Neurosciences : Un "décodeur" par IRM et intelligence artificielle parvient à lire les pensées
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Date: May 09, 2023 12:06PM
Revue de presse Mediscoop/ Le Figaro 9 mai 2023
Pauline Fréour s’interroge dans Le Figaro : « Savoir lire dans les pensées est un ressort récurrent des scénarios de science-fiction. S'en rapprocherait-on ? Le raccourci est séduisant à la lecture d'une étude de l'université d'Austin (Texas), parue le 1er mai dans Nature Reviews Neuroscience. Mais comme souvent dans la recherche, l'écart reste grand entre le fantasme et la réalité de la vie de laboratoire », souligne la journaliste.
Elle explique en effet que « l'équipe du neuroscientifique Alexander Huth présente les résultats d'une technologie permettant de traduire en langage la pensée d'une personne lorsqu'elle est soumise à une perception (regarder un film, écouter une histoire…) ».
« Ce «décodeur» repose sur l'usage d'une IRM fonctionnelle (capable d'enregistrer en temps réel les variations de flux sanguin dans le cerveau, et donc d'identifier les zones activées selon les tâches et stimuli), couplée à un outil d'intelligence artificielle de type ChatGPT », précise Pauline Fréour.
La journaliste indique que « l'activité cérébrale de 3 volontaires a été enregistrée en direct par IRM pendant qu'ils écoutaient des heures de podcasts. Ces données, ainsi que des informations sur les histoires écoutées, ont ensuite été soumises à un outil d'intelligence artificielle afin de l'entraîner à décoder comment les mots, les phrases et leur signification stimulaient différentes régions du cerveau ».
Alexander Huth observe qu’« une grande partie du cerveau s'anime à l'écoute d'une histoire, pas seulement les zones associées à la parole et au langage », évoquant « des zones que nous utilisons pour nous repérer dans l'espace, pour faire du calcul mental, ou pour prédire la sensation d'un objet au toucher ».
Pauline Fréour ajoute que « quand les mêmes volontaires ont été soumis à des stimulations différentes (regarder un film, écouter ou imaginer une histoire), l'activité de leur cerveau enregistrée par IRM a pu être traduite en mots par l'IA, avec une certaine efficacité. Par exemple, «je n'ai pas encore mon permis de conduire» a été interprété par le décodeur comme «elle n'a même pas encore commencé à apprendre à conduire» ».
Alexander Huth précise : « Cela consiste à aller chercher les idées derrière les mots, le sens ».
La journaliste retient que « les applications pourraient à terme être médicales, par exemple pour assister des personnes ayant perdu l'usage de la parole à la suite d'un AVC ou d'un traumatisme crânien. D'autres technologies y sont déjà parvenues, mais elles reposent sur l'enregistrement de l'activité cérébrale directement au contact du cerveau via des électrodes, un geste invasif et potentiellement dangereux sur un organe aussi sensible ».
Jean-Rémi King, chercheur au CNRS, remarque toutefois qu’« il s'agit ici avant tout de recherche fondamentale. D'ailleurs, les performances sont encore très limitées, puisque le taux de mots reconnus est de 7% ».
Le chercheur ajoute : « C'est une méthode assez prometteuse pour essayer de comprendre comment le cerveau représente le sens. Pourquoi le cerveau humain est-il le seul sur terre capable d'acquérir et traiter le langage ? Cela reste largement incompris. Et c'est cette question-là qui est au cœur de l'étude ».
Pauline Fréour évoque enfin des « limites » : « La coopération de l'individu est nécessaire : les chercheurs texans ont en effet observé que les performances du décodeur chutaient lorsque le volontaire se mettait en opposition ».
La journaliste ajoute que « ce sont bien des perceptions (des récepteurs visuels par exemple) et non une «voix intérieure» qui sont captées par le décodeur. (…) Malgré tout, ces limites pourront peut-être être surmontées dans le futur, rappellent les auteurs. (...) En outre, même si les prédictions du décodeur ne peuvent être considérées comme fiables lorsque la personne ne coopère pas, elles pourraient quand même être mal interprétées à des fins malveillantes ».