Addictions : La légalisation du cannabis entraîne-t-elle une hausse de la consommation ?
Posted by:
root (IP Logged)
Date: June 21, 2019 04:23PM
Mediscoop / Le Parisien La Croix 21 juin 2019
C’est ce que titre Le Parisien, qui remarque que « s’il est encore trop tôt pour poser un jugement définitif, la consommation dans les pays qui ont légalisé aurait tendance à augmenter chez les majeurs, mais à reculer parmi les mineurs ».
Le journal explique ainsi : « Légaliser le cannabis récréatif pour «reprendre le contrôle» face à «l'échec» de la répression. C'est la thèse défendue par le Conseil d'analyse économique (CAE), un groupement d'économistes rattaché à Matignon ».
« Cette note, publiée ce jeudi, appelle à la création d'un «monopole public de production et de distribution du cannabis», avec producteurs agréés et boutiques spécialisées. Une «légalisation contrôlée» également défendue dans une récente proposition de loi », observe le quotidien.
Le Parisien observe que « parmi les nombreux points sur lesquels s'affrontent partisans et détracteurs de la légalisation du cannabis, l'un des plus récurrents est celui de l'impact d'une telle mesure sur la consommation. Pour en juger, il faut se tourner vers les quelques Etats qui ont franchi le pas, comme le Canada, l'Uruguay ou encore dix Etats américains. Bien souvent, à ce stade, il est difficile de se prononcer fermement ».
David Weinberger, chercheur à Institut national des hautes études de la sécurité, indique que « pour le Canada, qui a légalisé en 2018, il est beaucoup trop tôt pour une évaluation. Les tendances mettent cinq à dix ans avant d'apparaître clairement ».
Le Parisien explique que « seuls trois Etats ont légalisé le cannabis il y a 5 ans ou plus : l'Uruguay (2013), le Colorado (2012) et l'Etat de Washington (2012). Leurs expériences tendent à montrer que l'impact sur la consommation est plutôt à la hausse chez les adultes ».
Le quotidien note que « cette hausse de la consommation est même parfois assez importante chez les jeunes majeurs (18-25 ans), avec +20% d'usagers entre 2017 et 2019 dans l'Etat de Washington, selon une note récente de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) sur l'impact de la légalisation dans l'Etat de Washington et dans le Colorado ».
Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'OFDT et auteure de ce rapport, rappelle que « c'est pourtant une population à risque. Le cannabis présente des dangers sur la santé pendant la période de maturation cérébrale, jusqu'à l'âge de 25 ans environ ».
Le Parisien continue : « Une hausse qui s'explique par une «meilleure accessibilité au produit», par la «tendance à la baisse des prix avec les années» et par la «banalisation du produit», précise-t-elle ».
Le journal relève un « autre phénomène notable - et moins attendu - dans ces deux Etats américains : la hausse significative de la consommation de cannabis chez les seniors ». Ivana Obradovic remarque ainsi que « les plus âgés font l'objet d'un marketing assez agressif, sur le thème du bien-être ou de la lutte contre le vieillissement ».
Le quotidien précise toutefois que « si la consommation a tendance à augmenter chez les majeurs, au Colorado et dans l'Etat de Washington, la consommation des mineurs, en revanche, a plutôt reculé. [...] Impossible, en effet, de pénétrer dans un « cannabis store » sans présenter sa carte d'identité. Une étude a toutefois montré que les «trois quarts des lycéens du Colorado avaient pu accéder à du cannabis devenu légal en contournant les règles : soit en faisant acheter le produit par un majeur, soit en se servant auprès de ses proches» insiste David Weinberger ».
Le Parisien continue : « Quid de l'impact sur la consommation dans les pays qui n'ont pas franchi le cap de la légalisation mais qui ont dépénalisé ou qui tolèrent la consommation de cannabis ? Au Portugal, où toutes les drogues sont décriminalisées depuis 2001, «le changement législatif n'a eu aucun impact sur les niveaux de consommation», tranche Ivana Obradovic. Aux Pays-Bas, où l'usage n'est que toléré, «la consommation y est plus faible que dans d'autres pays européens, comme la France ou l'Espagne», explique David Weinberger. [...] En matière de consommation, les facteurs culturels sont donc centraux ».
La Croix se penche aussi sur cette « nouvelle offensive en faveur de la légalisation » du cannabis : « Le conseil d’analyse économique (CAE) a publié [...] un rapport prônant la création d’une filière contrôlée par l’État. Malgré la réticence du corps médical, qui défend l’exclusivité d’un usage thérapeutique ciblé, l’opinion et le débat public évoluent ».
Le journal observe qu’« en parallèle, plus de 70 médecins, juristes, économistes et élus de divers bords politiques ont publié une tribune dans L’Obs, pour exiger de «légaliser le cannabis, qu’il soit utilisé à des fins thérapeutiques, comme récréatives, pour les consommateurs de plus de 18 ans » ».
Le journal relève que « ces revendications s’entrechoquent avec les travaux d’un comité d’experts, chargés par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de remettre [hier] un projet-cadre d’expérimentation de l’usage du cannabis thérapeutique ».
La Croix observe toutefois que « dans l’opinion, la possibilité de la mise en vente libre du cannabis selon un modèle qui serait proche de celui du tabac ou de l’alcool est loin de faire l’unanimité, puisque 61% des Français y sont «plutôt opposés», d’après une étude de l'OFDT publiée cette année ».
Stanislas Spilka, responsable des enquêtes statistiques à l’OFDT, précise que « le véritable enjeu est celui du cadre réglementaire qui serait choisi, car lorsque la question est posée simplement sur la légalisation, la proportion de personnes qui se déclarent opposées passe à 54% ».