Recherche et vie scientifique : Vaccins : la recherche française poussée à se réforme
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Date: January 27, 2021 07:31PM
Mediscoop / Le Figaro 27 janvier 2021
Jacques-Olivier Martin constate dans Le Figaro que « deux échecs coup sur coup, c’est beaucoup pour la recherche médicale française. En décembre, Sanofi annonçait un retard d’un an sur son projet de vaccin contre le Covid, au moment où plusieurs laboratoires concurrents lançaient l’homologation de leurs produits. Une claque ! ».
« Et puis en début de semaine, le laboratoire Merck et l’Institut Pasteur, symbole de l’excellence française en matière de recherche contre les maladies infectieuses, ont purement et simplement stoppé leur projet de vaccin. En pleine lutte contre le coronavirus, la France se montre ainsi incapable de produire en urgence les armes thérapeutiques qui permettront de stopper cette pandémie », remarque le journaliste.
Il souligne que « la mise au point de vaccins est une affaire éminemment complexe qui a toujours conduit à des échecs. Sanofi a pris du retard, comme son partenaire, le géant britannique GSK, mais aussi Merck, autre acteur majeur de la vaccination, qui vient donc d’essuyer une cuisante désillusion. Les perdants sont déjà nombreux et ce n’est probablement pas fini ».
Jacques-Olivier Martin observe que « deux autres éléments pourraient contrecarrer les ambitions des laboratoires engagés dans la mise au point d’un vaccin. Le premier, c’est le défi de l’efficacité. Les vaccins à base d’ARN messager ont placé très haut la barre : plus de 95% de succès après deux injections. Le second, c’est la rapidité. Dans cette course contre la montre, le moindre retard est vu comme un échec, mais aussi un potentiel risque d’arriver trop tard. La tentation est grande de stopper la recherche pour investir dans d’autres domaines ».
Le journaliste note qu’« en France, ces revers nourrissent les critiques et surtout l’amertume », et cite la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, qui remarquait en octobre : « De la baisse du nombre d’inscriptions en doctorat à la stagnation des rémunérations des personnels de recherche en passant par l’âge moyen d’entrée dans la carrière, tous les voyants sont au rouge et conduisent à un même constat : la recherche française décroche ».
Jacques-Olivier Martin évoque ainsi « la fuite des cerveaux. […] Emmanuelle Charpentier, la Prix Nobel de chimie 2020 à l’origine du ciseau à ADN, une des découvertes majeures de ces dernières années en matière de santé, a été formée à l’université Pierre et Marie Curie de Paris […], mais a fait toute sa carrière à l’étranger ».
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« En réalité, même si des progrès ont été réalisés ces dernières années, la recherche française manque d’attractivité. Dans une compétition mondiale, les grandes universités américaines attirent les jeunes docteurs en leur offrant des salaires qui peuvent être cinq fois supérieurs à ceux que le CNRS peut proposer à un jeune diplômé. Ils leur confient aussi très tôt la responsabilité d’un laboratoire », continue le journaliste.
Il relève en outre qu’« à l’étranger, les financements sont souvent accordés à des projets de recherche. Les équipes sont évaluées chaque année, et si les résultats ne sont pas au rendez-vous, elles perdent leurs ressources ».
« C’est sévère mais plutôt efficace, et surtout très loin des standards français. Nos grandes institutions publiques de recherche sont encore très largement financées par des dotations budgétaires annuelles », remarque Jacques-Olivier Martin.
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Philippe Pouletty, investisseur dans des jeunes entreprises, déclare que « pour doper la recherche française, il faut muscler l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui avait été créée pour orienter les fonds vers les meilleurs projets plutôt que de les distribuer de façon quasi égalitaire aux organismes et laboratoires. Il faudrait multiplier par cinq les ressources de l’ANR ».
« Autant dire un changement de paradigme qui pourrait se heurter à des habitudes tenaces chez les chercheurs, même si le gouvernement semble bien décidé à miser beaucoup plus sur l’Agence nationale de la recherche », observe Jacques-Olivier Martin