Gestion de la santé : Cancer - Notre système immunitaire a des capacités qu'aucun médicament ne pourra jamais égaler
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Date: May 27, 2022 04:56PM
Mediscoop / Le Figaro 27 mai 2022
Le Figaro publie un entretien avec le Pr Olivier Michielin, responsable de la clinique du mélanome et de l'oncologie de précision au Centre hospitalier universitaire Vaudois (Lausanne, Suisse), qui « fait le point sur les bénéfices extraordinaires de l'immunothérapie ».
Le journal indique en effet que dans « La révolution de l'immunothérapie » (Ed. Favre), « les Prs Olivier Michielin et George Coukos retracent cette odyssée et offrent les clés pour comprendre ce sujet complexe ».
Le Figaro demande tout d’abord : « Pourriez-vous expliquer simplement en quoi consiste l'immunothérapie ? ».
Le Pr Michielin répond que « c'est une nouvelle approche extrêmement prometteuse en oncologie qui change radicalement la manière dont on combat le cancer. Plutôt que d'attaquer directement les cellules cancéreuses, comme on le fait avec la chimiothérapie, on essaie par différents moyens d'aider notre propre système immunitaire à attaquer la maladie. Celui-ci dispose en effet d'incroyables capacités pour se battre contre la maladie. Des capacités qu'aucun médicament ne pourra jamais égaler ».
L’oncologue explique qu’« il existe différents types d'immunothérapies mais la plus révolutionnaire est appelée «inhibiteurs de points de contrôle immunitaire» ou «inhibiteurs de checkpoint». […] Les lymphocytes du système immunitaire - les globules blancs, si vous préférez - sont très performants pour détruire des cellules qu'ils identifient comme étant anormales, parfois trop. Alors pour éviter que le système immunitaire ne s'emballe et ne provoque une maladie auto-immune, il y a à la surface des cellules immunitaires des récepteurs qui jouent un rôle de frein naturel (les «checkpoints» ou «points de contrôle») ».
Le Pr Michielin indique que « les tumeurs les utilisent pour échapper au système immunitaire. Avec l'immunothérapie, l'objectif est de lever ces freins. [...] On injecte par voie intraveineuse au patient des anticorps qui vont avoir la capacité de se lier aux récepteurs de façon très spécifique. Lorsqu'un anticorps s'attache à un récepteur, ce dernier est bloqué et ne peut donc plus freiner le système immunitaire ».
Il précise que « les inhibiteurs de point de contrôle ont fait la preuve de leur efficacité dans les années 2010, d'abord pour les mélanomes, puis pour les cancers du poumon. Ils sont devenus un des grands piliers de l'oncologie ».
L’oncologue remarque ainsi que « pour le mélanome, le taux de réponse à l'immunothérapie est de plus de 50% lorsque le patient a atteint le stade métastatique. […] Désormais, l'immunothérapie est le traitement de choix dans le mélanome métastatique, sauf en cas de contre-indication majeure (greffe cardiaque). La chimiothérapie n'a plus sa place, mis à part dans des situations très particulières. Dans d'autres cancers, on a plutôt tendance à combiner l'immunothérapie avec les traitements existants. C'est notamment le cas du cancer du poumon, où la combinaison avec la chimiothérapie est efficace ».
Le Pr Michielin souligne toutefois que « dans le cancer du pancréas et du cerveau, l'efficacité est très faible. Dans le cancer du sein, à l'exception de quelques sous-types, cela fonctionne globalement assez mal. C'est là que l'on voit qu'il nous reste beaucoup de travail à accomplir pour arriver à transposer les succès obtenus avec le mélanome et le cancer du poumon dans d'autres types de cancers. Mais le nombre de cancers que l'on peut traiter par immunothérapie s'accroît chaque année ».
L’oncologie évoque en outre « une problématique que l'on a avec tous les nouveaux médicaments contre le cancer. Ils sont chers, voire très chers. Un traitement avec des inhibiteurs de points de contrôle coûte environ 100.000 euros par an par patient. Pour d'autres traitements, comme les CAR-T cell, cela peut monter jusqu'à 500.000 euros. C'est un traitement unique et personnalisé, il n'y a pas besoin de répéter le geste. Mais vous savez, j'ai une patiente de 27 ans désormais guérie qui a bénéficié d'inhibiteurs de points de contrôle. Elle a sans doute gagné 60 années de vie. Oui, c'est cher, mais c'est totalement justifiable d'un point de vue de santé publique ».