait par les �quipes des SMPR, dont la motivation et l’engagement professionnel sont � souligner.
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Les quatre Unit�s pour Malades Difficiles (UMD), situ�es dans les CHS et totalisant environ 400 lits, prodiguent des soins sp�cialis�s de qualit�� � des d�tenus malades mentaux, mais ne re�oivent pas que des d�tenus. Le plus grand nombre d’infirmiers dans ces structures est justifi� essentiellement pour des raisons de s�curit� et non pas pour mener � bien des projets th�rapeutiques.
Y sont �galement hospitalis�s-enferm�s des ��malades difficiles��, ayant b�n�fici� d’un non-lieu (selon l’article 122-1 du Code P�nal), c’est-�-dire jug�s irresponsables mais plus ou moins dangereux.
Y sont hospitalis�s-enferm�s une majorit� de malades issus de secteurs ordinaires, en hospitalisation d’office, sans contr�le judiciaire suffisant, du seul fait qu'ils sont en soins contraints par d�cision pr�fectorale et qu'ils ont, par des troubles du comportement, d�bord� momentan�ment les capacit�s contenantes des �quipes de ces secteurs.
Dans une unit� d’hospitalisation ordinaire la peur de la violence potentielle entra�ne souvent l'enfermement pr�ventif, ce dernier �tant en lui-m�me source de violence. Et la boucle est alors boucl�e�! Une �valuation fine des situations entra�nant les transferts vers les UMD et l'utilisation plus fr�quente qu'en font certaines �quipes par rapport � d’autres, justifi�e parfois d’une vis�e "punitive", est indispensable.
Il surtout n�cessaire qu’un d�bat entre professionnels ait lieu sur la clinique qui peut s’attacher � la contention et � l’enfermement.
Une r�ponse doit �tre apport�e � la question pos�e par les personnes d�tenues que leur �tat de sant� psychique rend durablement porteuses de troubles violents du comportement et dont les soins ne peuvent �tre envisag�s que dans le temps de la chronicit� m�me de la pathologie.
Mais combien sont ces personnes ? O� sont-elles actuellement? Sont-elles regroup�es dans les UMD ou bien sont-elles avec des d�tenus particuli�rement dangereux mais non malades mentaux ? Ces donn�es ne sont pas disponibles. On sait seulement que 10 � 15 % des files actives des UMD sont constitu�es de d�tenus. On ne peut oublier certains probl�mes rares de patients tr�s malades et tr�s violents pour lesquels des solutions devraient �tre pens�es dans le cadre de la r�forme des soins obligatoires que nous proposons et en prenant le temps d’en �valuer toutes les cons�quences.
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Etant donn�e l’�volution des missions et des pratiques des �quipes de secteur, il n’est plus possible de continuer � exiger, en se voilant hypocritement la face, que ces �quipes de soins assurent en m�me temps la garde et les soins en structures ouvertes. Alors que dans le m�me temps les �quipes de soins somatiques envisagent la cr�ation de services d’hospitalisation en H�pital G�n�ral, o� la garde sera confi�e aux agents de l’Administration P�nitentiaire ou de la Police.
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Par ailleurs le dogme, d�fendu par certains psychiatres, de l’irresponsabilit� p�nale des personnes malades mentaux ne peut �tre un argument suffisant pour refuser de repenser l’organisation de soins adapt�s aux personnes d�tenues pr�sentant des troubles mentaux.
���La confrontation � la justice pour l’acte commis et prouv� est chose n�cessaire pour lever le d�ni et contraindre le mis en cause � s’interroger sur son propre fonctionnement��[7]. Et ��cette antonymie� judiciaire peut provoquer une situation dans laquelle la personne oblig�e per�oit, malgr� sa vuln�rabilit� p�nalement stigmatis�e, que n’est pas ni�e son autonomie, qui substitue � l’ob�issance � l’autre, l’ob�issance � soi-m�me��[8]. A notre avis ce texte, situ� dans un ouvrage sur les d�linquants sexuels, a une port�e g�n�rale.
Pour l’irresponsabilit� p�nale, nous pensons qu’il manque un d�bat sur le concept de crime. La folie n’�tant en aucun cas une cause de non imputabilit� de l’acte commis, nous prenons fermement position pour la r�vision de l’article 122-1 alin�a 1. Nous sommes pour la n�cessit� du proc�s, y compris la possibilit� d’un temps de soin pr�alable pour que le sujet et citoyen ��y soit�� dans ce proc�s. Notons cette contradiction qu’il n’existe pas d’irresponsabilit� civile pour les malades mentaux, en droit fran�ais, et que ceci n’a jamais soulev� la moindre pol�mique.
Pour les soins psychiatriques en prison, les m�mes principes de rapprochement avec les soins g�n�raux ainsi que le d�veloppement des soins de proximit� doivent sous-tendre les modifications indispensables.
La persistance de l’opposition entre les logiques de soin (��les psychiatres ne sont pas l� pour tout calmer��[9]) et p�nale est st�rile tant au plan des int�r�ts de l’individu que de ceux de la soci�t� et m�rite mieux que des anath�mes. Ceci impose que les acteurs du soin et ceux de la justice dialoguent intens�ment et sereinement�:
������� en respectant les langages et les r�gles de chacun,
������� en respectant les r�gles des secrets professionnels de chacun,
������� en partageant des temps de r�flexion en commun.
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[1] Petit Larousse
[2] Dr Benedetto SARACENO, responsable de la division sant� mentale � l’OMS-Gen�ve.
[3] Etude de l’Union R�gionale des M�decins Lib�raux d’Ile-de-France� URMLIF� f�vrier 2000
[4] Source DGS.
[5]� On ne doit plus voir, par exemple, ce qu’aux Beaumettes on appelle les ��robinets marseillais��, c’est-�-dire des cellules aux conditions d’hygi�ne d�gradantes.
[6] Observatoire International des Prisons, 28 septembre 2000
[7] C. Balier, C. Parayre et C. Parpillon (1995),
[8] X. Lameyre (2000), reprenant P. Ricoeur
[9]� Dr Paulet du SMPR des Beaumettes
suite
Derni�re mise � jour : mardi 4 septembre 2001 8:30:51 Dr Jean-Michel Thurin | ����������
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