Éthique : Violences conjugales : faut-il lever le secret médical ?
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Date: November 19, 2019 08:31AM
Mediscoop /Le Parisien , Le Journal du Dimanche 19 novembre 2019
C’est ce que titre Le Parisien, qui note que « le gouvernement y est favorable pour mieux protéger les femmes victimes des coups de leur conjoint. Mais pour de nombreux experts, il faudrait d’abord que les commissariats prennent bien les plaintes et que la justice ne classe pas les affaires ».
Le journal explique ainsi : « Le protocole existe déjà pour les enfants en danger. Demain, la levée du secret médical sera-t-elle étendue pour les femmes victimes de violences conjugales ? Cette recommandation figure en bonne place dans le rapport sur les homicides conjugaux, rendu public ce dimanche par l'inspection générale de la justice ».
« La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, y est favorable «pour résoudre les situations dans lesquelles la victime ne peut pas saisir la justice», explique-t-elle dans un entretien accordé au JDD », indique le quotidien.
Le Parisien observe que « Marlène Schiappa, son homologue en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, est sur la même longueur d'onde ». Celle-ci déclare : « Nous voulons permettre de lever le secret médical. Quand une femme est en danger, chacun doit prendre ses responsabilités pour la protéger ».
Le journal relève toutefois que « pour de nombreux experts, le principal frein n'est pas à chercher dans les cabinets des médecins, mais dans ceux des juges ». Le Dr Gilles Lazimi, membre de l'association SOS Femmes 93, réagit ainsi : « Combien de fois avons-nous incité les femmes à porter plainte, et combien de fois ont-elles été mal reçues ? ».
Le Parisien rappelle que « chaque année, 220.000 femmes sont victimes de violences conjugales. […] Permettre à un médecin de signaler des violences conjugales sans l'accord de la femme concernée, est-ce une bonne idée ? Pour la Dr Emmanuelle Piet, médecin de PMI (Protection maternelle et infantile), présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV) et membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, ce n'est pas la réponse qu'elle attend du gouvernement pour lutter contre les violences faites aux femmes. Elle craint même que la situation des victimes empire, faute de prise en charge à la suite de cette démarche ».
« Mais pour la spécialiste du harcèlement moral et des violences faites aux femmes, la psychiatre Marie-France Hirigoyen, qui participe à l'un des groupes de travail constitué dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, «il faudrait pouvoir faire un signalement» », continue le journal.
Marie-France Hirigoyen déclare notamment qu’« actuellement, nous, médecins, sommes démunis quand une femme vient nous voir, affolée, apeurée… Elle a tellement peur qu'elle ne veut pas porter plainte. Il faudrait pouvoir faire un signalement. Si dans la foulée la justice intervient rapidement pour trouver des solutions, à la fois pour l'accueil de la femme et l'éloignement du conjoint, on peut arriver à des résultats ».
La spécialiste poursuit : « De la même façon qu'on lève le secret médical pour les enfants, le médecin, une association, ou une assistante sociale pourrait le faire pour une femme s'il a le sentiment qu'elle est en danger. Dans les situations moins urgentes, il existe d'autres possibilités d'agir. Je passe déjà beaucoup de temps à convaincre des patientes de saisir la justice. La levée du secret médical concernerait peu de cas, mais elle pourrait sauver des vies ».
De son côté, Emmanuelle Piet remarque que « le secret médical a évolué depuis une vingtaine d'années et la loi permet aux médecins de réagir face aux victimes de violences conjugales. Mais elle est peu connue. Une femme qui arrive en consultation et qui ne peut plus marcher à cause de coups, est en situation de «fragilité physique et psychique». Ce qui entre dans le cadre de la loi et de l'article 226-14 (NDLR : précisant les exceptions au secret professionnel) ».
La médecin souligne cependant que « si ces femmes ne portent pas plainte, c'est qu'elles ont peur de l'après. Que va-t-il se passer si elles le font ? Est-ce que la police et la justice les protégeront après cette démarche ? Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nicole Belloubet […] reconnaît ce que les associations disent depuis 40 ans : le système ne fonctionne pas ».
« Je ne veux pas mettre les femmes encore plus en danger, face à l'auteur des violences, si un signalement reste sans suite. Si on me demande de lever le secret médical, je veux aussi être le juge et qu'on me garantisse que ces femmes seront protégées », déclare le Dr Piet.