Santé et Environnement : Sommeil, activité psychique, et fonctionnement cérébral
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Date: October 12, 2020 11:14AM
Mediscoop / Le Figaro 12 octobre 2020
Pourquoi et comment dort-on aux différents âges de la vie ?
Tristan Vey note dans Le Figaro : « C’est une question que l’on se pose peu, alors que la réponse n’a rien de trivial : pourquoi diable dort-on ? La réponse évidente, «pour se reposer», ne dit pas grand-chose. S’il s’agissait simplement de ménager le corps pour lui laisser le temps de se régénérer, il suffirait de s’allonger. Et puisque la perte de conscience temporaire inhérente au sommeil nous place dans une situation de vulnérabilité extrême, elle ne devrait avoir aucun intérêt sur le plan évolutif. Il est pourtant démontré chez le rat, le chien, la drosophile ou l’homme qu’une privation de sommeil prolongée… peut tuer ».
Le journaliste rappelle que « les neuroscientifiques ont identifié à ce jour deux grandes fonctions biologiques du sommeil : l’organisation des neurones (pour trier les souvenirs, consolider la mémoire et les apprentissages) et l’évacuation des toxines qu’ils produisent ».
« Il est dès lors possible de faire cette hypothèse : c’est parce que nous emmagasinons trop d’informations et produisons trop de déchets métaboliques pendant nos phases d’éveil qu’il est nécessaire de prendre ces moments de «pause» pour faire du ménage et du rangement », continue Tristan Vey.
Mélanie Strauss, professeur associée de neurologie à l’Université libre de Bruxelles, remarque qu’« il y aurait un phénomène de saturation en phase d’éveil. C’est l’hypothèse de l’homéostasie synaptique : on accumule des synapses (zones de contact fonctionnel entre deux neurones, NDLR) et des métabolites (déchets) lorsqu’on est éveillé, et les phases de sommeil permettent d’effacer une partie de ces connexions, d’en renforcer certaines et d’évacuer les toxines ».
Tristan Vey explique que « cette vision est en particulier défendue par Van Savage, professeur à l’université de Californie à Los Angeles, qui établit depuis une dizaine d’années des modèles mathématiques «métaboliques» pour tenter d’expliquer le temps passé à dormir (ou à veiller) ».
« Le temps de veille serait proportionnel aux quantités de stimuli auxquels nous sommes exposés et aux déchets que nous produisons. De la même manière, le temps de sommeil serait proportionnel au nombre d’informations triées et de déchets évacués. Comme il doit par ailleurs y avoir une forme d’équilibre entre quantité de déchets produits et évacués d’une part, et informations enregistrées et triées d’autre part, cela permet d’établir une relation entre temps de veille et temps de sommeil », continue le journaliste.
Il ajoute que « l’efficacité «métabolique» de la réorganisation ou du nettoyage dépendrait enfin de la taille du cerveau, quand la quantité de stimuli enregistrés dépendrait plutôt de la taille du corps ».
Tristan Vey note que « ce sont ces modèles de temps de veille et de sommeil en rapport avec la taille du cerveau et du corps que Van Savage a appliqué à la croissance du cerveau humain, dans une étude parue en septembre dans Science Advances. Les modèles «métaboliques» ont été alimentés avec des données récoltées dans une soixantaine d’études portant sur la taille du cerveau en fonction de l’âge, des quantités de temps passés en sommeil et en éveil en fonction de l’âge, des proportions de sommeil lent et paradoxal, etc. ».
Le journaliste retient que « les modèles parviennent très bien à reproduire les temps de sommeil et de veille constatés, pour peu que l’on bascule entre 2 et 3 ans (à 2,4 ans exactement) d’une période de la vie où le sommeil sert principalement à l’organisation et à la construction des réseaux neuronaux à une deuxième phase où les opérations de nettoyage et de maintenance prennent le pas. Cela n’est pas absurde, dans la mesure où le cerveau atteint déjà 90% de sa taille adulte à cet âge ».
Karen Pruyt, spécialiste du sommeil au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université Lyon 1), observe que « cela correspond aussi à une période où l’enfant devient plus indépendant, que ce soit au niveau du langage, des émotions ou de la cognition. C’est assez joli de se dire qu’un modèle trouve naturellement une transition dans la fonction du sommeil à ce moment ».